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consultant

  • "Alors avançons ensemble !" - part 2 (Les dés sont jetés !)

    [Episode précédent ici]

    Le soir, à 17h30, je pique un sprint jusqu'aux bureaux de l'employeur convoité. A peine assise, ma potentielle future N+2 (appelons la ma N+2 puisqu'elle l'est désormais) me dit " A. et moi avons réfléchi depuis notre entretien ce matin et nous avons peur que vous vous ennuyiez vite sur les solutions pour lesquelles nous recrutons. Vous êtes visiblement dynamique et curieuse, on sent qu'il faut vous "nourrir" dit-elle, et ce domaine n'est pas le plus fun. Mais je vous rassure, ajoute-t-elle, votre profil nous intéresse et j'ai besoin de collaborateurs dans différents domaines. Et vous, qu'avez-vous pensé de notre échange de ce matin ?"

    Je réponds que j'ai réfléchi aussi. Que je suis très intéressée par le domaine couvert par leurs solutions (les RH) et que, celui-ci étant nouveau pour moi, je ne crois pas que je vais m'ennuyer, en tout cas pas avant un bon moment. En revanche, 2 points m'interpellent dans la description du poste qui m'a été faite. Le premier, c'est que l'objectif fixé aux consultants en terme de nombre de jours de prestations est élevé et même supérieur à celui de mon précédent employeur. Or, après plus de 4 ans à partir chaque semaine, j'avais envie d'un poste qui demanderait moins de déplacements, plutôt sur un rythme d'1 semaine sur 2 voire 3. Le deuxième point, c'est que leurs produits sont "franco-français" et que je trouve dommage de se priver de 2 de mes compétences, à savoir ma capacité à dispenser des formations en anglais et en espagnol.

    Mon interlocutrice acquiesce : "Nous y avons pensé aussi". Elle poursuit :

    "J'ai eu un peu de temps depuis ce matin et je suis allée consulter votre profil sur les réseaux sociaux .... Vous avez un sacré parcours !"

    Je souris : " J'ai un parcours atypique, en effet".

    Elle continue " Vous avez fait du management, n'est-ce-pas ? Loin de moi l'idée de vous mettre mal à l'aise mais ... je sens chez vous du leadership, de la rigueur, le gout de l'écriture ... alors, si je peux me permettre, pourquoi n'êtes vous "que" consultante" ?

    Je suis parfaitement bluffée et rend intérieurement hommage à sa clairvoyance. Elle m'a "devinée" en un peu plus d'une heure d'entretien. Je comprends qu'il puisse paraitre surprenant de passer d'un poste de responsable à celui de consultante formatrice (sous-entendu subalterne) alors j'explique : des difficultés alors dans mon poste de manager, une remise en question, le besoin de trouver, après 15 années d'un parcours dense et varié, MA voie, celle dans laquelle je m'épanouirais et donnerais le meilleur de moi-même. Un bilan de compétences et un changement de cap avec en ligne de mire un poste dans lequel j'étais débutante et avais tout à apprendre.

    Je conclus : " Je ne voulais plus faire de management mais j'ai l'impression que c'est mon destin car dans les postes que j'ai eus depuis, il m'est souvent arrivé de trouver qu'on n'allait pas assez loin et pas assez vite. Je pense qu'aujourd'hui, je ne ferais plus les erreurs que j'ai pu faire alors." J'explique que j'ai d'ailleurs proposé à ma précédente manager de la seconder en créant un poste de chargée de qualité mais que cette donnée ne faisait alors pas partie des priorités de ma direction.

    Mes interlocutrices sont à leur tour bluffées :" Vous avez un vrai projet professionnel, c'est rare."

    J'en rajoute une couche " C'est sûr, je ne cherche pas un boulot alimentaire. J'ai beaucoup appris sur moi-même, et aujourd'hui, à défaut de savoir exactement ce que je veux, je sais au moins ce qui ne me convient pas."

    [Depuis 2005, je constate à quel point la démarche d'entamer un bilan de compétences a été une des meilleures décisions de ma carrière. Il m'a permis de mesurer tout le chemin parcouru, de redorer une estime de moi alors mise à mal, de lister avec précision les conditions de ma réussite mais surtout de me convaincre que mon mental est tout et que CE QUE JE VEUX, JE LE PEUX. Mon bilan de compétences, en donnant un sens à mes choix et en me légitimisant, a tué pour toujours mon complexe d'autodidacte.]

    Notre échange continue. Elles souhaitent savoir pourquoi j'ai quitté mon employeur précédent, celui chez lequel je suis restée 4 ans et demi. Je les sens réceptives et décide de jouer cartes sur table car en prenant la décision, 1 mois et demi plus tôt, de tout mettre en œuvre pour fausser compagnie à mon employeur, j'ai aussi pris une résolution : celle de ne le faire que pour un employeur qui me mérite. Ca peut paraitre prétentieux, comme ça, mais j'assume et m'explique : j'ai décidé de travailler désormais pour un manager qui me recrute précisément pour ce que je considère être des qualités et qui ont visiblement été perçues comme des défauts par mon employeur actuel : ma franchise, mon exigence, mon besoin de toujours remettre en question et progresser. Il y a quelques années, mon ami JM a mis un nom sur cette posture quasi intuitive "La roue de Deming" ou PDCA.

    Alors j'explique que je n'étais plus en accord avec les choix de la direction, qui avait décidé de tout miser sur la conquête  de nouveaux clients au détriment des clients existants. Que mon boulot, c'est la qualité et que j'avais eu le sentiment qu'on empilait des étages supplémentaires sur un édifice devenu branlant. Qu'ayant essuyé à plusieurs reprises les plâtres de nouvelles fonctionnalités insuffisamment testées, et vécu plusieurs grands moments de solitude face à un outil bugué et instable, et n'étant plus en phase avec direction qui selon moi, pensait court terme, j'avais décidé de partir.

    Ma N+2 sourit : " Vous avez que notre PDG est un financier aussi ?" Je souris et acquiesce, consciente que je la joue à pile ou face : "Faire de l'argent n'est pas sale; tout dépend comment on le fait." Elle compatit : " Je vois très bien ce que vous voulez dire. NOtre direction ne voit le métier de consultants qu'en termes de jours facturés. On essaie de leur faire comprendre que facturer n'est pas tout, on se bat et croyez-moi, ce n'est pas évident tous les jours mais j'ai bon espoir". Elle continue " Moi je cherche des collaborateurs qui nous font avancer."

    Elle revient sur la proposition du matin "Je reviens à la charge avec mon poste de directeur de projets. Franchement, je vous vois tout à fait dans ce poste mais comme vous ne connaissez pas le domaine sur lequel nous intervenons, j'ai peur que vous manquiez de crédibilité si vous devez manager des consultants. Il n'est pas nécessaire de connaître le domaine, mais pour vous ce serait quand même plus confortable. Ecoutez, je vais débriefer notre entretien avec mon responsable. J'ai plusieurs postes en tête pour vous. Je pars en vacances ce soir et vous recontacte avec une proposition mi-septembre, ok ?"

    Lorsqu'elles me raccompagnent à la porte et me serrent chaleureusement la main, je me dis que, quoi que soit la suite, cet échange a été un des plus enrichissants et "réconfortants" que j'ai eus depuis bien longtemps. Qu'après toutes les expériences d'entretiens désagréables que j'ai eues ces dernières semaines, ces deux femmes m'ont redonné foi dans les recruteurs. Et que j'ai désormais très très envie de travailler pour et avec elles.