« Deux temps, trois mouvements », l’expo sur Jacques Tati à la Cinémathèque Française s’est terminée hier. A une semaine près, je la ratais et je ne me le serais pas pardonnée.
Comme on change pas une équipe qui gagne, je m'occupe des mots et Boug', du choc des photos.
Tati, je l’ai découvert en Irlande où en proie au mal du pays, j’avais entrepris d’occuper les – nombreuses – soirées pluvieuses à parfaire mon éducation cinématographique en visionnant les classiques du cinéma français. J’écumai le rayon « films français » de l’Alliance Française et du vidéo club en dessous de chez moi. Je découvris ainsi « Les enfants du paradis », « Boudhu sauvé des eaux », « Les galettes de Pont-Aven » et … « Jour de fête ».
L’accent de ce village berrichon, ses habitants et les pitreries de François sur son vélo m’avaient bien fait rire. « Playtime » acheva de me conquérir.
Rentrée en France, je découvris le site officiel de Tati, fidèle à son esprit.
J’entraînai à cette expo mon amie Boug’ qui ne connaissait le cinéaste que de nom. Je supposai que son âme de gamine serait sensible à l’univers poétique de Tati et à sa capacité à s’amuser d’un rien. Sur la façade de la Cinémathèque, la silhouette si célèbre de l’homme à la pipe. C’est aussi ma première à la Cinémathèque.
Nous entrons dans un grand espace de verre et sommes plongées dans l’atmosphère de Playtime. Des jeux d’illusions, un escalier qui ne mène nulle part, une secrétaire qui apparaît et disparaît, comme par magie. Comme dans ses films, chaque détail compte.
Outre une immense pipe qui trône là, l’expo est parsemée des objets célèbres des films de Tati : les chapeaux féminins farfelus, des accessoires, les meubles de la villa Arpel. Des écrans ça et là diffusent de nombreux extraits de ses films. Nous rejoignons des spectateurs vissés devant un alignement d’écrans. Ce sont « Les 6 leçons du professeur Goudet » qui abordent la vie, le travail et les écueils de Tati, le tout ponctué d’interviews de personnalités artistiques, certaines clairement influencées par lui, d’extraits de films et/ou publicités lui rendant un discret hommage et de réclames drôlissimes que Tati réalisa pour Taillefine. C’est là que je réalise que Mr.Bean, un autre burlesque, est l’héritier direct de Tati.
Dans une pièce sombre, une vitrine expose les objets « collectors » : sa sacoche de facteur dans « Jour de fête », son Oscar. Un film montre la construction de Tativille, où fut tourné Playtime, sur un terrain vague de Joinville-le-Pont.
Sur le chemin de la sortie, sa silhouette dégingandée, reconnaissable entre toutes, immortalisée dans de nombreux croquis, notamment de Defaix et Sempé, ses amis. La visite se termine dans un décor de cabanons de plage et des photographies de famille, dont ce grand-père russe auquel il ressemblait beaucoup.
L’expo m’a beaucoup plue, mon seul regret étant que les projections de films et conférences n’eurent lieu qu’en avril et mai. Rien du tout en juin et juillet.
Comme beaucoup d’autres, on n’aida pas Tati à réaliser ses films, il y engouffra souvent sa fortune (il dut hypothéquer sa maison pour Playtime) mais fut encensé a titre posthume.
A la sortie, enchantée de cette plongée ludique et colorée, je m’amuse de trouver un vieux vélo un peu rouillé contre une barrière et un manège d’enfants.
Tout en nous baladant dans le parc de Bercy, croisant des poussettes et le serpentin de voitures en contrebas, je dis à Boug’ que j’ai l’impression de voir du Tati partout.
Après tout, c'est Tati lui-même qui disait « Le film commence quand on sort de la salle » ...