Bien que j’aie vu ce film dès sa sortie, attendue avec impatience, je n’en ai alors pas parlé ici.
Non que j’aie été déçue, mais parce que je ne savais pas comment l’aborder sans en dévoiler le thème, si éloigné de ce que j’avais imaginé en visionnant la bande-annonce.
Albert Dupontel est un artiste pour lequel j’ai une affection ancienne et particulière. C’est mon frère qui me l’a fait connaître dans ses one-man shows à la fois cyniques et tendres. Je préfère Dupontel en acteur plutôt qu'en réalisateur; je n’avais pas accroché avec « Bernie ».
En revanche, dans « Irréversible », le personnage posé, moral, qui glisse dans la violence aveugle, m’a interrogée – et pour longtemps - sur la part d’animalité et les instincts qu’on a tous en nous.
"Deux jours à tuer", l’histoire d’un quadra à qui tout a réussi - femme, enfants, argent - et qui envoie tout valser en un week-end.
La scène du dîner avec les amis, où Antoine est absolument odieux, met mal à l’aise. Au début, pourtant, j’ai souri. Qui n’a pas rêvé au cours d’un repas de famille bien pesant – mes amis, je les choisis - de rentrer dans le lard d’un tel ou telle qu’on a jamais pu saquer mais qu’on subit parce que « tu comprends, c'est la famille, quand même » ?
Mais dans cette fameuse scène, quand Antoine en vient aux mains, que sa femme et ses amis pleurent devant l’inconnu qu’il est devenu, on comprend que quelque chose de grave est arrivé.
Le malaise s’accentue au fur et à mesure qu’Antoine s’enfonce dans l’autodestruction. Et puis, Antoine se barre et prend un ferry pour … l’Irlande. Putain, encore elle ! Le choc quand j’ai reconnu les paysages du Connemara ! Je les ai sillonnés si souvent, sous la pluie ou le soleil, avec ma sœur, mon frère, mes amis.
Et là, devant ces paysages sauvages, à couper le souffle, j’étais accrochée à mon fauteuil avec une boule dans la gorge et une envie soudaine de m’attabler devant un panier de crab claws et une pinte de Guinness bien fraîche, dans un pub surplombant les lacs. Je me suis souvenue des après-midi à jouer aux fléchettes, simplement, au son d’une cornemuse, en papotant avec les papis du coin, tout burinés. De l’eau fraîche et cristalline qui filait entre mes doigts. Des murets de pierre et des moutons badigeonnés de peinture avec lesquels on se trouve nez à nez, au détour d’une route.
J’ai eu mon petit coup de cafard, quoi, et le secret d’Antoine, qu’on apprend là, au cours d’une partie de pêche, n’a fait que donner une dimension plus dramatique à ces paysages sauvages et somptueux, où le sentiment de solitude peut être si écrasant et exaltant.
La scène finale du film, si elle m’a mise en colère contre Antoine, ne m’a pas surprise. Je l’ai trouvé terriblement égoïste, cruel, et donc tellement humain. L’être humain est ainsi fait qu'il veut qu’on l’aime, quoi qu’il en dise, et Antoine n’a pas assumé sa décision jusqu’au bout.
Ca faisait longtemps que je n’avais pas pleuré au cinéma. Je m’étais même demandé si je ne devenais pas insensible, avec l’âge. Mais là, j’ai pleuré des rivières, et la chanson du générique de fin, « Le temps qui reste », par Serge Reggiani, n’a fait que redoubler ma tristesse.
Plus tard, je me suis souvenue que j’avais imaginé, il y a des années, que quelque chose de similaire m’arrive. Je m’étais alors juré de faire comme Antoine. En serais-je capable aujourd’hui ? La réponse est non. J’ai des défauts mais je ne suis pas orgueilleuse.
« Deux jours à tuer », si vous l’avez vu, vous en avez pensé quoi ?
PS : J’ai volontairement omis de révéler le secret d’Antoine, pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui n’auraient pas encore vu ce film de Jean Becker, tiré du roman éponyme de François d’Epenoux.
PS2 : Allez, pour finir sur une note gaie, je vous remets un sketch d’Albert …. vous pourrez en trouver d'autres là.