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  • Seuls face à la bombe

    Ca fait longtemps que je veux écrire un billet sur ce métier méconnu et mystérieux. Celui qu’une personne qui m’est très proche a exercé pendant presque 20 ans. Un dossier du Nouvel Obs m’en a donné l’occasion. On les appelle artificiers ou démineurs. Quand on me demandait sa profession, cela nécessitait toujours une explication. La plupart d’entre eux sont d’anciens militaires. A Paris, ils dépendent de la préfecture de Police et sont une quinzaine. 

    En 1982, 2 ans avant qu’il n’entre au Labo, 2 démineurs sont morts dans l’explosion d’une bombe. Il ne racontait rien ou presque des interventions de la journée. La plupart étaient de fausses alertes, heureusement. Une voiture garée devant une ambassade, un bagage abandonné dans un aéroport. Quand je travaillais à Roissy, j’étais contente parce qu’on pouvait boire un café ensemble parfois. En dehors de ça, on l’apercevait souvent à la télé, au journal, à chaque fois qu’il y avait eu un attentat. Les dernière années ont été plus dures et les nuits courtes après septembre 2001.  

    Et puis, quand on a eu grandi, il a raconté un peu plus. Mes souvenirs sont peut-être inexacts. Un diplomate libanais déchiqueté par une bombe au démarrage de sa voiture. Un collègue policier, sans doute dépressif, qui avait piégé son appart’. Ils avaient dû escalader le balcon pour pénétrer dans l’appartement et l’avait trouvé mort. Dans le salon, des photos de ses enfants.

    Et puis, sans doute ce qui m’a le plus marquée, ce gamin de 16 ans qui surfait sur des sites donnant le mode de fabrication d’une bombe. Son père inquiet du temps passé devant l’ordinateur avait déplacé celui-ci dans le salon familial, pour garder un œil sur le fiston. Mais un soir, une explosion avait retenti. Le gamin avait eu tout le bas du corps arraché. Vous imaginez l’état de la famille. Quand je lui ai demandé « Tu crois qu’il va vivre ? », il avait répondu « Il vaudrait mieux pour lui que non, dans l’état où il est ». L'article du Nouvel Obs évoque d'ailleurs la recrudescence de ces apprentis sorciers.

    J’ai eu souvent peur pour lui. Pas vraiment dans le cadre de son métier, mais plutôt pour ce qu’il représentait et la haine que les 6 lettres écrites sur son camion suscitait. La police. Quand il racontait que des frigos tombaient devant leur camion "Police-Déminage", quand ils intervenaient dans certains quartiers chauds, ou qu’on lui balançait des trucs par les fenêtres quand il rentrait à pied du boulot, j’avais peur qu’on lui fasse du mal, à mon humble héros.

    Je n’ai pas de sympathie particulière pour la police. C'est une particularité française que j'ai bien du mal à m'expliquer, cette haine de l'uniforme. Mais j'ai beaucoup de respect pour ceux qui font un métier ingrat, qui sacrifient nuits et week-ends pour que nous dormions tranquilles, sur lequel beaucoup crachent, mais qu’ils sont les premiers à solliciter quand il y a un problème. Ces hommes et ces femmes, quel que soit l’uniforme qu’ils portent sont des parents, enfants, frères et sœurs.