Sur le quai du métro, il est là, me guettant dans les wagons bondés. Ca tombe bien, le mien s'arrête juste devant lui, je lui fais signe et il me rejoint, longue silouhette au crâne nu dans sa veste kaki. Tandis que nous discutons, je m'amuse du contraste entre nous. Il parle lentement et me fait répeter mes mots qui s'entrechoquent. Il est posé et moi, je suis le lapin Duracell. Nous arrivons à Belleville. Dans la rue, les terrasses sont bondés de gens heureux. Nous passons devant un restaurant japonais. "Un faux, hein ?", lui demandai-je. "Oui", répond-il. Au Japon, on ne sert jamais du riz en accompagnement de sushis." Logique. C'est comme les gens qui mangent du pain avec les pâtes, ça m'a toujours sciée.
Nous arrivons devant le n°38, j'appelle Yohan et je crie "A boire, à boire !". Ca le fait marrer. Quelques secondes plus tard, la porte de l'immeuble s'ouvre sur son visage rieur. Nous pénétrons dans une cour verdoyante entre deux bâtiments aux facades rose saumon. Deux jeunes femmes assises à une table métallique déglinguée nous accueillent avec un sourire. Yohan nous présente. Nous buvons de la bière dans des flûtes à champagne. Je me sens très vite à l'aise. Elles ne sont pas parisiennes mais nancéennes. Toutes deux très souriantes et chaleureuses, l'une est brune et l'autre a des cheveux chatains mousseux, relevés en une masse improbable retenue par un serre-tête et de minuscules pinces crocodile. Elle a un je ne sais quoi de Marion Cotillard dans "La môme". Le teint pâle, de grands yeux clairs sous des paupières immenses, une vraie gouaille de titi, beaucoup de charme. Elle dit "baiser" au lieu de "faire l'amour", j'adore ça. Je trouve un charme fou aux femmes féminines qui disent des gros mots. Je lui dis qu'elle est parfaitement à sa place dans ce quartier qui a vu naître Piaf. Ca la fait rire, on lui dit tout le temps. Nous parlons de Nancy, cette ville que je ne connais pas et que j'ai envie de visiter depuis longtemps. Je découvre que Seiji connaît beaucoup de villes en France, notamment Marseille que je n'ai jamais visitée. Il connaît aussi l'architecture de Nancy et parle d'une banque à l'intérieur Art Déco.
Et puis, nous parlons de cul. Nous rions, beaucoup. J'enrichis mon vocabulaire et apprend que PC signifie "plan cul" et BGF, "best gay friend". L'apéro dure des heures et le concert prévu est vite oublié. Nous sommes bien, là, dans cette cour aux odeurs estivales. Nous chantons même des chansons de Daniel Guichard et Joe Dassin, "Le gitan", "Mon vieux", "L'été indien". On se promet une soirée karaoké. Seiji se marre, il doit nous prendre pour des fous. Des voisins traversent la cour et nous saluent. La campagne à Paris !
Vers 23h, la faim se fait sentir. Nous pénétrons au "Président" par le grand escalier, Seiji et moi nous extasions sur l'entrée majestueuse et imposante. Je mange du canard laqué en me léchant les doigts. La nourriture est bonne mais le service vraiment moyen. Sandrine, fâchée, sort son harmonica et balance des salves de musique en guise de réprimande. Quand nous quittons le restaurant, un groupe nous demande de les prendre en photo dans l'entrée et pour les faire sourire, Sandrine joue de l'harmonica en dansant devant eux. Moi, je suis pliée, qu'est ce qu'elle est drôle, cette fille !
Ca y est, c'est dimanche. Nous n'avons pas envie de dormir et réussissons à entraîner Yohan au Lou Pascalou tandis que Seiji nous quitte. Dans le métro, Sandrine continue à amuser les passants (et moi). Yohan répète "oh la honte" mais en fait, ça l'amuse beaucoup aussi. C'est le deuxième soir que je me retrouve au comptoir du Lou Pascalou. J'y retrouve une récente connaissance et son amie, une jeune femme au sourire bienveillant.
2 heures moins le quart (avant JC), je file dans le métro avec Yohan. Aie, aie, aie, à Barbès, le quai est vide, plus de métro. J'emboîte le pas à deux jeunes qui cherchent l'arrêt du bus de nuit. Le retour dans le bus de nuit bondé est folklorique, quelqu'un a gerbé ce qui ressemble à du vin rouge granuleux et les voyageurs font des commentaires très drôles. Je me faufile difficilement vers l'avant du bus pour demander au conducteur ou il s'arrête et un jeune brun s'exclame "Qui est ce qui me caresse le boule???". "T'inquiète pas, je lui dis, je te caresse pas, je te frôle". Il se retourne et se retrouve nez à nez avec mon décolleté, qu'il a l'air de trouver à son goût. S'ensuit une joute verbale qui amuse beaucoup ses copains. Et hop, arrivée au carrefour qui m'intéresse, je saute du bus.
Dans la rue, mes jambes sont légères sur les hautes sandales d'été. C'est la première fois que je les porte cette année, mes jolies sandales vert amande. Mon coloc n'est pas encore rentré de son concert. J'ai passé une excellente soirée. Décidément, cette semaine de vacances à Paris fut riche en rencontres et en émotions.