Hier c’était l'anniversaire de mon petit frère. J'écris "petit frère" pour vous, mais je ne l'ai jamais appelé comme ça. Même avant qu'il me dépasse de plusieurs têtes.
Le souvenir le plus lointain que j’ai de lui, c’est à l’école primaire d'une petite ville de Beauce où, à chaque récréation, je me précipitais au grillage qui séparaient les primaires des maternelles pour le retrouver. L’école était une torture pour lui, il pleurait tout le temps et courait vers moi, les yeux gonflés de larmes. Ca me fendait le cœur de ne pas pouvoir le serrer dans mes bras. En dehors de ça, à cette époque, mon petit frère m’intéressait peu, bien trop occupée que j’étais à jouer au docteur avec les 3 fils du voisin.
Quand nous sommes partis en Allemagne, j’avais 7 ans. Nous avions des chambres communicantes, la bonne aubaine ! Chaque soir, dès la lumière éteinte, on s'appelait sur les talkie-walkie qu’ils avaient eu la bonne idée de nous offrir à Noël et on foutait le dawa jusqu’à ce que mon père débarque. On détalait alors dans nos lits en glapissant "pitié, papa, pitié" et on recommençait dès qu’il avait tourné le dos. On n’avait pas honte, tiens ...
Peut-être que ma place d’aînée explique que j’ai toujours pris la défense des plus faibles. Je n’ai jamais supporté l’injustice, ça remonte à l’enfance. Nous étions tellement différents que dans la famille, chacun avait ses préférences pour l’un ou l’autre et nous en étions parfaitement conscient. Comme on ne comprend pas toujours les paroles des adultes, on se fie à notre instinct, comme de jeunes animaux. Lui était aussi turbulent et bruyant que j'étais calme et silencieuse. Je me souviens d’une fois où mon grand-père chtimi m’avait donné des bonbons devant mon frère. « Tiens, Sophie, c’est pour toi », avait-il dit. Quand j’avais demandé « Et S. ? », il n’avait pas répondu alors, révoltée, j’avais tout partagé avec mon frère, devant lui, comme pour lui donner une leçon.
Un des jeux préférés de mon frère était de me pousser à bout. Je restais imperturbable, espérant qu’il se fatigue tout seul et retourne jouer avec ses Playmobil. On passait notre temps à se chamailler mais on était toujours complices pour faire des conneries, en général à mon initiative.
Bien sûr j'ai pris mon rôle d'aînée très à coeur et ai participé à son éducation. Plus tard, j’ai « crapauté » avec lui mes premières cigarettes, des Royale menthol piquées à la grand-mère. C’est ma petite sœur de 4 ans qui nous a balancés, bien involontairement, la pauvre. Arrivés à Paris, j’avais 14 ans, je l’ai emmené au cinéma découvrir le petit génie de Mineapolis dans "Purple Rain". Pour parfaire son éducation en même temps que la mienne, je lui ai aussi fait découvrir la richesse des programmes de Canal +, un certain premier samedi du mois où des soubrettes se faisaient malmener, en long en large et en travers, dans un hôtel. Le film qui s'appelait « Dodo » nous a laissés, à tous les deux, un souvenir ému. Ca m’a valu quelques baffes parce qu’on avait oublié d’éteindre le décodeur et que ce couillon est tombé dans le panneau comme un débutant quand mes parents l’ont questionné.
Nos rapports ont vraiment changé quand je suis entrée au lycée. J’ai commencé à avoir des copains blacks qui me faisaient écouter du rap et de la funk. De retour à la maison, je lui apprenais à faire des défis et à chaque fois que je pouvais, je l’emmenais en soirée avec moi. Il était super fier que mes copains lui prêtent de l’attention. C’est à ce moment là qu’il a commencé à m’appeler Fiso. Aujourd’hui il dit que la plus grande partie de sa culture musicale vient de moi. Je ne me suis jamais vraiment rendue compte à quel point je l’avais influencé, jusqu’à ce qu’il me le dise, par petites touches, comme récemment, quand ma petite sœur et lui ont parlé de la façon dont ils me voyaient, plus jeunes. Ca m’a beaucoup touchée de voir de la fierté dans leurs yeux, pour moi qui me sentais si quelconque à l’époque.
Plus tard, quand je suis partie vivre en Irlande, il est venu plusieurs fois me voir, seul ou avec ses copains, toujours fier de présenter « sa grande sœur Fiso ». Ils m’appellent tous comme ça, d’ailleurs, et ça fait d’eux aussi mes petits frères. Il y a presque 5 ans, on est partis en vacances au Venezuela ensemble. J’étais en pleine séparation et ces 3 semaines ensemble nous ont fait retrouver notre complicité d’antan. J’ai pris l’habitude de débarquer chez lui le dimanche avec un poulet rôti.
Quand 6 mois plus tard, il est venu habiter « juste 15 jours » chez moi, le temps de trouver un appart’, j’ai retrouvé une raison de rentrer à la maison le soir, moi qui ne le faisait plus que quand j’étais assez fatiguée pour m’écrouler dans mon lit et ne plus réfléchir. J’ai retrouvé le plaisir de manger et cuisiner, on s’est même fait de sacrés gueuletons.
Ca fait 3 ans maintenant qu’ on vit en coloc. Ma plus grande fierté, c'est son attitude envers les femmes. Faut croire que nous, les 3 femmes de la maison, on lui a laissé assez de place et lui en a montré une image assez bonne pour qu'il n'en aie pas peur et les respecte, aujourd'hui. Avec ses potes, c'est un ami fidèle et loyal. Y'a pas beaucoup de gens, hommes ou femmes, qui ne l'aiment pas. Jeté trop tôt, injustement, du système scolaire, il s'est cultivé seul et a galéré d'apprentissage en CDD avant de se stabiliser, enfin.
Il dit souvent à ses potes que si je n’avais pas été là, il y a 3 ans, il aurait pu finir à la rue. Il ignore à quel point je lui suis reconnaissante, moi aussi, de n’avoir rien dit, rien demandé, juste posé une tasse de café devant moi quand j’émergeais les yeux rougis d’avoir trop pleuré. Comme ce jour là, sur la plage, il m’a aidée à me relever, mon petit frère.
La seule fois où j'ai croisé une soeur comme moi avec un frère comme le mien, c'était Léna, chez Giao. Parfois, on nous charrie, surtout ses potes : « Hé, vous allez pas vivre toute votre vie ensemble, quand même ? ». Bien sûr que non. On sait bien, d’ailleurs, qu’on a repris assez de forces maintenant, lui financièrement et moi moralement, pour continuer seuls. Mais personne ne nous fera rougir de s’aimer comme on s’aime. On sait ce qu’on se doit, tous les 2.
Commentaires
Meme comm ke chez Oh !
On en reparlera à l'occase
quelle merveilleuse histoire, émouvante...
Et, tu nous demandes s'il faut arrêter ton blog !!! ...
Sûrement pas !!! j'ai trop hate de connaître la suite du monde de Fiso !!!
C'est comme si je lisais un bon bouquin avant de m'endormir et comme je n'arrive pas à m'en détacher, il m'arrive même de l'ouvrir dans la journée !!!
Tu arrives à nous faire voyager dans le temps et l'espace !
:D
Fiso,
Dois-je, à nouveau, parler, à nouveau, de ma petite soeur (celle de la ruelle derriere les égoûts) ?
Ou alors je raconte la suite de mon histoire familiale...comme le jour ou mon tonton, après avoir abusé de mon innocence, m'a emmené dans la forêt équatoriale en m'obligeant à avaler les petit cailloux que j'avais pris soin de conserver, au cas où il voulait me la faire, genre petit poucet ?
Ca devrait plaire à Mère mi et ses copines de la paroisse Saint Joseph Des Tilleuls.
J'aime pas les billets émouvants. Ca n'incite pas à dire des conneries.
Saperli, Laefab
Fayots
J'ai eu que des frères. C'est pas tout à fait pareil l'ambiance avec trois gars :-p
Qu'est-ce que ça peut être sentimental, les nanas !
(Allez je blague, Fiso. L'est beau ton texte.)
Tonne,
Andouille.
ça m'a donné des calculs renaux.
Dieu merci, le reste de mon système urinaire est resté intact
Tonne,
A un mètre près.
Touchant ..., vous vous aimez et c'est magnifique de tendresse.
WajDi,
T'as tout lu ??? J'en reviens pas !
T'as oublié le lien vers ton blog, je le rajoute ;)
Saperli,
Et vraie, en plus !
Laefab,
Merci de ta fidélité :)
On arrive pas à se retrouver pour boire un verre mais tu me suis ;)
Nicolas,
Ca tombe bien, j'ai pas envie qu'on déconne sur ce billet ;)
Alex,
Sentimentaux, vous l'êtes pas moins, je pense. Seulement, vous l'exprimez pas souvent, et encore moins entre mecs. T'as qu'à lire les billets que WajDi a écrit sur son frère et sa soeur et tu verras :
http://wajdi.over-blog.com/article-5271166-6.html
http://wajdi.over-blog.com/article-5441671.html
Pas lu les commentaires :
J'ai les larmes aux yeux de te lire aussi sincèrement aimante, de le dire publiquement.
Tu me donnes le regret de ne pas connaître de soeurs comme toi. Même si j'en ai trois, je ne partage aucune valeur avec elles...
Tu es une belle personne Fiso et c'est bien sûr aussi la teneur de ces liens qui t'ont faite et te font ainsi.
Merci pour ces mots. J'y entends mes propres faiblesses et j'espère que tu mesures combien cela m'enrichit à mon tour !
Cela dit bon anniversaire au coloc !
:-)))
très beau texte pour ton petit frère...je t'envie, j'en ai 3...et il n'y a pas de complicité entre nous...il n'y a rien même...
Tu dois deviné a quel point ton billet me touche Fiso...je m'y suis totalement retrouvé....
J'apprends vraiment à te connaitre au fil de ton blog et de ce que nous échangeons.
C'est une belle dédicace que tu fais a ton frère et serieux, t'as l'air d'être une soeur qui déchire !
Bises fraternelles !
Je me retrouve complètement dans ta note... mon frère est très important à mes yeux, je l'aime très fort !
et dès que je peux je l'emmène avec moi, c'est pourquoi nous nous sommes vus à plusieurs reprises chez Giao ;-)
Un très beau souvenir pour moi reste notre voyage à New York il y a presque 2 ans, juste tous les 2, c'était top !
et puis tous les souvenirs d'enfance... tiens, tu m'as donné l'idée de faire une note aussi sur lui ;-)
T'as raison, Fiso, il m'a fallu des mouchoirs. Moi aussi je l'aime, mon frère, et toute sa petite tribu. Mais j'ai jamais eu cette complicité avec lui, trop de pudeur entre nous qui a laissé s'immiscer de la distance. Quand on se voit, on est quand-même toujours fiers l'un de l'autre. Ah! et puis autre chose : je l'aime, ton frangin, il est vraiment adorable. Et si beau garçon !
Très beau billet.
Suis très émue...
Un bonheur de te découvrir au fil de tes comm.
Ca donne envie de le connaître le loustic !!!
A bientôt ma Sophie !
Bisous mouillés d'émotions xxxxx
Je vais finir par me demander si Tonnegrande n'avait pas raison de raconter des conneries. Trop d'émotion tue l'émotion !
Bonjour Fiso, vivante et touchante cette tranche de vie. Interpellant aussi de voir comment l'on peut se connaître ou plutôt re-connaître au travers des blogs...
Par les temps qui courent, une telle affection entre frère et soeur est rare. C'est une grande force pour vous deux.
A tous,
Merci.
Ca me trouble de lire que vous ne vivez pas tous forcément la même chose avec votre fratrie.
WajDi me demandait il y a peu comment j'expliquais cette relation forte que j'ai avec mon frère et ma soeur. Je pense que c'est surtout l'oeuvre des parents. Quelles que soient les erreurs qu'ils aient pu faire, ils ont réussi ça, et c'est énorme, déjà, si j'en juge par vos témoignages.
Nicolas,
Parle pour toi.
:p
Alors bravo à Mère Mi et à Père Pi !
C'est beau... Bon anniversaire en retard à ton frère
Un lien chez nea et me voilà à lire un très beau témoignage d'amour fraternel...
C'est une sacré richesse que vous possedez tous deux !
Wajdi,
Lol .... c'est Pap's son petit nom ;)
Malaika,
Merci pour lui :)
Indigo,
Belle résonnance chez toi aussi de cet amour fraternel, non dit mais si puissant et indestructible.
Boudiou, c'est vrai qu'il est beau ce texte...
Magnifique , Fiso , de s'aimer ainsi ! Continue à aimer et protéger
ce frère , c'est une richesse , une force inestimable pour vous deux .
Ce qui nous fait grandir et devenir fort , ce qui nous aide à vivre , c'est l'amour , donné , reçu , partagé.....
Je n'ai eu qu'un fils , je regrette un peu qu'il n'ait pas connu le
bonheur de la fraternité , il a beaucoup de bons copains .On me dit aussi que parfois les frères se détestent , les parents aussi , je considère que ces gens là n'ont pas voulu bien souvent , que ça se passe autrement .
bise Fiso , si gentille Fiso
Très belle déclaration d'amour fraternelle ... C'est touchant de lire ça.
Malheureusement pour moi, il y a toujours eu une petite part d'incompréhension et de jalousie dans ma relation avec ma soeur, qui rejaillissent (trop) régulièrement.
Joyeux anniversaire au frère en retard!
Comme quoi la romance ça embellit tout ! Tu devrais écrire un bouquin Fiso !
Dans toutes fratries il y a des hauts et des bas, il ne faut pas l'oublier car à lire les commentaires j'ai l'impression d'avoir grandi avec un frère et une soeur bisounours. On s'entend super bien mais on s'engueule aussi !!
Fiso, rassure moi, S. est toujours vivant ? On croirait presque un texte posthume !!
:D
P'tit Bounia,
Tout le monde sait que dans toute famille il y a des hauts et des bas.
Pour ma part, j'ai choisi de mettre aussi souvent que possible un sourire sur les lèvres de mes lecteurs, d'où le choix du ton de mes billets.
Ca ne m'empêche pas d'avoir des problèmes comme tout le monde, avec ma famille ou d'autres, mais ce n'est pas ici que j'en parlerai, d'autant plus que je vous ai donné accès à mon espace. Les messages détournés, ce n'est pas mon genre ni les règlements de compte devant témoins.
Pour ce qui est des Bisounours, rappelle-moi la dernière fois qu'on s'est engueulées, ça devrait répondre à tes interrogations ... :)
T'inquiètes Fiso ! Tu sais que j'adore les bisounours !! La preuve
http://fr.youtube.com/watch?v=bkQoq1rKTZY&feature=related
Pour les messages détournés et règlement de compte devant témoins, je comprend pas, j'ai pas parlé de ça... ????
Heureusement qu'on s'engueule pas, c'est que soit la communication passe bien, soit qu'elle ne passe pas et qu'on l'ignore...
Allez fais moi un bisou, BisouFiso
Signé P'tit BisouBounia
BisousFiso ou BisouFofa ?
BisouFiso = ton nom en bisounours
et bisous Fofa !
J'ai tout lu moi aussi... et j'ai la larme à l'oeil. Tu en as de la chance d'avoir un petit frère aussi aimable (j'ai envie de l'aimer moi aussi...)
Ton texte est très touchant. J'aime beaucoup.
Miss Pélisse,
Si tu as envie de l'aimer et que tu as moins de 30 ans, je peux te rencarder ;) ...
(sinon, ton blog est très bien aussi)
Eh bé... Un peu dur de pleurer au petit déjeuner.
J'adore ta dernière phrase, vraiment;
On sait ce qu'on se doit. C'est très beau.
Merci pour cette lecture et merci d'être passée :-)
Je découvre ce billet qui me rend complètement chamallow... pas tant par ce qui y est dit et fort bien dit avec votre franchise habituelle, mais par ces images de vous, petite, avec lui qui me font voir quelle jolie petite fille vous étiez, apparemment bien sage et qui ne laissait pas encore présager quelle jeune-femme vous deviendriez. J'aime ces retours en arrière.
Je découvre ce billet qui me rend complètement chamallow... pas tant par ce qui y est dit et fort bien dit avec votre franchise habituelle, mais par ces images de vous, petite, avec lui qui me font voir quelle jolie petite fille vous étiez, apparemment bien sage et qui ne laissait pas encore présager quelle jeune-femme vous deviendriez. J'aime ces retours en arrière.