Mercredi à Saragosse. Ce midi, j'ai changé de crèmerie et ai déjeuné au Café Gournet, à 2 pas du site de mon client. Génial ! Je me demande pourquoi l'andalou m'a envoyée ailleurs ! En revanche, les portions espagnoles sont ... comment dirais-je ... très généreuses ...?
Visez un peu, ça c'est l'entrée, une assiette de fèves tendres. Et le dessert, ben, j'aurais dû m'abstenir en lisant gelatina. C'est l'abricot qui m'a trompée mais à l'arrivée, c'est exactement la jelly anglaise, ça tremblote de partout, beurk !
Ce soir, le temps est d’une douceur inattendue. Les rues sont envahies de maños venus goûter les rayons du soleil. Il est 19h30 quand j’atteins l’Ebre, Notre Dame de Pilar est éclaboussée de soleil et les avirons filent sur l’eau. En fait, pour courir, il faut traverser le pont del Pilar et rejoindre les berges du côté de l’arboleda Macanaz. Là, le vacarme de la a circulation fait place à la verdure et aux promeneurs et le goudron a des chemins sablonneux qui glissent sous les ponts. Cet endroit désert lundi soir quand je luttais contre le vent glacial est ce soir envahi de grappes humaines, enfants, vieillards, joggeurs, pêcheurs et chiens. Je croise, incrédule, une folle furieuse du jogging qui court en menant d’une main une poussette dans laquelle un enfant s’égaie, hilare. Lasse de ma playlist, j’ai cherché les radios locales et suis tombée sur M80, une radio fort sympathique qui distille de la musique des années 80. Freddy Mercury et son « I want to break free » me met le feu au cul et je cavale comme si j’avais bouffé un lion.
A 20h30, j’emprunte le pont en sens inverse. Une douche et je file vers la plaza Espana. Mon guide a recommandé la marrusquería Azoque, restaurant de fruits de mer. J’hésite à entrer car l’endroit est étonnamment désert. Une serveuse sèche comme un coup de trique m’accueille (façon de parler) d’un « Para beber ? » Je peux me tromper mais je pense qu’elle n’est pas espagnole. « Pour boire et pour manger ». Elle me sert un verre de vin blanc. De longues minutes se passent sans que quiconque s’intéresse à mon estomac. Mon appétit s’étiole pour de bon quand j’aperçois les employés qui trimballent d’énormes sacs poubelle noirs à travers le restaurant. Cette fois, c’en est trop, je plante la serveuse aimable comme une porte de prison et me casse.
Il est 21h30, heureusement j’ai d’autres adresses en poche. Calle de Los Martires, je pousse la porte de la casa Lac, « une institution à Saragosse, au service impeccable ».
La casa Lac est une merveille ! Le serveur me propose de monter à l’étage. Là, je suis accueillie par un jeune homme en pantalon, chemise et tablier noir. « Vous connaissez notre maison ? Notre spécialité, ce sont les légumes»
Bien sûr, comme chaque soir, je n’ai pas pensé à prendre mon dictionnaire et choisit donc des plats sans savoir ce que je vais manger. Heureusement, je fais encore la distinction entre viandes et poissons. Il est tellement charmant qu’après une traduction en anglais de una lubina, je me laisse tenter par des purritos qui s’avèrent être des asperges, délicieusement « cuites deux fois ». Avec ça, il me sert un verre de Gewurztraminer, vin cher à Boug’. C’est un cépage français mais les vignes se trouvent ici, en Aragon, précise-t-il.
Les deux serveurs me font des clins d’œil et me balancent des « Ca te plaît ? » à chaque fois qu’ils passent à proximité de ma table. Entre deux plats, je dévore le « Paris insolite » de Jean-Paul Clébert, un bijou de poésie urbaine, truculent et ponctué de mots d’argot que je ne connais pas. « Itinéraires qui serpentent à l’infini, interminables pour celui qui sait flâner et voir, a le culot d’entrer dans les cours, les cités, les voies privées, la tranquille attitude du gars partout chez lui et qui sifflote en passant devant les habitants habitués des trois-quatre rues en araignée qui forment leur village loin de la ville, mais ceux-ci curieux et soupçonneux envers cet étranger qui dérange les gosses et les pigeons, suspend les conversations ».
Après les asperges, ma lubina, épaisse et cuite à point, à la chair nacrée, dans une vinaigrette à l’ail (dormir seule a des avantages). Si le serveur au teint mat continue à me faire des clins d’œil comme ça, je ne vais plus arriver à lire Jean-Paul…. Le jeune serveur arrive avec la carte des desserts. "Les desserts, c'est ce qu'on a de mieux dans la maison". Il essaie de me vendre una torrija avec boule de glace à la vanille. Aucune volonté, avec un sourire pareil, je pourrais bouffer une vache ! J'opte pour une tarta con queso. Je ne regrette pas cette faiblesse, elle est absolument divine. Comment vous dire ? Crémeuse mais crémeuse !! Coiffée d’un coulis de fruits rouges, c’est une tuerie ! Ca se voit, non ?
A la fin du repas, la même question, avec le même sourire irrésistible : « Ca t’a plu ? ». « Oui, je reviens demain ». « Je vais prendre ton nom et ton numéro pour te réserver une table car en fin de semaine, le restaurant est souvent plein ». Il écrit mon prénom avec un F, comme tout le monde ici. En sortant, je croise son collègue qui papote avec une femme dans la rue. « Ca t’a plu ? » « Oui, je reviens demain, j’ai donné mon nom et mon n° de téléphone » « Super, à demain alors ! »
L'accueil et la gentillesse des restaurateurs espagnols est tout bonnement incroyable pour qui vient de Paris. C'était d'ailleurs la réflexion de mon client à Salamanque "Les cafés français ont la réputation d'être très désagréables. C'est incroyable de maltraiter quelqu'un qui vient chez toi et te donne de l'argent!"
Je décide d’emprunter la calle Mayor, histoire de changer d’itinéraire. Bonne idée que j’ai, car j’y trouve une boutique de bagages, ça m’évitera de me taper un centre commercial demain soir, ce dont je n’ai aucune envie. Dans la calle Mayor, il y a plein de restaurants très populaires. Un bar « Mojito » qui plairait sans doute beaucoup à mes copines du week-end madrilène et puis, l’église de Santa Magdalena, la très jolie tour carrée magnifiquement illuminée que j’aperçois de la fenêtre de mon appartement.
Je suis en mode « Tout le monde il est beau tout le monde il est gentil » ce soir. Saragosse est une très jolie rencontre.
Commentaires
Pendant que vous profitez du printemps ibérique, moi je tente de vous copier en pratiquant le printemps hélvétique. Ca caille mais le Suisse est assez accueillant, heureusement. Me encanta, me encanta leer tus aventuras españolas pero ten cuidado, Fiso, no engordes !
A te lire je me demande si tu bosses un peu quand même entre deux restaurants ; -) quel talent tu as pour réussir ainsi de beaux moments.