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Demander

Je m'étais promise, il y a quelques semaines, de m'autocongratuler d'un mail envoyé à quelqu'un de cher. J'ai pris un peu plus de temps que prévu. J'ai même failli ne pas le faire, mais ç'aurait été un - mauvais - signe.  
Cette petite victoire, je la dois à un livre emprunté, il y a quelques semaines, à la bibilothèque : "Pour ne plus vivre sur la planète TAIRE" de Jacques Salomé. Une méthode pour mieux communiquer.

Dès les premières pages, j'ai identifié les pivots relationnels avec lesquels j'ai des difficultés : demander et refuser, rôles que Jacques Salomé appelle "Père-mère" (les deux autres étant donner et recevoir, positions papa-maman).

En discutant avec des amis et proches, je constate que la plupart de mes semblables ont le même profil. Faire preuve d'autorité, que l'on confond souvent, et à tort, avec le pouvoir, semble poser problème à beaucoup d'entre nous. En ce qui me concerne, j'associe depuis longtemps, et de façon désormais consciente, le fait de demander quelque chose à une mise en position d'infériorité. Et le refus à une forme de rejet. Du coup, soit je fais semblant d'accepter, soit je refuse, culpabilise et me sens obligé de me justifier, soit encore je me sens acculée et réagis plus violemment.

Ces schémas de pensée ne se dessinent pourtant que quand c'est moi qui en suis à l'origine. En d'autres termes, je ne considère pas que l'autre se met en infériorité lorsqu'il me demande quelque chose. Ni que son refus équivaut à un rejet  (sauf sur certains points, si je suis dans une relation intime, plus impliquante). Maintenant que je le sais, je vais m'atteler à défaire ces pensées poisons.

Quand on demande de façon mature, on invite, sollicite, propose, convie. Si on est capable d'accepter que l'autre ne réponde pas comme on l'aurait souhaité, tout va bien.

Quand on demande de façon infantilisante, on peut développer deux types de comportement :
- contre-attitude défensive passive : attendre, espérer, souhaiter, envier, séduire, capter, anticiper la réponse, auto-répression imaginaire, laisser tomber.

- réactionnel actif : exiger, réclamer, revendiquer, contraindre, acculer, obliger, supplier, culpabiliser.

Exemples de demande infantilisantes :

" Tu n'as pas envie de sortir, ce soir ?"

" Si tu crois que c'est marrant de rester toute la journée sans voir personne, alors que toi, tu ..."

" Tu as vu les voisins, eux, ils sortent le samedi soir !"

" Ce n'est pas la peine que je te demande de sortir, je connais déjà la réponse !"

" Je voudrais bien te faire confiance, mais tu ne sais pas garder un secret ..."

Il m'est apparu qu'ayant du mal à demander de façon mature, je le fais sur le mode défensif passif; je commence par attendre et espérer (que l'autre me devine) donc je me réprime, puis j'anticipe la réponse et laisse tomber. Selon la nature de la relation, je pratique aussi la séduction, bien entendu.

Il y a, dans mon entourage, cet homme que j'ai rencontré il y a quelques mois et que j'estime énormément. Ma difficulté avec lui réside dans le fait qu'il peut passer des mois sans prendre de mes nouvelles. Moi, j'ai besoin de sentir leur présence et de manifester la mienne auprès de ceux que j'aime.

Sans doute ce besoin vient-il des remords ressentis lorsque 3 mois après que j'aie fait un saut express chez mon grand-père qui me réclamait depuis longtemps, il est mort. Il était malade, se savait condamné et ne m'avait pas dit que c'était la dernière fois que nous nous voyions. Si j'avais su ...

Depuis, d'autres évènements, des moments douloureux qu'ont traversé mes amis, des périodes noires que j'ai traversées aussi, sans que personne ne s'inquiète outre mesure du silence, m'ont fait ressentir toute l'importance de se manifester régulièrement. Car celui qui est là aujourd'hui ne le sera peut-être plus demain.

A vrai dire, je connais plusieurs personnes qui fonctionnent comme cet homme. D'ailleurs, si quelqu'un a une explication à ce choix de non-communication, je suis preneuse !

Mon amie Esperanza a toujours fonctionné ainsi, depuis ces années où nous nous sommes rencontrées sur les bancs de l'école. A l'époque, le téléphone portable n'existait pas. Un jour, elle m'a appelée, après plusieurs mois de silence de part et d'autre, et m'a appris que son père était mort, un mois plus tôt. Je m'en suis voulue et inconsciemment, sans doute, je lui en ai voulu aussi, à elle, de m'avoir fait adopter son comportement "Puisque tu ne m'appelles pas, moi non plus".

Aujourd'hui, Esperanza ne répond quasi jamais à mes appels, m'envoie un sms "Je t'appelle demain" et me contacte par mail, des semaines voire des mois après, pour me proposer une sortie. Et si je ne comprends toujours pas son mode de fonctionnement, je n'ai pas de doute sur l'amitié qu'elle me porte.

Boug', c'est pareil. Son téléphone est toujours en haut quand elle est en bas, ou inversement. Le jour où un bus m'avait déposée non loin de chez elle et que je m'étais consolée en me disant que j'allais me faire offrir l'apéro, son téléphone avait sonné dans le vide. Elle s'en était désolée le lendemain, étant chez elle. Et puis, un après-midi où, en panique et en vain, je l'avais appelée au secours, j'avais craqué et pratiqué la culpabilisation "Tu as un fils, c'est dingue quand même, si un jour il a un problème et qu'il t'appelle ?" Ca l'avait un peu remuée. Et puis, un autre jour, à l'issue d'une lecture sur la CNV, j'avais enfin exprimé mon besoin (de l'entendre) et mon ressenti, sans la mettre en cause. Elle m'avait rappelée illico presto et confirmé, hilare, l'efficacité de la communication non-violente.

Mon ami Igor a le même rapport au téléphone. Il n'appelle jamais (note à moi-même : ne jamais dire jamais). Quand je l'appelle, en revanche, il répond et ça dure même trois plombes. Il a le don de me donner l'impression que je lui ai énormément manqué. Mais il n'appelle pas.
J'en connais un autre, qui se reconnaîtra s'il lit ce billet. Lui communique par sms, sauf urgence, comme par exemple, s'il me cherche à l'heure du rendez-vous parce qu'exceptionnellement, je suis en retard (je vous vois ricaner, au fond, là-bas !)

Certains se dédouanent de leur apparente absence et ressentent le besoin de se justifier en résumant l'actualité que je poste sur mon blog. Irrecevable. Car bien sûr, ici, j'ai fait le choix d'amuser la galerie autant que possible. Je ne considère donc pas que lire mon blog équivale à prendre de mes nouvelles. Ça rassure juste sur une chose : je suis vivante et j'ai encore l'usage de mes mains, à priori.

Mais revenons au principal protagoniste de ce billet. Les moyens de communiquer se multipliant, l'homme dont je vous parle est un fervent utilisateur de Facebook. Moi pas. J'ai même de plus en plus le sentiment d'être piégée par ce compte que j'ai ouvert, initialement, pour communiquer avec mes amis qui vivent à l'étranger. Or c'est des Parisiens que je reçois le plus de nouvelles sur Facebook. Eux qui ont mon numéro de téléphone et un forfait illimité.

J'ai bien tenté, un jour de ras-le-bol, de virer de mon profil les "amis" qui habitent à moins de 50 kilomètres, mais ils se sont vexés et n'ont pas compris le message (qui était un peu flou, je l'accorde). Du coup, je ne poste plus rien sur mon profil, si ce n'est des chansons. Pas question de pratiquer la communication globale et impersonnelle. Si on veut de mes nouvelles, on m'appelle ou on m'envoie un mail.

J'avais donc adopté avec lui, comme avec ceux que j'ai cités précédemment, l'attitude " Il (elle) n'appelle pas, moi non plus". Je calque souvent mon comportement sur celui de l'autre. C'est une erreur car ce faisant, je me prive de quelque chose dont j'ai besoin, je me fais violence et ne suis pas moi-même.   

Après avoir lu la partie "Demander" de mon bouquin, je lui ai envoyé un mail où j'adoptais (enfin, je crois) une attitude mature : je me suis positionnée. J'ai donc affirmé mon refus de communiquer avec lui via Facebook, accepté qu'il n'aime pas le téléphone et lui ai proposé de revenir au mail, notre premier moyen de communication.

Après quelques banalités sur mon quotidien, j'ai terminé mon mail par "Ça me ferait très plaisir d'avoir de tes nouvelles de temps en temps". J'ai cliqué sur "Envoyer" avec une auto-satisfaction très consciente, que j'ai savourée. Pas de reproches, pas de culpabilisation, pas de " Faire semblant d'accepter" de ma part. J'écris mes limites, j'accepte les siennes, je propose un terrain d'entente, je manifeste mon attachement.

La CNV, putain ! Tiendrais-je enfin le bon bout ?

PS : Quand je reçois un sms comme hier soir, de ma filleule "Tu me manques, marraine !" et ben ... je rosis de bonheur, moi. Je suis une sentimentale, et j'aime ça.

Commentaires

  • Félicitations ! Et maintenant, tu me donnes des cours ? Tu vois, je demande !

  • Je note que se tenir au courant de l'actualité de l'autre par burps (et éventuellement commentaires) mutuels est « irrecevable » ! Putain, ça rigole pas, Fiso ^^
    Moi, je trouve que ça n'est pas si mal, un petit coup de MSN, un petit courriel ou un petit SMS de temps à autre, ça maintient le fil.
    Je pense, après, qu'il faut adapter le diamètre du fil à la qualité et à l'intensité qu'on veut mettre dans sa relation avec l'autre (et espérer que les attentes soient à peu près symétriques…)

    (Billet très intéressant, sinon !)

  • P_o_L,
    Non, mais je partage mes interrogations avec plaisir. Et mes ami(e)s sont mes premiers bêta-testeurs ;))
    Ceci dit, avec toi, j'entretiens une relation "vivante" qui me permet de demander et refuser sans appréhension. C'est chouette !

    Comme une image,
    Se tenir au courant de nos actualités, certes, considérer nos blogs respectifs comme suffisants à se rassurer sur le bien-être de l'autre, non :)
    Rien ne remplace un déj en tête à tête, même chronométré, avec toi, CUI ;)
    Cette affirmation concernait surtout le cercle que je considère comme proche, bien que parfois il me semble l'être bien moins que les interlocuteurs plus lointains.
    Bien évidemment, les modes de communication sont différents avec des hommes en couple dont la compagne ignore les activités bloguesques.
    Avec vous, je communique par mail et jamais par téléphone, sauf à l'heure du rendez-vous, et ça me convient tout à fait.
    (Intéressant, n'est-ce-pas ? Prochaine édition : refuser :))

  • Billet plus qu'intéressant, passionnant même :-)

    On a les mêmes préoccupations sur ces sujets là... Je parlais moi dernièrement du piège que constituaient les attentes implicites, qui ne viennent pas simplement de la difficulté de demander, mais parfois des illusions que suscitent le désir, phénomène hautement hallucinogène.
    On notera aussi dans ce registre, l'influence de notre culture "conte de fées" qui veut nous faire croire que les plus belles histoires sont celles où le prince et la princesse vivent un amour parfait sans exprimer le moindre mot... Foutue paresse en vérité ! Comme si le bonheur idéal, c'était de ne pas avoir à communiquer avec son âme soeur...

    Et pour le reste de notre existence sociale, effectivement, FB est le paroxysme d'une sociabilité par l'isolement : on communique, on échange, on interagit avec son environnement sans entrer en relation avec personne...
    On publie et on lit, on évite toute mise en relation personnelle, toute intimité, toute connexion entre deux esprits. Celui qui ne publie plus peut crever, personne ne s'en apercevra...
    Quant à refuser, je suis impatient de la la suite, moi qui ne sais pas dire non :-)

  • C'est intéressant ...
    Je pense très souvent à toutes les personnes qui ne me demandent jamais de mes nouvelles, en n'osant pas leur en demander non plus !
    Je suis également trop sentimental et comme dirait Boug', j'ai un coeur d'artichaut :)
    D'ailleurs que devient-elle celle-ci ? Je devrais aller me faire offrir un café ...
    Mais il y a pire aussi, celles qui ne répondent pas aux messages !
    Je trouve cela très cruel ...
    Gros bisous Fiso.

  • Usclade,
    Belle, juste et sage réflexions que tu as là sur le syndrome conte de fées et FB.
    Tu soulèves un détail que je n'avais pas, jusqu'ici remarqué (je n'en lis plus depuis longtemps, il faut dire) : dans lesdits contes, le prince embrasse la princesse et ils se marient, tout ça sans échanger un mot, semble-t-il. On est bien loin de l'amour courtois.
    Les attentes implicites, je suis une championne en la matière ;)
    FB, oui, l'art d'être partout sans être nulle part. Dans les moments de blues et de solitude exacerbée, je me dis que oui, si je disparaissais, certains de mes "amis" ne l'apprendraient que bien longtemps après que je sois partie en fumée ...
    Philo,
    Pourquoi tu n'oses pas ?
    Tu vois, ce matin je me suis réveillée avec le cafard, et en ouvrant mes mails, j'avais une carte virtuelle avec musique et slogan "bon voyage" de mon copain andalou de cœur chez lequel je pars dans quelques heures, qui me disait "Bon voyage Fiso et à demain, besitos". Et bien, en bonne sentimentale que je suis, j'ai été très touchée et j'ai instantanément retrouvé le sourire. Et puis, un ami m'a proposé une sortie et on a fini en apothéose : "Intouchables" et pour moi, une furieuse envie de danser sur Boogie wonderland" et une petite larme à la fin du film. Tout est dit.
    Bisous aussi Philo ! :))

  • Il faut que tu me prêtes ce bouquin!! Enfin... Que j'aille à la bibliothèque l'emprunter quand tu l'auras rendu :-)

    C'est marrant que tu mises ça, car je me suis embarqué mes bouquins de PNL pour mes 7h de train!

    Supers articles, j'ai lu celui sur Refuser et c'est vraiment super intéressant ! Merci poulette!! Besos

  • tu vois là, ici, en gros gras orange !!! tu as raison faut que je parle du garage, tu mérites

  • Boug',
    Tu retiens que le négatif et pas la phrase où j'écris que j'ai besoin de t'entendre ? ;)
    Tu as ma bénédiction pour raconter le coup du garage, toutes les bonnes occasions de se marrer sont à prendre .... je vais encore bien rire !!!

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