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  • Le cheminot retraité

    C’était hier matin. En route pour la piscine du Kremlin-Bicêtre, je pose mon vélib’ devant la Vache Noire (un centre commercial, pour ceux qui ne connaissent pas) et me dirige vers l’arrêt du bus 123, où on annonce 5 minutes d’attente. Je m’abandonne avec plaisir au soleil qui tente une timide percée. A ma gauche, un monsieur bedonnant, visiblement nerveux, scrute le lointain, main en visière.

    « Vous attendez le 123 ? demande-t-il, au bout de quelques minutes. »

    J’acquiesce.

    «  Il passe régulièrement ? 

    - Il est annoncé dans 4 minutes, dis-je, en me penchant pour vérifier l’affichage électronique. 

    Ah, je n’avais pas vu ! Je ne suis pas d’ici. »

    Il commence à me raconter ses malheurs. Débarqué du RER B à cause d’un incident voyageur puis descendu d’un bus rempli de voyageurs très tendus, à l’atmosphère bagarreuse, il est venu à pied de Bagneux et a raté son train à Austerlitz.

    « Sacrée trotte, depuis Bagneux ! lui dis-je.

    Oui, surtout que j’ai une patte folle, dit-il en désignant sa jambe. Je crois que j’ai un train vers 13h, je voudrais bien ne pas le rater !

    Vous voulez que je regarde à quelle heure est le prochain train ? dis-je en dégainant mon téléphone.

    Le prochain train pour Limoges est à 11h42, ça devrait être jouable. Je m’étonne qu’il ait choisi le bus comme moyen de locomotion pour rejoindre Austerlitz.

    «  C’est que je suis ancien cheminot, dit-il, et qu’avec le RER j’ai mes repères. »

    Il me raconte qu’il vient à Paris pour se détendre, ce qui me fait rire. Sa compagne habite Bagneux.

    Nous montons ensemble dans le bus. Il montre à un chauffeur blasé le bon de retard que lui ont fait les agents, pour ne pas payer le ticket de bus, et s’installe à côté de moi.

    «  C’est bien, vous les jeunes vous savez vous servir de ces choses-là, dit-il en désignant mon téléphone.

    -  Les jeunes, les jeunes … dis-je en souriant.

    Moi j’ai 80 ans, je suis un vieux par rapport à vous.

    - Ça c’est sûr, mais pour les jeunes, moi je suis une vieille !

    Il me raconte ses 8 petits-enfants, et le peu de temps qu’il lui reste pour prendre du bon temps, entre visites à la famille et rendez-vous médicaux.

    «  Faut pas croire, on est débordés en retraite !

    Ah ben merde, moi qui espérais enfin buller, ça m’inquiète, ce que vous me dîtes !

    Une dame africaine décide de prendre part à nos échanges animés, tant et si bien que je manque rater l’arrêt.

    Hé  mais c’est là que je descends, moi ! dis-je en bondissant, avant de tendre la main au vieux monsieur.