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Liberté etc.

 

laïcité,démocratie,républicanisme,charlie hebdo

Les évènements de la semaine dernière ont été l’occasion d’observer mes compatriotes, notamment sur ce réseau narcissique où la plupart se regardent le nombril et parlent pour ne rien dire. Dès que j’ai vu apparaitre le fameux « Je suis Charlie » sur la plupart des profils de mes connaissances, et que j’ai lu les premières réactions, j’ai décidé de rester silencieuse.

Peu m’ont surprise : les relayeurs d’informations non vérifiées ont relayé canulars et photomontages, les ignorants dont la vie tourne autour de séries et émissions de télé-réalité se sont improvisés initiateurs de débats, les incultes qui ne lisent rien en dehors du programme télé ont posté pléthore de citations philosophiques, les bisounours m’ont noyée dans leur chagrin et les supposés racistes se sont lâchés. D'autres se sont réellement pris pour Charlie et ont voulu faire de l'humour. Ce fut assez instructif.

J'avais résolu de ne pas réagir mais je n'ai pas pu. J'ai interrogé, publiquement, et une seule de mes 3 sollicitations a obtenu réponse. Je trouve quand même très symptomatique cette capacité d'exprimer un point de vue, directement ou à travers autrui, et de ne pas souhaiter le défendre. Et ça se revendique "Charlie"...

Mon noyau dur, amis et famille du premier cercle, ne m’a pas surprise non plus : pas de slogans, pas de publications. Prudence et circonspection, comme disait mon grand-père. J’ai reconnu les miens.

J’avais décidé de rester silencieuse ici aussi mais j’ai eu envie de poser les quelques interrogations qu’a suscité ce grand élan démocratico-patriotique, et aucune envie de le faire sur un réseau social que je méprise et où je me ferais un devoir de répondre à des gens que j’estime à des degrés divers, voire pas.

Combien de ceux qui ont marché dimanche dernier et crié leur amour de la liberté d’expression ont défendu, en 2011,  la publication des caricatures du prophète musulman par Charlie Hebdo ?

Combien de ces ardents défenseurs de la liberté d'expression se sont offusqués, jadis et aujourd'hui, que Dieudonné soit banni des médias et ses spectacles interdits ?

Combien de ceux qui ont manifesté dimanche l’ont fait POUR la liberté et la démocratie et pas CONTRE l’islam et/ou les arabes ?

Combien de ceux qui ont brandi leur pancarte pratiquent, au quotidien, l'humanisme, la bienveillance et la tolérance dont se réclamaient les dessinateurs et journalistes assassinés ?

Combien se font un devoir de défendre et d’exercer leur liberté de pensée et d’expression, dans la rue, au travail, avec leurs amis, en en assumant les conséquences ?

C’est à cause de toutes ces questions, auxquelles je crains de connaitre toutes les réponses, que je n’ai pas rejoint le troupeau des braves gens (qui n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux).

Très tôt, j’ai appris à me méfier de l’unanimité et l’expérience a conforté ma position. Alors je suis restée chez moi. J'ai écouté les survivants du massacre, la veuve de Wolinski, admirable de dignité, j'ai pleuré avec Patrick Pelloux, montagne de chagrin qui me déchire le coeur à chaque fois que je l'écoute, j'ai suivi la retransmission en direct de la manifestation, j'ai été bouleversée par l'élan de tendresse du président, j'ai suivi quelques débats. J'ai réfléchi, seule et avec mon frère, à mes propres préjugés et incohérences.

Et j’ai formulé le vœu, comme en 1998, 2002 et 2005, que demain chacun serait plus attentif à l’autre, plus respectueux, plus généreux.

Que l’éducation nationale, le monde du travail, l’état se remettraient en question et reconnaitraient leur responsabilité dans ces échecs humains qui nous pètent à la gueule depuis des années.

Que ces mêmes acteurs qui ont le pouvoir de construire et détruire un être humain décideraient enfin de briser les pernicieux mécanismes d’exclusion qui caractérisent la France et enfantent désespoir, résignation, haine ou violence. J’ai souhaité cela, de tout mon cœur, comme je le fais depuis des années. Sans illusions.

Commentaires

  • 1998, 2002, 2005? Coupe du monde, Élections, ?
    Je pense que tout le monde est surpris de l'ampleur médiatique et populaire qu'à pris les événements de la semaine dernière. Je pense surtout que tout est allé très vite grâce à Twitter, qui a propagé le slogan comme un feu de poudre. Pendant plusieurs jours, je me suis contentée de retweeter, je n'avais pas le cœur à parler de choses futiles et je n'avais pas grand chose d'intelligent à ajouter au débat. Personnellement je n'avais jamais ouvert un Charlie, jamais entendu parlé de Cabu, Charb (mon père m'a même avoué à midi qu'il ne l'avait pas acheté depuis 20 ans). Je ne suis pas allée marcher, je n'ai pas acheté le Charlie (j'ai essayé puis je me suis dit "tu l'aurai pas acheté s'ils n'étaient pas morts). Mais j'ai été triste, comme beaucoup.
    Je pense surtout que les gens ont marché pour montrer qu'il reste de l'espoir en France, que notre pays est debout, pas forcément pour la liberté d'expression.

    Quant à Facebook, je fais partie de ces rares personnes qui n'ont pas de compte (en 2015, c'est carrément de la rébellion). Mon cercle Twitter me suffit pour relayer ce qu'il faut.

    Et sinon au Japon c'est l'année du mouton !

  • Waouh ! Quel texte !! ma-gni-fi-que !
    Juste relu 6 fois ...

  • Cha,
    On s'est parlé au téléphone mais je te réponds quand même ici aussi.
    2005: émeutes dans les banlieues parisiennes. A chaque fois, les mêmes discours : l'heure est à l'action, le message est reçu etc. mais tous ces beaux sentiments retombent comme un soufflé.
    L'espoir se manifeste au quotidien.
    Ton attitude ne me surprend pas et elle est le reflet de ton honnêteté intellectuelle.
    Trèfle,
    Oh un revenant !!! Quelle surprise ! Merci du compliment.

  • Quelle mémoire !
    I am very bluffed ;)
    Je suis fan de ta plume.

  • Trèfle,
    En effet, j'ai une très bonne mémoire, surtout que nous avions échangé off blog :)
    Merci de continuer à me suivre, Trèfle.

  • Je prétends humblement que lire tes billets tantôt sur tes états d'âme, ce qui te touche, t'amuse, t'étonne ou t'indigne fait infiniment plus de bien que lire des best-sellers "diaboliques" comme le "suicide français" par exemple ...

    Merci à toi de me permettre de continuer à gouter le plaisir de la lecture de ton blog :)

  • Tu voulais des commentaires...tu en as !
    Je te trouve, dur dans ce billet. Car toi, tu as une vie alignée avec tes principes et tes convictions, tu es exigeante avec toi-même, alors tu peux te permettre.
    Je suis moins stricte et rigoureuse, est-ce pour ça que je suis plus "compréhensive" ? Car moi, je trouve que même si cette mobilisation est fugace, soudaine et spontanée, elle est rassurante. Les gens se rendent compte, même ponctuellement, ils sont interpellés et mobilisés.
    C'est un début, et peut-être que chez certains ça aura permis une prise de conscience.
    Etre un mouton, pour une bonne chose / cause, est-ce si mal ?

  • Trefle,
    Merci de tes encouragements car parfois l'envie manque.
    Petits cailloux,
    Je comprends que tu me trouves dure. J'assume mes propos et ne m'en dédis pas; publier un billet me prend énormément de temps justement parce que je choisis mes mots avec soin. Je ne peux donc jamais prétendre qu'ils ont dépassé ma pensée. L'inverse en revanche est souvent vrai ;)
    Permets moi de mettre un bémol : ma vie n'est pas totalement alignée avec mes principes et convictions. Si c'était le cas, je vivrais dans un autre pays. Ce n'est pas l'envie mais le courage qui me manque.
    Bien sûr j'ai été émue aux larmes de cet élan mais si je fais abstraction de la charge émotionnelle que les médias ont savamment entretenue, je sais que je ressens cette émotion dès qu'un groupe humain partage quelque chose de beau et en quelque sorte, de spirituel. Je n'ai en aucun cas voulu attaquer qui que ce soit, je m'interroge, c'est tout. Dans cette foule, il y avait quelques-uns de mes amis et ils ne sont ni bêlants ni complaisants.
    Dimanche dernier j'ai eu une discussion animée (et passionnante) avec un de mes amis qui ne comprenait pas que je sois révoltée par le nouveau procès qu'on intente à Dieudonné, et à Philippe Tesson sur l'antenne de Morandini, (le second ayant appelé au meurtre du premier, je viens de le découvrir à l'instant en faisant une recherche sur internet).
    Les évènements de début janvier ont aussi donné du grand n'importe quoi : prison ferme pour les auteurs (souvent avinés) de propos discutables, prison ferme pour un attardé mental (bel esprit républicain que voilà), audition de plusieurs heures d'un enfant de 8 ans (???!!!).
    En revanche, reconnais qu'il y a une forme d'indécence à en faire un tel évènement quand, sur un autre continent, des femmes sont torturées, violées, mutilées (Congo, Nigeria), des enfants sacrifiés, des civilisations éradiquées dans l'indifférence quasi-générale (Tibet). Ce n'est pas une nouveauté mais la vie d'un être humain n'a pas la même valeur selon l'endroit où il pousse son dernier soupir.
    Mais je m'égare ...
    Permets moi d'attendre le résultat des prochaines élections présidentielles pour me sentir rassurée.
    En attendant, je t'embrasse.
    PS : J'evite généralement ce genre de billet à polémique mais je tenais à te répondre car je t'estime et je me doutais que ce billet heurterait les sensibilités. Je préviens donc les éventuels roquets qui voudraient s'empoigner avec moi que je n'hésiterai pas à fermer les commentaires s'ils me font chier.

  • Hello ma fiso :-)
    Dis donc on sort les crocs! Je partage ton point du vue quant à ta vision de cette marche. Bon évitons de généraliser, c'est comme dans tout, il y a des gens honnêtes avec eux-mêmes et d'autres pas, et les deux typologies se trouvaient présentes à cette marche.
    Ca me fait penser à la marche blanche que l'on avait connue en Belgique lors de l'histoire "Dutroux". C'est sûr, ça fait du bien à certains et je respecte ça, mais je ne peux m'empêcher de rester un peu cynique par rapport à ces grandes envolées, surtout, comme tu le relèves si bien, lorsque d'autres drames du même acabit se déroulent ailleurs dans le monde au même moment...et que c'est à peine si on en entend parler. Mais c'est humain n'est-ce pas?

  • Zoum'
    Oui c'est humain de se sentir plus concerné par ce qui nous est proche et semble une possibilité.

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