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bimbo jet

  • 6 ans

    free music
    0b26f2224353e4226a71a3b0650df01f.jpgJ’ai 6 ans, les cheveux blonds coupés à la « Stone », je porte souvent des couettes et des pulls Phildar que ma mère tricote devant la télé. Nous habitons dans une maison mitoyenne de celle des Bertrand en bordure d’une route de Beauce, à Châteaudun. Dans la chambre que je partage avec mon petit frère, aux murs orange couverts de grosses fleurs, il y a un rocking chair et un cheval à roulettes. Aux beaux jours, quand j’attends l’autocar qui m’emmène à l’école, je respire le parfum des grappes de lilas mauve et blanc accrochées au bord de la route.

    Mon père traverse la route chaque matin, dans un treillis kaki, le képi sur la tête, les rangers reluisantes et la moustache taillée de près. Il est beau, mon père.

    Au fond du jardin, sur une butte, il y a le poulailler où l’on m’envoie parfois donner du grain. Terrorisée par les volailles qui se jettent à mes pieds à la vue du seau,  je reste plantée au milieu du terrain, avec l’envie de lâcher le seau et de détaler à toutes jambes. J’ai un coq nain qui s’appelle Jérôme, en hommage à ce chanteur que j’écoute au hit-parade. Le midi, j’amuse mes parents en chantant et dansant au beau milieu de la cuisine familiale.

    Mes camarades de jeu sont les fils Bertrand, au nombre de trois. Dans leur jardin, il y a une balançoire sur laquelle mon père me balance à toute volée, malgré mes cris d’effroi à la peur de m’envoler dans les airs. Quand on est enfant, tout paraît immense et effrayant.

    Ma mère confectionne souvent des tartes à la rhubarbe, à la saveur aigre-douce. Elle porte de grandes robes chamarrées qu’elle a ramenées de Nouvelle Calédonie, elle est belle avec ses taches de rousseur et ses yeux aux reflets dorés. Souvent, elle rencontre d’autres femmes de militaires lors de thés chez l’une ou l’autre, et je les imite en organisant des dînettes dans ma chambre.

    Je suis au CP. J’apprends à lire en déchiffrant les aventures de « Daniel et Valérie ». A la récré, je cours retrouver mon petit frère à travers le grillage qui nous sépare. Il pleure tous les matins quand ma mère repart sans lui. Alors, j’attends avec impatience d’apercevoir ses boucles dorées après la sieste de l’après-midi. Dans ma classe, il y a ma copine Stéphanie, avec laquelle je vais l’été à la piscine de Marboué, et Hervé, mon amoureux, le fils de la maîtresse. Dans la cour de l’école, il y a une tortue, elle s’appelle Caroline, je crois.

    Après l’école, Maman m’emmène souvent à la bibliothèque. C’est toujours un moment magique quand je pénètre dans la petite pièce remplies de trésors rangés dans de grands bacs en bois. J’aime beaucoup les albums de Martine ; mes préférés, ce sont « Martine part en voyage » et « Martine fait du théâtre ». Les aventures de Martine et son amie noire Cacao me font trembler de peur à l’idée de me retrouver seule dans une forêt menaçante et j’aimerais bien trouver une malle pleine de costumes moi aussi, pour me déguiser avec mes amis.

    J’aime bien quand je suis malade parce que Maman m’achète toujours un cadeau, des livres, des puzzles ou des gommettes. Quand une de mes dents de lait tombe, après que j’aie passé des heures devant un miroir à la triturer, Maman me borde dans mon lit en me promettant le passage de la petite souris dans la nuit. Et en effet, le matin, quand je soulève mon oreiller, je pousse des cris de joie en y découvrant une surprise.

    A Pâques, un panier à la main, nous courons dans le jardin à la recherche d’œufs en chocolat. Je feins de ne pas les voir tous pour laisser mon petit frère en ramasser plus que moi.

    Quand ma mère prépare un gâteau au chocolat, je traîne dans la cuisine en attendant impatiemment le moment où elle me dira, l’air de rien « Tu veux lécher la casserole ?» C’est un privilège qui m’est réservé, à moi, l’aînée. Alors, ravie, les yeux brillants de gourmandise, je plonge un index glouton dans le ruban brillant, chaud et parfumé.

    C’est bien d’avoir une maman qui fait de vrais gâteaux au chocolat.