A Rennes j’ai retrouvé un client formé il y a 2 ans, dont je n’avais aucun souvenir. Le soir venu, peu enthousiaste à l’idée de rejoindre l’hôtel Mercure du centre-ville (je n’aime pas dormir dans les chaînes, sauf si elles s’appellent Relais & Châteaux), j’ai cherché un endroit au vert et au calme où titiller mes papilles. La Fourchette, fournisseur de bonnes adresses, proposait le Château d’Apigné. Sans adresse précise et à cause de ma connasse de GPS (ben oui, c’est une fille), j’ai fait le tour du Rheu qui hélas, est fort étendu. Et finalement, je me suis retrouvée sur le parking du Moulin d’Apigné, sauf que moi j’allais au Château. C’était un peu plus loin, au lieu-dit la Theuzardière (fallait le savoir !).
En navigant dans la nuit noire, je me suis fait la réflexion que j’avais vraiment le chic pour me retrouver dans des atmosphères Blair Witch Project (film que j’ai détesté, par ailleurs, mais on s’en fout). La brume nappait la forêt, il n’y avait pas âme qui vive ni même lueur. Enfin, au bout d’une allée, au milieu d’un parc, le château se dresse et il est superbe. De style néo-renaissance (n’allez pas croire que je suis super fortiche en architecture, c’est écrit sur le joli livret que m’a offert Lilia), il est encadré de quatre jolies tourelles.
[Parenthèse : Il est 23h05 et je reçois à l’instant un sms d’un numéro inconnu qui demande « E-tu toujours vivante, mon cœur ? » J’ai répondu « Et je serais le cœur de qui ? »
… A suivre …]
J’entre au château et suis accueillie par la jeune femme qui a tenté de me guider jusque là. Elle m’installe dans un salon fleuri où une jeune femme, aussi esseulée que moi, dîne déjà. Sur la table, une magnifique assiette japonisante.
Je choisis le menu « Inspiration » à 25€, pile poil le budget alloué pour mon dîner. D’abord, des amuse-bouche, on m’annonce un trio de crème de poireau avec émulsion de coquillages, un crokanski de jambon salé sur lit de tartare et un piquillo au chèvre. Savoureux. Vous n’aurez hélas pas de photo car elles étaient de mauvaise qualité. J’ai changé de téléphone en octobre et mon nouveau Samsung n’offre pas la netteté de son prédécesseur.
[Re-parenthèse : Tiens, il porte le prénom de mon père ! (mais mon père ne m'appelle pas "son coeur")]
En entrée, la jeune femme brune au léger accent pose devant moi une crème de potimarron avec émulsion de bacon. Le chef est visiblement friand de cet effet visuel « bain moussant »qui surmonte le velouté. Le plat est un délice pour l’œil autant que pour la palais. Des gambas rôties sauce Saint Jacques sur lit de tagliatelles. Jugez plutôt :
Note à la jolie liane normande qui a découvert, hier, une de mes « fantaisies » : Oui j’ai tout mangé, la tête, la queue, tout !
La jeune femme solitaire m’a saluée et a quitté la pièce, me permettant d’entamer la conversation qui s’occupe de moi avec beaucoup de professionnalisme depuis mon arrivée. Ma curiosité est satisfaite : la jeune femme est mexicaine – de Mexico - et sommelière du château. Mazette. Elle n’aime pas Paris et j’acquiesce à ses impressions. « J’ai trouvé que Paris était une ville violente ». Oui madame. « Et les gens assez agressifs ». Aussi. « D’ailleurs, regardez le livre que je lis », dis-je en tendant le manuel rouge. Elle rit. Nous discutons de la situation au Mexique qui s’aggrave, de ses projets, de cuisine.
Un peu plus tard, alors que j’ai déjà appris à classifier les cons, Lilia dépose devant moi LE dessert, un cacao croustillant et moelleux et ses billes de pomme verte.
La photo en coupe transversale est merdique mais faites moi confiance : le mélange de textures et de saveurs restera longtemps dans ma mémoire sensorielle. Le rouleau de génoise, surmonté de la fameuse émulsion mousseuse à la pomme verte, renferme une crème glacée à la cacahuète posée sur un lit de noisettes concassée, lui-même saupoudré sur une ganache au chocolat d’un crémeux à se damner. La belle porcelaine blanche est vernie d’une laque de chocolat à la fève tonka que je me retiens de lécher.
Le lendemain, y croyez-vous, me revoilà, toujours aussi solitaire dans la magnifique salle à manger, mais bichonnée par Lilia que j’ai pour moi toute seule. Si l’entrée, une tartine de speck, me laisse un souvenir volage, j'aurais bien repris une dose d'encornets grillés. Fondants, grillés à souhait, leur saveur est adoucie par la délicate purée de petits pois et les navets nouveaux qui l'accompagnent.
En dessert, une tatin compotée et sa glace à la vanille me réconfortent avant de reprendre la route.
La carte des boissons chaudes est tout aussi surprenante que la cuisine du chef. On y trouve d'étonnants thés et tisanes bio aux algues (mais pas que ! lavande, verveine, menthe, orange, bergamote et romarin), dont j'achète deux boîtes.
Je quitte à regret Lilia dont la compagnie a été si agréable. Devant mes phares, des dizaines de lapins détalent dans le parc. De quoi faire un bon civet ...
Château d'Apigné au Rheu (à 10 minutes de Rennes)
02.99.14.80.66