[Episode précédent ici]
Peu après 19h, je déroule ma présentation. Les questions s'enchainent, je dois développer et réexpliquer - encore ! - comment je forme etc. Je contiens mon agacement. Le dirco revient sur sa notion de flexibilité et m'en remet une couche, ce à quoi je fais les mêmes réponses. Il évoque maintenant une candidate reçue le matin, une formatrice de métier : " Elle ne voulait pas comprendre qu'avec les clients il faut être flexible. Elle m'a gonflé, franchement, à me dire qu'avec elle, les règles sont les règles et qu'il n'y a pas de dérogation, elle fait sa formation comme elle l'avait prévue, point à la ligne." Le PDG, visiblement un peu embarrassé (ou peut-être n'ai pas tout à fait réussi à cacher mon effarement ?), tempère : " Elle était très professionnelle. " Le coq continue à ergoter : " Oui, c'est sûr, mais moi ça m'a gonflé, trop rigide, il faut être flexible." Je le regarde et je pense : 1) Quel manque de professionalisme que de dénigrer une candidate devant une autre candidate 2) Tu avais juste une vraie formatrice devant toi et tu ne la mérites pas, abruti. Puis il sort l'artillerie lourde et me balance, les yeux fixés sur la feuille devant lui : " Je vais vous dire franchement les choses parce qu'ici à PZ, on est francs : je n'ai pas apprécié votre mail ce matin. Mais ne vous inquiétez pas, je vais y répondre. " Je suis sur le cul. Alors déjà mon pote, si tu étais aussi franc que tu le dis, tu me regarderais dans les yeux ... Ensuite, bien sûr que tu vas répondre à mes questions, connard ! J'ouvre de grands yeux et étouffe un rire : "Ah bon ? Qu'est ce que vous n'avez pas apprécié ?" " Et bien, vos questions, je trouve qu'elles étaient prématurées, je vous le dis franchement." " Et bien écoutez j' en suis navrée, ça n'était pas le but. Vous m'avez invitée hier à vous contacter pour poser mes questions. Je vous les ai donc envoyées par mail pour ne pas vous déranger puisque notre entrevue ce soir ne devait pas dépasser 30 minutes et que je pensais que vous n'auriez pas le temps d'y répondre ce soir." Je regarde ma montre : je suis là depuis 1h30. J'enfonce le clou : " Mais visiblement, vu l'heure, j'aurais pu attendre en effet pour vous les poser ce soir. Ensuite, mes questions vous paraissent peut-être prématurées mais pour moi elles ne le sont pas : j'ai besoin de connaître les conditions dans lesquelles je formerai et vos réponses motiveront ma décision de donner suite ou pas. " Il prend la liste de questions et y répond point par point, ponctuant ses réponses par des "évidemment". Je décide de le moucher un peu. " Vous voyez, pour vous c'est peut-être évident et secondaire, mais dans mon ancienne société, ça ne se passait pas comme ça. Je ne vous ai pas posé ces questions pour vous embêter mais parce que pour moi, c'est du vécu." Je m'étonne d'être restée très calme. Il est un peu couillon maintenant. Abruti. Je me dis que sa réaction est assez puérile et que si le pauvre chou s'offusque de 4 pauvres questions, on va avoir du mal à bosser ensemble ... Le PDG recadre les échanges et résume ces 2 jours : ils ont rencontré des candidates très compétentes et ont beaucoup appris (tiens, tiens!). Des jeunes peu expérimentées mais très motivées, des formatrices chevronnées comme moi. Ils vont réfléchir et me recontacter. Il est 21h lorsque la porte se referme sur moi. Ma séance de piscine est à l'eau, c'est le cas de le dire. Je file retrouver Niccolas à la Comète en pestant : ces connards m'auront, tous comptes faits, monopolisée pratiquement 1 journée ! En terrasse de la Comète, je raconte mes déboires à Nicolas, d'un implacable pragmatisme : " Envoies le chier, ce connard !" En rentrant chez moi, je me dis qu'il y a de fortes chances que je refuse leur proposition, le cas échéant, et me donne la nuit pour prendre ma décision, à froid. Le lendemain matin, ça ne fait aucun doute : j'ai bien plus à perdre qu'à gagner en acceptant ce poste et il est joué d'avance que je ne suis pas assez docile pour le dirco. Je refuserai donc. Vers 11h, un message de lui sur mon répondeur : ma candidature n'est pas retenue. "Tant mieux, bon débarras" me dis-je en supprimant le message. En toute hypocrisie, je me fends quand même d'un mail accusant réception de l'information et en demande les raisons, just pour rire. La réponse, en anglais, du PDG fait preuve d'une telle mauvaise foi (la présentation de mon projet professionnel aurait été un peu légère et ma tenue vestimentaire aussi) que je ne peux m'empêcher de lui répondre que j'avais bien compris qu' ils étaient en attente non pas d'une présentation mais d'une formation à la formation. Il précise aussi qu'ils n'ont toujours pas sélectionné de candidate. Deux mois plus tard, le poste est toujours ouvert au recrutement sur les réseaux sociaux professionnels ... Moi, je suis passée à autre chose. [A suivre]