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mafé

  • Mafé rêvé

    Il y a presque 10 ans, à l'époque où je bossais pour la grande distribution, un collègue sénégalais, informé de mes appétences pour la cuisine africaine, m'avait emmenée, un midi, dans un foyer africain de l'autre côté de la Seine. Dans une résidence grise peuplée d'hommes, après un dédale de couloirs, on entrait dans une cuisine où des mamans s'affairaient derrière d'énormes marmites en fer-blanc. Pour 1€50, on pouvait manger de généreuses portions de mafé, thiep, bananes plantain et autres plats exotiques.
    Tout fin connaisseur vous dira que la meilleure bouffe afriacaine se trouve dans les foyers. Les travailleurs sont exigeants et ont de l'appétit.

    Il y a quelques semaines, alors que je suis revenue dans le quartier, le foyer s'est rappelé à moi. J'ai regardé un plan : il devait être dans le quartier où mon frère bosse, à 2 stations de bus de mes bureaux. J'ai appelé mon frère, avec lequel je devais déjuener :

    - Ca te dit une bonne bouffe africaine ?

    Il y a 10 ans, je n'aurais jamais réussi à le traîner dans un foyer africain. Mais depuis, il a goûté, et il sait. Je le préviens que je crois avoir retrouvé ma super adresse mais que j'ai pu me tromper.

    - J'ai un collègue qui est intéressé, on ira avec lui, dit-il.

    Le jour J, armée de l'adresse convoitée et de mon GPS, nous nous mettons tous 3 en route. Je reconnais la rue, c'est bon signe. Nous voilà devant la résidence grise, des hommes sont aux fenêtres, nous montons les marches et entrons. Je jubile et met les résidents à contribution : " La cusine, c'est où s'il vous plaît ?"
    Un jeune homme indique une cour où des vieux discutent, posés sur des chaises d'écolier. Je continue ma chasse au trésor. " Par là" disent les vieux, un peu surpris de voir 3 petits blancs débouler dans leur quotidien. On ouvre des portes, on descend des marches, guidés par des hommes rigolards. On débouche dans une salle à manger où des hommes déjeunent sur des nappes plastifiées, les yeux rivés sur une télé qui donne des nouvelles du pays.

    On prend nos places dans la file d'attente, parmi les travailleurs affamés. Rien n'a changé, les mamans qui s'affairent, les marmites qui glougloutent. Des poissons braisés se sont échoués là. Mon frère a les yeux qui font roue libre.

    J'opte pour une belle assiette de veau aux épinards sur du riz blanc, eux se saisissent d'un mafé au boeuf et brochettes. Les prix ont à peine augmenté : 2€ par personne.

    Un homme fait la vaisselle en direct et balance des couverts dans une bassine. Je préfère ne pas déranger les travailleurs qui mangent entre eux; mes compagnons acquiescent.
    - On peut manger dehors ? je demande à la dame
    - Ou ça dehors?
    - Ben dans la cour
    - D'accord mais vous nous ramenez les assiettes ok ?

    - Vous allez bien manger ! nous lance un homme hilare alors que nous repartons dans les couloirs, nos assiettes dans les mains.
    Nous nous installons sur un banc et c'est super bon. Mon frère est ravi.

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    Après avoir fini nos plats, nous ramenons les assiettes en cuisine et allons boire un thé à la menthe dans le foyer où des hommes vendent des babouches, des cigarettes au détail et autres bricoles. Un vrai, avec la branche de menthe.

    2 jours plus tard, mon frère m'appelle : On y retourne, Fiso ?

    Je chope un Vélib et y arrive avant eux. Les femmes nous reconnaissent (tu m'étonnes!). Je me fais souffler une barquette de bananes plantain sous le nez à 10 secondes près et me console avec un mafé. Une petite bombe de cholestérol. Frérot commande un thiep et ses 5 légumes par jour. 

    Cette fois, on prend nos aises. Dans la cour, il y a une table un peu gondolée et des chaises d'écolier.
    - On se fait une terrasse, les gars ? lancé-je à mes compagnons.
    - C'est plus cher en terrasse, dit un homme avec un clin d'oeil.

    Prudents, on a opté pour l'ombre. Et là, franchement, ça a été royal. On se serait crus à la campagne.

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    - Et en plus, ils sont super sympas, a dit mon frère.

    - Cet après-midi, on va y reprendre doucement, ajoute son collègue berbère, avouant que la dernière fois, ils ont été pris de somnolence au retour du déjeuner.

    Heureusement que je viens à vélo. A 126 calories les 7 kms (diwxit ma super appli Runstatic), ça ne va pas être superflu, si vous voulez mon avis.

    PS 1 : Ce n'est pas un oubli. L'adresse est secrète et se transmet sous le manteau. Tout le monde n'est pas volontaire pour s'aventurer en Afrique de l'ouest. Et pourtant ...

    PS 2 : Phil, desserres ta ceinture.

    PS 3 : 2 billets de bouffe de suite : rassuré, mon Obs ?