Aujourd'hui s'est terminé à Paris le 3ème congrès mondial contre la peine de mort.
Jeudi soir, après ma journée de formation, j'ai rejoint la Cité Internationale Universitaire où avait débuté la première de ces 3 journées. J'arrivai vers 19h10 pour assister à une conférence débat sur "Les voies de l'abolition en Afrique du Nord et au Moyen-Orient" en présence, entre autres, de Tariq Ramadan. Celui-ci justifiait sa lutte pour l'abolition par plusieurs arguments, l'un d'eux était "son application en proiorité aux pauvres et aux femmes". Mais M. Ramadan mettait aussi en garde contre une approche maladroite. "Quand on s'adresse au monde musulman sur des questions de principe et de droits humains, on renvoie à l'image de l' Occident. Il faut faire preuve d'empathie avec l'univers intellectuel de l'autre. Pas d'arrogance, pas de clivage pays développés / pays sous-développés". Tariq Ramadan disait aussi qu'il était "inadmissible que les USA donnent des leçons de droits humains à quelque pays que ce soit dans le monde" et que "la voix de l'Occident ne serait pas entendue dans les pays musulmans tant qu'il y aurait incohérence occidentale : on se tait quand le pays est riche (Chine) et on crritique lorsque celui-ci est pauvre (Nigeria)".
Le débat se terminait sur des prévisions optimistes. Partout, les abolitionnaistes gagnent du terrain. En octobre dernier, le Rwanda a proposé de supprimer la peine capitale du code pénal national. Si ce projet se concrétise, le Rwanda sera le premier pays à abiolir le châtiment suprême dans la région des Grands Lacs. En 1863, le Venezuela est le premier Etat moderne à formellement abolir la peine de mort. Depuis 2000, on trouve parmi les pays à avoir aboli la peine de mort : le Tadjikistan, l'Arménie, le Chili, la Côte d'Ivoire, le Liberia, les Philippines. En revanche, j'ai eu la surprise de découvrir que la peine de mort était toujours appliquée dans de nombreux pays des Caraïbes (Jamaïque, Barbade, Antigua, Sainte Lucie etc.) au Bélize et au Japon.
La 2ème partie de soirée "Paroles d'anciens condamnés à mort et de victimes" était poignante. Plusieurs condamnés à mort innocentés témoignaient. Un japonais, aujourd'hui âgé de 79 ans, qui a passé 34 ans de sa vie dans les couloirs de la mort avant d'être libéré et qui a assisté à l'éxécution de vieillards en chaise roulante. Un ougandais qui a passé 18 ans en prison pour le meurtre d'un homme qui était bien vivant. Un espagnol condamné à mort aux USA pour un double meurtre, sur la base d'un faux témoignage, et qui a passé 5 ans en prison. Une libanaise qui fut arrêtée et condamnée à mort en représailles aux activités politique de son frère. Mais aussi des familles de victimes de meurtre qui sont contre la peine de mort. J'ai plusieurs fois eu les larmes aux yeux, en particulier en entendant les parents d'une jeune fille tuée dans l'attentat du RER Saint Michel redire leur opposition à la peine de mort.
Ou encore ce père d'une petite fille de 10 ans, enlevée, violée et brûlée, qui disait "J'ai toujours été contre la peine de mort. Souvent on m'opposait l'argument suivant "Si c'était votre enfant, vous changeriez d'avis". Aujourd'hui je peux leur dire que je n'ai pas changé d'avis"".
C'était bouleversant d'entendre ces témoignages pleins de dignité et de sagesse. Je n'ai jamais hésité mais aujourd'hui, je suis plus que jamais déterminée dans mes convictions.
Commentaires
Drolement interessant ton blog! Merci!
1h30 la mort par injection létale... Marre de cette inumanité... Oui à la prison à vie mais donner un mort tout en pensant qu'il y a un doute sur la culpabilité ou des condamnations abusives (la communauté noire Américaine notamment...) non...
> Sushi,
Merci, je te retourne le compliment.
Pour cause de méga-virus sur mon PC à la maison, je n'avais pas pu finir cette note. C'est chose faite désormais.
> Arno,
C'est indigne de l'homme. Je peux comprendre les pulsions de vengeance, par exemple, qu'un parent tue l'assassin de son enfant mais qu'on décide autour d'une table de la mort d'un être humain, ça non !
Et comme tu le soulignes, nombre d'innocents sont éxécutés aux USA. Dans d'autres pays, ce sont les homosexuels, les femmes et les opposants politiques qui sont les victimes de l'obscurantisme et de la tyrannie. Alors, vraiment, NON A LA PEINE DE MORT !
Dire qu'il y en a qui parle de remettre en route la terrible machinde de la peine de mort en France. C'est insensé.
Abolir la peine de mort c'est accpter la faillibilité du jugement humain et donc ne jamais infliger de peine irréversible ; donc admettre qu'on peut condamner par erreur.
> Samuel,
Tout à fait exact et l'histoire de la justice l'a prouvé.
En d'autres temps, les condamnés-acquittés d'Outreau auraient peut-être perdu la vie.
abolistioniste convaincue j'ai organisé l'autre jour un débat sur la peine de mort dans une classe de 3 d'un lycée italien (l'équivalent de la première).
ce sont eux qui avaient choisi le thème.
à part deux élèves, tous étaient contre la peine de mort, mais avec un argument qui m'a donné à réfléchir (tristement):
il vaut mieux condamner à perpértuité les assassins et les empisonner dans des conditions pénibles car vivre mal est pire que d'être éxécuté.
autrement dit, ils n'accordent à la justice qu'une seule dimension, la vengeance.
j'ai trouvé leur réaction inquiètante
merci pour ton texte
En effet ça fait réfléchir ...
Finalement ils sont partisans d'une mort lente, non ?
Et la possibilité de soigner, ils ne l'envisagent pas ?
C'est effrayant. Merci à toi aussi pour ta précieuse contribution.
Oui (sur ta repse à mon com) et Christian Ranucchi serait vivant si la peine de mort n'aurait pas existé, et il serait quand même plus facile de réexaminer les obscurité du procés. Il a crié à son avocat devant la machine : "Réhabilitez-moi !", Il doit y avoir une raison !
A Céleste : inquiètant, c'est vrais, mais ils sont jeunes encore. A même âge, j'étais dévoré du feu de la passion... Mais il est vrai aussi que mes passion n'étaient pas celles-là, déjà j'étais contre la peine de mort, et actif contre.... Je passais il est vrai pour un doux allumé...
Rebonds
Abolir la peine de mort au Rwanda permettrait l'extradition des génocidaires présumés.
Ne tuons pas nos bourreaux
Par Yvonne MUTIMURA
QUOTIDIEN : mardi 14 novembre 2006
Par Yvonne Mutimura rescapée du génocide des Tutsis au Rwanda.
Le 27 mai 2004, dix ans après le génocide des Tutsis, je sortais de terre, à Cyuga, les ossements de ma mère, Adèle, de ma grand-mère qu'on appelait Bibi, de Lydia, ma petite cousine de 8 ans, de Séraphine, une adolescente de 17 ans, et de Drocelle, une amie de ma mère. Hormis le corps de ma mère, qui était enseveli près de sa maison, j'ai extrait tous les autres des latrines, où leurs bourreaux les avaient jetés, le 8 avril 1994. Ces bourreaux étaient leurs voisins hutus, persuadés, par la propagande antitutsie, d'accomplir un acte politique. A quelques kilomètres de là, à Kigali, ma petite soeur Providence, mon frère adoptif Jean de Dieu et son épouse Christine, mon père Jean-Baptiste, mes demi-frères et soeurs et une centaine d'autres membres de ma famille ont subi le même sort.
Ils ont été tués parce qu'ils étaient tutsis et que tous les Tutsis du Rwanda devaient mourir. Certains de leurs assassins sont en prison, certains vivent encore librement au Rwanda ou ailleurs, d'autres enfin sont morts. Les crimes qu'ils ont commis sont inexcusables, dépassent l'entendement. Personne n'a le droit de m'imposer une réconciliation avec ces tueurs, capables de jeter vivantes ma petite Lydia, ma vieille Bibi, dans des latrines ! Lorsque ma famille me manque trop, lorsque les cauchemars m'assaillent, lorsque ma peine est trop vive, je leur souhaite le pire. Mais je ne veux pas qu'ils soient condamnés à mort par une décision de justice rendue au nom du peuple, au nom des hommes. Les tuer comme ils ont tué, c'est se rabaisser à leur niveau : celui de la barbarie. C'est pourquoi je suis fondamentalement opposée à la peine de mort.
«Certains des auteurs du génocide au Rwanda ne comparaîtront jamais devant le Tribunal international, ni devant les cours rwandaises. Sauf si les parquets d'autres pays poursuivent en justice les accusés qui arrivent sur leur territoire, des personnes coupables des crimes les plus atroces pourraient s'échapper sans punition» (Alison Des Forges, historienne, consultante pour l'ONG américaine Human Rights Watch). Les Etats européens n'extradent pas un suspect vers un Etat où la peine de mort est en vigueur. Malgré cela, après le génocide, le nouveau gouvernement rwandais a choisi de maintenir la peine capitale, regrettant même qu'elle ne soit pas appliquée par le Tribunal international pour le Rwanda lors de sa création, arguant que son abolition était prématurée et serait difficilement comprise par la population et par les survivants du génocide.
Aujourd'hui, des génocidaires qui ne sont pas poursuivis par le Tribunal pénal international pour le Rwanda parce que ce ne sont pas les plus hauts responsables vivent librement en Europe. Certains Etats arrêtent les plus en vue. Une poignée a été jugée. Mais pour les autres l'Europe est un havre de paix et de quiétude. Pourquoi ? Les Etats européens n'ont aucune intention d'arrêter ces hommes, car ils savent qu'ils devraient les juger. Le procès d'un Rwandais, c'est long, compliqué et très cher. La Belgique en a organisé deux, ce qui est exemplaire et exceptionnel. Cependant, des Belges disent aujourd'hui qu'il ne leur revient pas de juger des Rwandais accusés d'avoir commis un génocide contre des Rwandais au Rwanda. Même si de nombreuses personnes, soupçonnées d'avoir activement participé au génocide au Rwanda, vivent en Belgique, aucun autre procès n'a eu lieu et n'aura vraisemblablement lieu.
Le 8 juin 2004, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, pour n'avoir pas jugé dans un délai raisonnable ma plainte avec constitution de partie civile, portée dès 1995, contre un prêtre rwandais, pour des faits de génocide. Douze ans plus tard, l'instruction ouverte à l'encontre de l'intéressé est toujours en cours. Ce prêtre continue d'officier, tandis que d'autres Rwandais également soupçonnés d'avoir participé au génocide, vivent en France sans crainte.
La peine de mort n'est plus appliquée au Rwanda depuis 1998. Comme partout dans le monde, mais peut-être plus encore au Rwanda, la peine de mort est populaire et de nombreuses voix s'élèvent pour qu'elle soit maintenue. Un projet de loi visant à l'abolir va être prochainement examiné au Parlement.
Abolissons la peine de mort, pour que notre peuple puisse enfin rapatrier et juger ses criminels en présence de leurs victimes, pour qu'enfin justice soit rendue à nos familles au terme de procès équitables, au Rwanda, par des juges rwandais. Et pour que la barbarie reste l'apanage des barbares.
Yvonne Mutimura est employée par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Les opinions exprimées ci-dessus n'engagent que l'auteure et ne reflètent pas nécessairement les opinions du Tribunal international ou des Nations unies en général.
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