Je ne peux résister à l'envie de partager avec vous cette lettre magnifique, d'un homme que je considère comme un ami et que je suis fière de connaître :
Si j'avais été professeur, je n'aurais probablement pas lu la lettre de Guy Môquet à mes élèves ce matin, mais celle de Huynh Khong An :
« Sois courageuse, ma chérie. C’est sans aucun doute la dernière fois que je t’écris. Aujourd’hui, j’aurai vécu. Nous sommes enfermés provisoirement dans une baraque non habitée, une vingtaine de camarades, prêts à mourir avec courage et avec dignité. Tu n’auras pas honte de moi. Il te faudra beaucoup de courage pour vivre, plus qu’il n’en faut à moi pour mourir. Mais il te faut absolument vivre. Car il y a notre chéri, notre petit, que tu embrasseras bien fort quand tu le reverras. Il te faudra maintenant vivre de mon souvenir, de nos heureux souvenirs, des cinq années de bonheur que nous avons vécues ensemble. Adieu, ma chérie. »
Tu ne connaissais pas Huynh Khong An, peu de gens le connaissent, et pourtant, il était avec Guy Môquet, ce 22 octobre 1941, à presque 29 ans, comme patriote vietnamien et membre du parti communiste français, l'un des 21 martyrs à être assassinés à Chateaubriand.
Né à Saigon, dans ce Vietnam que les colonialistes s’obstinaient alors à appeler Indochine, il était venu en France, à Lyon, pour y poursuivre des études. Qu’il réussit brillamment, au point de devenir professeur stagiaire de français. Non sans s’investir à fond dans la vie politique française. Secrétaire des étudiants communistes de la région lyonnaise, il milita beaucoup, en particulier aux côtés de sa compagne Germaine Barjon. En 1939, après l’interdiction du PCF, il participa à la vie clandestine de son Parti.
Nommé au lycée de Versailles, c’est là qu’il fut arrêté en mars ou juin 1941, puis envoyé à Châteaubriant. La suite, tu la connais maintenant.
Pourquoi aurais-je probablement lu cette lettre, d'un illustre inconnu, à la place de celle de Guy Môquet ? Sans doute par esprit de résistance, parce qu'on ne peut pas commémorer la résistance sans faire preuve d'esprit de résistance.
Parce que la présence d’un immigré, d’un colonisé, aux côtés des martyrs français, est aussi un clin d’œil de l’histoire. Et si elle prenait valeur de symbole ?
Il faut aussi se souvenir que la liste des personnes à fusiller ne fut pas établie par les autorités d'occupation, mais par le régime de Vichy, et plus particulièrement par un certain Pierre Pucheu, ministre de l'Intérieur de Pétain. Un homme qui avait été auparavant patron des forges françaises, et qui avait déclaré cinq ans auparavant, au moment des grèves de 1936 qui conduirent aux congés payés et aux accords de Matignon : "Si les salariés veulent gagner plus, ils n'ont qu'à travailler 50 heures par semaine." Ca laisse songeur...
Dans un article de l'Huma lu vendredi, il y avait ce commentaire de l'historien Alain Ruscio :
"Le régime de Vichy qui a livré les otages ou les nazis qui les ont fusillés ont très certainement considéré avec mépris cet étranger venu se mêler aux terroristes. Lui ont-ils demandé de prouver, par son ADN, le droit de mourir pour la France ?
Il y a, à Paris, au Père-Lachaise, un monument érigé aux martyrs de Châteaubriant. Sous le nom de Huynh Khong An, une simple mention, d’ailleurs anachronique : Annamite.
Je ne suis pas partisan du boycott de la lecture de la lettre de Guy Môquet. Mais lisons également, comme en écho, comme en réponse à la xénophobie qui (re)pointe son mufle, celle de Huynh Khong An, un étranger et notre frère pourtant."
Oh!91
Commentaires
Admiration pour tous .
Très intéressant. Cette lettre doit être diffusée, tu as bien fait.
Bonjour, merci.
Me suis permis de faire un copier coller pour publier ce texte sur mon blog en spécifiant bien entendu sa source et en mettant votre lien.
Bien à vous.
Ellie & Flo,
J'en connais un qui va être fier ...
Tu connais un type qui est mort pendant la guerre de 40 ? Tu ne fais pas si vieille.
Fiso, je suis flatté que tu aies repris cette lettre, et touché de ce qu'elle suscite. 66 ans après, ces hommes à la jeunesse engagée méritent ce bel hommage, instructif, toujours. Merci à toi, à Flo et aux autres. Oh!91
D'accord pour la lettre.
Mais si j'étais prof d'histoire, j'essaierais d'éclairer la nécessaire résistance de chaque époque, notamment aujourd'hui…
:-)
Et réécouter Léo Ferré, ce texte poignant mis en musique avec des mots tellement forts.. : "L'affiche rouge" ..Manoukian et les autres..
bonsoir,
très pertinente fiso
très très pertinente, même.
merci
Fiso,
Tiens, t'as changé de coiffure ?
Fiso,
Finalement non
Bonjour Fiso,
Merci pour cette magnifique découverte. Je n'avais jamais entendu parler de Huynh Khong An. L'approche du billet me touche particulièrement. Amitiés
quelle belle lettre!
et tu es très jolie sur la photo que je découvre (en espérant qu'elle n'est pas là depuis 3 semaines, sinon honte à moi!)
Il y a tellement à dire, à raconter et à apprendre sur la résistance et les résistances que c'est dommage de s'arrêter à une seule lettre !
Merci de faire connaître ce résistant ! poignant !
Bises.
Filaplomb,
Que les professeurs mettent en lumière tous les résistants, de tous pays, ça me paraît souhaitable. Mais faire des enfants des hommes et femmes libres, ça me paraît être davantage le rôle des parents, non ?
Arachnée,
Connais pas, celle-la. Faut dire que Ferré, je connais si mal ...
Spamy,
C'est pas moi, c'est Oh!91 ! Et je lui sais gré d'avoir donné une lecture différente de cette nouvelle directive de notre président. Pourquoi choisir un résistant plutôt qu'un autre ? Et les anonymes ?
Malaika,
Je n'en avais jamais entendu parler non plus. Pour tout te dire, la recherche de son nom sur Google n'a rien donné. Inconnu de Google ! Merci donc à l'Humanité de l'avoir sorti de l'oubli.
Lhuna / Angélique,
Tiens, tu as ajouté une mention ?
Je te rejoins tout à fait. Et pourquoi parle-t-on si peu des résistants anti-colonialistes, qu'on a souvent appelé terroristes ?
Ok, grosse connerie que cette lettre de toute façon à mes yeux... Mais allons au bout du truc alors... Ne faisons plus la fête des meres qui fut instaurée par Philippe Petain, n'employons plus les termes "nos cheres tetes blondes" toujours du meme Petain... Des exemples comme ça on peut en citer des tas...
Que ce soit la lettre de Guy Mocquet ou celle que OH 91 vient de nous faire découvrir, il n'y a pas de challenge entre les 2. Elles méritent d'être connues. Mais quand même, ce n'est pas juste pour toutes celles qui sont restées dans l'ombre et certainement aussi poignantes. Pourquoi ces 2 là plus que d'autres. Les êtres ont tellement de choses à dire, poignantes ou magnifiques, pleines de tendresse ou de rancoeur, pudiques ou osées que l'on ne peut que s'incliner. Mais bon, je le redis, il n'y a pas que ces 2 là et je veux rendre hommage à tous ceux qui ont écrit avec l'intelligence du coeur et leurs tripes et qui sont, des parfaits inconnus sauf les destinataires de leurs lettres.
Coucou !
tu es très belle ! je n'avais pas vu que la photo s'était "élargie" autour des yeux !
Bonne journée !
Bises.
Oui, ces deux lettres sont belles comme les milliers de celles qui nous resteront à jamais inconnues. Il n'y a pas lieu d'organiser de concours de beauté entre elles, Mère Mi, tu as raison. Parfois des figurent émergent, parce que nos sociétés ont besoin de symboles. Et ce n'est blâmable que quand leur contexte et leur histoire sont oubliés : c'est alors la pipolisation. A la fin des années 80, quand on se battait contre l'Apartheid, Mandela a permis de donner un visage et une voix à ce combat, et de mobiliser largement. Je suis rentré, moi, dans ce combat par la porte Mandela. Mais Mandela n'en a jamais été l'objet unique. Comme Aung San Suu Kyi symbolise aujourd'hui la résistance en Birmanie. Guy Môquet ou Huynh Khong An ne sont pas la résistance à eux seuls, ils en sont de belles figures, émouvantes. Puissent-elles permettre la réappropriation de l'histoire par chacun...
Il faudrait aussi rendre hommage à cet agent du fisc qui a adressé une lettre poignant à Bernard Laporte.
Ok, je sors!
;-)
Ta proposition est des plus judicieuses et aussi très actuelle.
Il importe aussi au professeur d'histoire de donner un sens au passé quitte à biaiser quelques tracés académiques pour mieux faire resortir l'importances d'autres points d'hier et d'aujourd'hui. Car même si les séquences historiques ne se répêtent pas, même s'il faut les enraciner dans leur contexte, dans la complexité de leur contexte touchant l'ensemble des activités et des représentations d'alors, il est pertinent de retrouver des similitudes, des expressions, des dynamiques... Il y a aussi dans l'histoire de l'universel auquel sont attachés bon nombre d'antrhopologues et de sociologues.
Enfin tout ça pour dire : bravo !
Un très bon article. :-)
Oh pi y'a une photo maintenant, t'es cré cré zoli Fiso, hi hi !
#^L^#
Céleste,
Non, non, ne t'inquiète pas, la photo n'est là que depuis 3 jours :) Juste une apparition temporaire pour témoigner que je suis un être de chair et de sang ;)
Arno & Mère Mi,
D'accord à 100 % ! J'insiste pour que Mère Mi continue à appeler ses 3 mômes "ses chères têtes blondes" ! Et puis, combien d'hommes et femmes morts en silence, pour la même cause ?
Lhuna / Angélique,
Merci :)
Eric,
Tu traînes trop à la Comète, mon garçon .. euh, quoique non, maintenant que j'y réfléchis, c'est du Filaplomb tout craché, ça !
Alex,
Impossible de poster un com chez toi :(
Pourtant j'ai beaucoup aimé tes deux derniers billets ... Ca me dit que mon site n'est pas valide !!!
Je réessaie demain !
Pas de problème. Je continuerai à appeler mes 3 mômes " mes chères têtes blondes" et surtout si j'y suis encouragée. Je pensais que cela agaçait.
En attendant pour changer et faire dans la tendresse et l'émotion, sans tomber dans le pathos mais juste pour se faire plaisir, enfin peut être je vous ai dégoté un petit poême.
D'un "je t'aime" exhalé dans un souffle,
On s'émeut, s'interroge, frissonne
Et, comme réponse l'on donne
Avant qu'ils ne s'essoufflent,
Des balbutiements pathétiques
En retenant des mots magiques.
Par on ne sait qu'elle pudeur inavouée,
Le corps se cabre, sur la défensive,
Prêt à céder à la tendre invite,
Tandis que des mains expertes
S'aventurent trop vite
Dans des crissements de chair froissée.
Les lèvres se tendent, les yeux s'embuent,
C'est la ronde des caresses
On s'enlace, on s'embrasse,
On s'étreint et on s'empresse,
Les sens se mettent à nu,
Dans une rêverie émue.
L'effeuillage se précise, osé et habile,
Et, dans une candeur bafouée
De la fleur ouverte force le tendre pistil
Qui s'ouvre doucement,
Palpite et tressaille
Dans des chuchotis indécents.
Il n'est plus temps de retenir,
Les gestes fous liés au désir
Et dans le plaisir qui s'enfièvre et monte
Les corps s'arqueboutent et se rendent
Au ballet de l'amour
Dans des gémissements sourds.
Tendresse pour une mère mi
qui écrit de doux poèmes
Tendresse pour sa fille qui sourit
Beauté des échanges mère /fille
Continuez , belles dames .... et merci .
Vic,
Tu as tout lu ?
Vic,
Merci pour ce tendre message.
Rien nous dit par contre que je suis l'auteur de ce poême. Pourquoi cette idée ?
Nicolas,
Tu t'es lassé avant la fin ? Pas bien.
avec tout ça, je ne l'ai toujours pas lu cette fameuse lettre !!! Même pas honte ..
Où nous as-tu donc dégoté ce poème, Mère Mi ? Il est très beau, d'un érotisme subtil, qui cherche à se retenir sans le pouvoir vraiment, féminin au possible. Il joue et danse sur les bords, sur les tranches, et franchit avec grâce la vérité de l'amour. Si tu n'en es pas l'auteure, je vois derrière ces vers une certaine sensibilité familiale. je me trompe ? Je vois aussi une belle promesse. Avez-vous entendue parler ces jours-ci celle qui fut la petite amie de Guy Môquet du simple "patin" qu'elle lui avait promis sans avoir jamis eu le temps de le lui offrir vraiment ? Bises à toutes. Oh!91
C'est si joli même si ça relate un fait aussi triste...
Oh mère mi en effet j'ai cru ! mais à relire je vois bien " je vous ai dégoté un petit poème " et non " je vous ai écrit " !
Vic,
Mère Mi n'a ni confirmé ni nié ;)
Oh Oh 91.............
L'analyse que tu fais de ce poème est assez juste et démontre assez bien, en substance, le caractère de la personne qui en est l'auteure. Oser, pas oser tout est là. Tu es un fin psychologue on dirait, oui ce poème sent la féminitude.
Pour répondre à ta question, j'ai dégoté ce poème en rangeant des tiroirs, je l'avais complètement oublié d'ailleurs.
Vic, ma réponse te convient ?
Oui mère Mi .... très sympa .bonne semaine .
Mère Mi,
Ce poème méritait mieux qu'un fon d de tiroir ...
Si tu en as d'autres, transmets les moi, je leur donnerai la place qu'ils méritent sur cet espace.
(Je me suis permise d'ajouter un "D" manquant à ton poème)
Merci pour ce billet, Fiso, il est émouvant et justifié. Combien d'autres restent dans l'ombre alors que nous leur devons tant à tous !
Quant à Mère Mi ce n'est pas un poème, c'est un chef d'oeuvre. Ne pas laisser dans l'ombre non plus !
Bises.
Euh... enfin je te "vois"...
Merci Rony. Je suis très sensible à ce compliment et à tes commentaires de manière générale.
Maintenant que j'ai plus de temps je vais peut être me lancer, à voir. Il faut s'occuper, ne pas être désoeuvrée, en tout cas, c'est ce que je veux éviter. Mais comme je suis une boulimique de tout, cela devrait aller.
A bientôt.
Et un hommage de plus. Guy Môquet fait des émules c'est bien, peut être un peu moins pour celui qui en a été l'instigateur. Je ne peux m'empêcher de vous livrer ce texte d'une jeune expulsée de 17 ans et demie, texte glané sur Télérama. Ce n'est pas encore le passé, cela va le devenir. Condamnons ensemble toute cette souffrance que nous ne maîtrisons pas.
Mes chers parents, mon petit Malik adoré, mon père aimé, je vais partir ! Ce que je vous demande c'est d'être courageux. Je le suis et je veux l'être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j'aurais voulu rester. Mais ce que je souhaite de tout mon coeur, c'est que mon renvoi serve à quelque chose. Je n'ai pas eu le temps d'embrasser Vera. J'ai embrassé mes deux frères. J'espère que toutes mes affaires pourront servir à Fathia, qui je l'escompte sera fière de les porter un jour. A toi mon père, si je t'ai fait, ainsi qu'à ma mère, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j'ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m'as tracée. Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j'aime beaucoup. Qu'il étudie bien pour être plus tard un homme. 17 ans et demi, ma présence a été courte, je n'ai que des regrets en vous quittant tous. Je vais partir avec Kokoe, Roussoudane, Salko, Sabina...Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c'est d'être courageuse et de surmonter ta peine. Je ne peux en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi, maman, Malik, papa, en vous embrassant de tout mon coeur d'enfant. Courage ! Votre Driana qui vous aime. Dernières pensées : vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les vingt sept qui allons partir !
Je me demande si mon com n'est pas passé à l'as. C'est juste un petit rappel au cas où !
Mère Mi, il est pas passé à l'as. On l'a lu ensemble, Fiso et moi, grâce à ce privilège que j'ai eu à passer le WE avec elle, dans mon antre de lointaine banlieue. Et on s'est dit comme toi : l'actualité de l'inhumanité ! Un lettre écrite au plus profond de l'horreur il y a 66 ans, qui appliquée aux raffles d'aujourd'hui reste, avec des mots inchangés, comme écrite hier... Sauf qu'aujourd'hui, c'est plus dur de dire "on ne savait pas". Et comme ça se passe chaque jours, à deux pas de nos fenêtres, on se dit qu'on a une sacrée responsabilité à agir pour dénoncer et arrêter ça ! Mère Mi : elle est en or, ta fille ! Bises; OH!91
J'adhère complètement à ce que tu affirmes dans ta dernière phrase. Mieux que ça, cela me fait un bien fou de me dire que finalement "j'y suis un peu pour quelque chose". Ah ces mères, elles ont du mal faire profil bas quand on parle de leur progéniture. Comme dans ces cas là je suis intarissable, avant que l'on me censure, je vais le faire moi même. Cela évitera que l'on fasse allusion à ma langue bien pendue. Là aussi j'adhère. A l'école, au cours préparatoire on me scotchait la bouche pour que je ne parle pas.
Bonne soirée OH et à bientôt.