NDLR : Ce billet interessera plus particulièrement ma famille et les gosses de militaires avec lesquels j'ai grandi mais aussi, peut-être, d'anciens bidasses qui ont souffert dans les baraquements de la Petite Sibérie, comme on l'appelait alors, et qui tomberaient sur ce billet en faisant des recherches, comme je le constate parfois dans la liste des mots-clés amenant le visiteur jusqu'à 2yeux2oreilles.
Première journée de mon trip à la Thelma et Louise avec Boug´: 2200 kms entre Paris et Rimnicu Valcea, au pied des Carpates roumaines, où nous attend Dana, en passant par Münsingen, la ville du Jura souabe dans laquelle j'ai grandi, et Budapest où nous profiterons de l´appartement d´Igor, mon ami hongrois.
Münsingen ... je n'y étais pas revenue depuis 24 ans et je n'aurais pas pensé que ce serait avec Boug' que je retournerais sur les traces de mon enfance. Au fur et à mesure que nous approchions de la frontière, les noms des villes prenaient une sonorité familière. Baden-Baden, Rastatt, Pforzheim puis Stuttgart, la ville de Porsche, ou incrédules, nous nous sommes pris un déluge de grêle sur la tronche. "Tu m'as dit de prendre des tee-shirts parce qu'il pouvait faire beau... c'est des pulls et une doudoune qu'on va aller acheter, oui !" s'exclame Boug', hilare.
Je bluffe : "Tu vas voir, il fera beau, chez moi !"
En quittant Stuttgart, je retrouve la végétation aux couleurs magnifiques qui bordent l'autouroute, sillonnées par de puissantes berlines et autres Porsche. Tout le monde roule très vite et pourtant la circulation est parfaitement fluide. Engaillardie par la vitesse à laquelle je suis régulièrement dépassée, j'ose enfin un timide 150. Putain que c'est bon !
Peu avant Stuttgart, nous prenons à droite la direction de Metzingen, ville connue pour ses nombreux magasins d'usine, que nous traversons avant de rejoindre Bad Urach. Ahhhh ! Bad Urach ! Les souvenirs, que je m'empresse de raconter à Boug', remontent à ma mémoire : la patinoire à ciel ouvert, sur la piste de laquelle j'évoluais pendant des heures avec mon père et mon frère, profitant du passage de la machine d'entretien pour dévorer un hot-dog que je vomissais immanquablement, sur le chemin du retour, dans un des virages de la montée d'Urach. Et justement, à la sortie de la ville, nous attaquons ces fameux virages qui me remplissaient d'appréhension quand j'étais enfant. A droite, en contrebas, le joli ruisseau l'Erms dévale les pierres et la campagne allemande rayonne de beauté sous la lumière du soleil. Car oui, il fait maintenant un soleil radieux et je jubile en silence.
Enfin nous apercevons le panneau qui annonce notre première halte : Münsingen. Nous prenons à gauche vers le centre-ville et la Marktplatz ou se trouve une magnifique fontaine de pierre et l'hôtel Hermann, une imposante batisse de pierre à colombages. Cette place, je la connais bien, et le magasin de jouets à l'angle, tout proche, m'est familier aussi.
Nous posons nos valises et ressortons aussitôt, pressées de nous dégourdir un peu les jambes après 6 heures passées en voiture. J'ai en poche l'adresse de l'ex-femme du parrain de ma petite soeur, née ici. Boug' met son TomTom en mode piéton et nous remontons la rue principale de la ville. Après une centaine de mètres, sur la gauche, je déchiffre une pancarte "Schwimmhalle". Et là, dans un renfoncement, la piscine de mon enfance, celle oü, au milieu de mamies coiffées de bonnets avec de grosses fleurs en plastique, j'ai appris à nager ! Boug' réfrène un sourire amusé devant les cris de la gamine que je redeviens sous ses yeux.
20 minutes plus tard, assaillies par une nouvelle chute de neige, nous sonnons à la porte d'une jolie maison de la Gustav Schwab Straße (hé hé je me la pète avec les caractères allemands de mon clavier mais pour l'accentuation francaise c'est une autre histoire, d'ailleurs je ne trouve plus la combinaison numérique pour faire le C cédille alors tant pis, je corrigerai une fois rentrée).
Une jeune fille m'ouvre la porte et me dévisage d'un air soupconneux quand je demande, en anglais, si Beate est là. Je pense avoir affaire à une des locataires de la maison. "Elle n'est pas là. Qui êtes-vous?" "Je suis francaise, je viens de Paris, je suis une amie de Beate". Elle demande mon nom et quand je le lui donne son visage change immédiatement. "Ah ! Vous êtes la soeur de M. !2 s'écrie-t-elle en nous faisant entrer. Il était temps, on se pelait le cul dehors et Boug' a le nez tout rouge.
Nous montons à l'étage et la jeune fille se présente : c'est Anita, la fille de Beate que je ne connais pas puisqu'elle est née après mon départ. Sa mère, récemment remariée est à Freiburg et doit rentrer ici demain. Je lui montre des photos de ma famille et de ma petite soeur qui est la dernière à être venue ici, il y a 15 ans déjà, d'après les souvenirs d'Anita. Un peu plus tard, son frère, un beau garcon de 19 ans monte nous rejoindre. Nous discutons longtemps et Anita appelle sa mère qui est visiblement ravie de me savoir là et me donne rendez-vous le lendemain à 14h. "Je ferai du café et un gâteau" me dit-elle dans un francais impeccable.
Vers 19h, Anita nous emmène d'un coup de voiture jusqu'à un restaurant typique recommandé par son jeune frère. Tout m'est familier : la rue principale ou des maisons modernes ont remplacé les fermes grisatres devant lesquelles s'élevaient alors des tas de fumier et puis, un peu plus loin, sur la gauche, des barrières de bois qui encadrent une montée et un panneau signalant une impasse. "C'est là ! C'est là que j'habitais, là-haut !". Le château majestueux se dresse toujours dans le parc mais le colonel de l'armée francaise n'en occupe plus les lieux depuis belle lurette. C'est là qu'à Pâques, des nuées de gamins s'élancaient à la recherche d'oeufs en chocolat. Anita tourne encore à gauche et nous dépose devant le Gasthaus Schützen, juste en face de l'entrée de l'ancien camp militaire.
Devant une bonne pinte de bière, nous tentons de déchiffrer le menu. La serveuse nous aide en mimant des cris d'animaux. Ce sera donc un Schwapentöpfle et un Schwabischscher Zwiebelrostbraten, respectivement du porc et du boeuf, servies avec un bol de tendres spätzle.
Dans la salle des familles sont attablées devant leur chope de bière et des petties filles gambadent. Au moment de l'addition, moment de panique . aucune de nos cartes de crédit n'est acceptée et la serveuse m'emmène en voiture jusqu'à la Volksbank la plus proche. En route, j'apprends que Maria est russe et vit à Münsingen depuis 12 ans. J'essaie de lui expliquer d'ou je viens et pourquoi je suis là.
Un peu plus tard, Boug' et moi avalons dans la nuit noire - et un peu glacée - et sans croiser qui que ce soit, les 3 kilomètres qui nous ramènent jusqu'aux moelleux édredons de l'hôtel Hermann. Demain, nous irons à Bad Urach.
Commentaires
Eh ben ca en fait des souvenirs. Tu te souviens certainement plus mais on allé à la schwimmhalle dans un vieux bus militaire et c'était d'ailleurs des militaires qui nous encadraient souvent. Et l'un de ces "prof" de natation était mon père avec sa manie de nous jeter du grand plongeoir pour nous prouver que ca "ne faisait pas mal". Ah que de souvenirs.
Elle réfrène un sourire et moi une petite larme, je sais même pas pourquoi : )
A très vite, et si jamais vous croisez Brad Pitt, vous avez le droit de l'embarquer !
Je vais vous suivre à la trace grâce aux petits cailloux blancs que tu vas semer au fil des jours sur ce blog. J'aime beaucoup cette idée, ainsi que celle de faire "d'une pierre deux coups" en vous embrassant toutes les deux (très minéral ce com ;)).
N'oublie pas les curry wurst !!! mit pom frit. Quand j'y suis retournee moi j'en ai trouvé apres le feu du camp allemand apres la piscine, a droite, tu fais comme si tu descend la rue qui t'amene au centre, et juste au croisement avec la patte d'oie y'a un gasthaus qui en faisait...... Bon appetit.
Moi, ça commence déjà à m'émouvoir. Zut, qu'est-ce que la suite va donner ?
Bah oui, c'est émouvant dites donc ! Et puis j'adore les road movies.
Profitez !
Des bises
B
Tu parles en anglais chez les teutons ?
Je te croyais polyglotte, surtout en ayant vécu dans le coin !
Mais ce n'était probablement pas encore l'âge de te mettre aux langues vivantes ;)
Oui c'est toujours émouvant de remettre les pieds dans le passé et comparer les images du présent avec celles gravées dans nos souvenirs.
Il arrive que certaines ne changent pas ...
Pour le moment j'arrive à vous suivre sur Google Maps; malgré les trémas !
J'ai remarqué que les routes perdaient en densité en allant vers l'est ... surtout les grands axes.
N'oubliez pas votre GPS sur un coin de comptoir ;)
Bisous les routardes.
Olivier,
Non en effet, pas de souvenirs de bus militaire mais de ton père, oui, bien sûr. Et aussi du maître nageur allemand de la piscine mais impossible de vérifier s'il y travaille encore, la piscine n'était pas ouverte au public à des heures accesssibles pour moi.
La visite continue, Olivier ... ;)
Dana,
Les souvenirs d'enfance, qu'ils soient les notres ou non, nous touchent toujours et réveillent l'enfant que nous avons tous été.
Pour Brad Pit, niet, j'ai dit "vacances entre filles" ! ;)
P_o_L,
Ca fait plaisir de te lire du fond de mon lit à Salzburg, ce soir. La Boug' dort depuis plusieurs heures déjà et moi ... je blogue pendant que mes souvenirs sont vivaces ...
Nathalie,
Ah toi, fidèle au RDV ma vieille copine ! J'ai pris ton ba^timent en photo, spéciale dédicace ! Et beaucoup pensé à vous tous !
Pour la curry wurst, c'est raté mais je me suis tapé des spatzle à chaque repas ! :p
Mamz'elle Gigi,
Si tu as déjà lu les billets suivants, tu dois avoir le nez qui coule à ce stade.
La suite du voyage devrait être lacrymalement moins éprouvante ... quoique ... ?
Petite française,
Rhô la la ! Si tu savais comment elle a chialé la Fiso !
Philo,
Ben non, c'est typique des gosses de militaires, ça, on grandit dans un pays étranger, certes, mais dans un milieu totalement français ! Et moi au lycée, j'ai choisi anglais et espagnol. Mais tu sais quoi ? C'est décidé, je me mets à l'allemand !
Sympa de nous suivre sur Google maps ! Bisous aussi ! Tu veilles sur nous, hein ?
mais c'est ça elle dort, qu'elle croit, fais juste semblant ;-)
J'attendais votre retour pour avoir des nouvelles
Mais oh surprise, des billets des deux belles
Je vais m'empresser de vous lire et en attendant
profitez, vivez, consommez allègrement !
Joli récit, je vous suis pas à pas et tes descriptions font revivre des souvenirs chez moi. Et oui j 'ai également vécu quelques années en Allemagne, également fille de militaire. C'était à Trèves. Il y a bien longtemps. J'ai pu y retourner une fois et tout avait beaucoup changé.
Bises de la Chriss sur son île de la Réunion
Multi-Sourires,
Ca, pour profiter, on profite ! :)
Chriss,
Le monde est petit, n'est-ce-pas ?
Je suis allée plusieurs fois à Trèves, bien sûr, et aussi à Stetten, Tubingen, Reutlingen que tu connais sans doute ?
Nous avons quelques points communs, décidément, Chriss et sans doute de quoi alimenter quelques heures de conversation autour d'un café lorsque tu passeras par Paris (ou si je reviens à La Réunion, vas savoir ?)
PS : Une bise de mes deux copines qui sont en train de fumer leur clope ;)
Es ist sehr schön aber der Schnee und die Geschwindigkeit... hm. Si je suis avec vous, je fais ma crise de vitesse de 150 km/h. J'espère tu ne pensais pas à moi quand tu cites cette phrase : "Tu vas voir, il fera beau, chez moi !" car je te l'ai dit mais moi, je parlais de la Hongrie, hein...
Souvenirs, souvenirs... c'est beau ça !