Pourquoi étais-je terriblement troublée en ta présence, c'est la question que j'ai retourné plusieurs jours dans ma tête. Certes tu avais sa taille et te tenais comme lui, mais il y avait autre chose, une sorte de flash douloureux, qui me perturbait régulièrement. Et puis un jour, alors que ton regard, aussi noir et intense que le sien, me dévorait, visiblement subjugué, je me suis réchauffée à cette caresse si délicieuse. Et la morsure est arrivée très vite, et je me suis souvenue. Votre point commun a jailli comme une évidence.
Mais tu n'es pas lui; tu as bien un cerveau à la place du cerveau, et l'expérience m'a rendue lucide, sinon sage. L'attirance désormais expliquée a rapidement laissé la place à une énorme tendresse.
Il y a quelques jours, j'ai lu la poignante "Lettre d'une inconnue" de Stefan Zweig, et je vous ai reconnus :
" Tu m'as pénétrée de ce regard chaud, tendre et enveloppant qui était comme une caresse, tu m'as souri. (...) Ce n'est que plus tard, peu de temps après à vrai dire, que j'ai réalisé que tu posais ce regard sur chaque femme, cette étreinte qui les attirait à toi, ce regard qui enveloppe en même temps qu'il dénude, ce regard du séducteur-né.
Tu posais ce regard sur chaque femme qui te frôlait, sur chaque demoiselle de boutique qui te vendait quelque chose, sur chaque femme de chambre qui t'ouvrait la porte. J'ai réalisé que tu n'avais pas conscience de ce regard, qu'il ne procédait ni d'une volonté, ni d'une inclination : c'est ta tendresse envers les femmes qui adoucit et réchauffe tout à fait inconsciemment ton regard lorsqu'il se pose sur elles. Mais moi, (...) je ne le soupçonnais pas : c'est comme si j'avais plongé dans un brasier. J'ai cru que cette caresse n'était destinée qu'à moi, à moi seule, et, à cet instant, la femme qui sommeillait en moi, alors adolescente, s'est réveillée et cette femme est tombée sous ton emprise à tout jamais."
chagrin d'amour
-
Séducteur-né