Faut croire que les avions et moi, c'est une histoire d'amour qui dure depuis toujours. La première fois que j'en ai pris un, j'étais encore au chaud dans le ventre de ma mère et on s'envolait ensemble sur une île du Pacifique qu'on appelle "le caillou". Au retour en France, quelques années plus tard, je passais les quelques 20h de vol à gambader dans les jambes de l'équipage, gavée de bonbons.
Et puis, quand j'avais à peine la vingtaine, je dégotai mon premier job dans un aéroport. Pendant près de 10 ans, j'allais vivre au milieu de ces oiseaux de métal, porter un uniforme et arpenter les couloirs des aéroports jour et nuit. J'ai d'abord envié les passagers, rêvé devant les panneaux d'affichage qui me parlaient d'exotisme et de contrées lointaines. Senti les larmes monter en assistant aux adieux déchirants d'amoureux enlacés et souri aux youyous méditerranéens qui emplissait le hall de l'aéroport de joyeuse chaleur. Récupéré des touristes en perdition que j'accompagnai jusqu'à leur hôtel.
C'est en Irlande que je réalisai enfin mon rêve de gosse : être hôtesse de l'air. Dans mon tailleur vert à boutons dorés, chignon banane et maquillage soigné, j'exercais enfin à loisir ce besoin que j'avais et ignorais : réconforter et sécuriser. Je découvrai aussi un certain plaisir à exercer mon autorité et à être le point de mire.
Après les premières semaines ou mon corps se couvrait de bleus à force de se cogner au mobilier hostile de l'avion, je gagnai en équilibre. J'en connaissais les moindres bruits et me sangler sur mon jumpseat pour le décollage était devenu aussi banal que monter dans un bus. Mais chaque montée dans l'avion, mise en route des moteurs, prise de micro pour souhaiter la bienvenue à bord, fermeture des portes pour décoller était un moment excitant.
Il y a les passagers qui se forcent poliment, avec un sourire gêné, à regarder la démo de sécurité en pensant "la pauvre, elle doit se sentir tellement bête" (je sais, ça m'arrivait avant). Les hommes d'affaire qui attendent juste que vous leur tourniez le dos pour vous reluquer à loisir. Les idiot(e)s qui font sauter bébé sur leurs genous à l'atterrissage, ceux-là je les engueulais sévère.
Je me souviens de plusieurs de "mes" passagers. Je passai souvent la fin du vol à griffonner des adresses à Paris pour les Irlandais et en Irlande pour les Français. Je revois cet humanitaire Irlandais, presque intégralement plâtré, qui embarqua sur mon vol, totalement paniqué, seul rescapé d'un crash en Afrique. J'eus pour lui la tendresse d'une mère pour un nouveau-né, il paraissait tellement vulnérable !
Et cette jeune française, honteuse, que la police accompagna à bord. Paniquée à l'idée de prendre l'avion, elle avait bu pour noyer sa peur et venait de passer quelques heures en cellule de dégrisement à Roissy. Elle pleura pendant tout le vol.
Des moments de bonheur, aussi. Le choc de me retrouver face à une de mes idoles, Nina Simone. Inoubliable. Les échanges passionnants avec un charmant passager blond, somme toute quelconque jusqu'à ce que je le reconnaisse dans un magazine: Eric-Emmanuel Schmitt. La joie d'accueillir à bord famille ou amis : ma mère, gonflée de fierté, qui eut les larmes aux yeux en entendant ma voix résonner dans la carlingue. La rigolade avec les copines quand on s'amusait, en phase de descente, à faire traverser l'avion à des grains de raisin jusque dans le cockpit, sous les yeux de passagers ébahis.
Et puis Paul Newman, Mylène Farmer et d'autres.
Des souvenirs moins glamour aussi, comme ce vol Dublin-Londres ou secouée par de violents trous d'air, je me retrouvais par terre, sonnée. Un passager dévoué me souleva de terre et m'assit à côté de lui. Le PDG de la compagnie et quelques autres vomirent leur petit déjeuner à l'atterrissage. J'ai pu tester mon sang-frois à plusieurs reprises.
En 2001, j'eus les larmes aux yeux en apprenant qu'un avion de mon ex-compagnie s'était écrasé sur les tours du World Trade Center. Je pensai aux passagers, bien sûr, mais aussi à tous ces stews et hôtesses que j'avais croisés et qui avaient dû masquer leur terreur jusqu'au bout, alors qu'ils savaient qu'ils ne reverraient jamais les leurs. Et puis, je pensais à mes potes qui devaient faire face aux appels. Plusieurs jours de cauchemars, pour eux. Depuis que j'ai quitté ce monde magique, je n'ai qu'une envie, y revenir (mais pas dans les airs). Les aéroports et les avions me manquent.
Alors ce soir, à quelques heures d'embarquer sur le vol de mon ex-compagnie avec Mexico en destination finale, je me réjouis déjà. Dans les airs, je me sens comme un poisson dans l'eau. Un poisson volant, tiens !
Commentaires
Le caisson à l'air ?
je t'envie d'aimer prendre l'avion... dans mes voyages, c'est la phase que je déteste le plus^^
d'abord bon voyage Fiso!
ravie pour toi;
moi en avion je suis la passagère qui pour ne pas avoir peur prend des gouttes et dort d'un sommeil quasi comateux...
dans le moments de panique je regarde désespérément les hotesses à l'affut du moindre signe d'inquiétude...
j'aurais bien aimé faire un voyage avec toi, je suis sûre que tu m'aurais rassurée.
enfin je voyage quand même
J'ai un excellent truc pour ne pas avoir peur en avion : me moquer de mes voisins qui ont peur et jouer au fier.
L'avion, l'avion, ça fait lever les yeux...
Bon, je sors.
Mais avant tout, je voudrais souhaiter à ma chouchoute de joyeuses vacances, dont acte : BONNES VACANCES.
Dre que j'ai une trouille viscérale en prenant l'avion, NON.
Dire que je ne pense pas à un probable accident au moment du décollage, à l'atterrissage et quelque fois, mais fugacement quand j'ai "les fesses en l'air" c'est à dire pendant le voyage serait faux.
Par contre, c'est comme en voiture, pas moyen de me laisser aller, je suis sur le qui vive et ne peux pas dormir du tout. Quand le voyage dure 32 heures c'est pas peu dire. Mais cela passe vite. Je me demande qui sont les gens qui voyagent comme moi, tout en les observant, regarde avec attendrissement le balai des hôtesses (même avant d'en avoir une dans la famille), et anticipe sur ce qui va se passer arrivée à destination.
Là c'est + délicat. 2 têtes blondes partent au Mexique, je regarderais avec + d'attention les infos.
Au fait Fiso, City Jet recrute.
J'ai découvert l'avion très tard, pour des raisons biographiques mais je me suis rendu compte que j'adore ça !
Moi qui ai le vertige rien qu'à grimper sur une chaise, voilà que je me sens super heureux, ébahi, ébloui par notre terre vue de là-haut.
C'est simple, je regrette toujours de devoir revenir au sol !
[Mexicoooooo mexi mexicooooooooo bonnes vancances ! :-))) ].
Quel beau vol à lire cette note, j'ai pris de l'altitude avec toi. Je te souhaite de nouveau un beau voyage, de belles vacances.
Bonnes vacances Fiso ! A bientôt de voir les photos
du Mexique !
snif ! ça va être long, mais ça va être de belles vacances, je t'envie toi et le frérot. J'aurais aimé être votre hôtesse de l'air, tiens ! Je vais me consoler comme je peux sur mon blog... (lol)
Bon voyage.
Et voilà... en venant voir celle qui était supposée venir se consoler chez moi, je tombe sur cette note.
Qui dit que tu pars... loin...
Alors Bon vol, bonnes vacances et reviens vite...
A part ça, j'ai moi même travaillé au contact des avions. pendant des années. Je comprends ce que tu dis quand tu parles de ces oiseaux de fer.... je suis toujours resté au sol. Mais j'adore cette ambiance.... j'en ai parlé d'ailleurs... non je ne fais pas de pub...
et je ne vais pas monopoliser les comms... c'est juste que me parler d'avions.. c'est..... waouhhhhh.....
Merci... Have a nice flight
Souvenir surréaliste de vol : Le Karachi - Peshawar par une petite compagnie Pakistanaise... Prière au décollage, prière avant l'atterrissage, la "bienvenue a 5 passagers Français" (en Français dans le texte par le commandant de bord) et les "Inch Allah nous atterrirons" et "Inch Allah le vol se passera bien", le journal posé sur les sièges parlant du Boeing américain s'étant crashé en mer (celui qui emporta entre autre Marcel Dadi), et SURTOUT : deux chèvres et quelques poulets dans des cages... Surréaliste je dis...
Mexico, Mexiiiiiiiiiicooooooooo! Fais bon voyage!! ;)
J'adore aussi prendre l'avion, plus qu'une vingtaine de jours.