Aujourd'hui nous conduisons jusqu'à la ville de Băile Olăneşti, une station thermale où nombre de curistes viennent soigner leurs pathologies et se promènent dans les rues de la ville, bidon en plastique à la main.
Le principal but de notre virée, cependant, n'est pas tant les vertus thermales de Băile Olăneşti que la magnifique propriété qui se dresse au milieu de la forêt, au-dessus du sanatorium.
Là se trouve, en effet, la dernière propriété que s'est offerte le couple Ceauşescu. Dana nous apprend qu'en parfait mégalo, Ceauşescu s'est fait construire des dizaines de propriétés à travers le pays, dans lesquelles il ne séjournait jamais. Et de fait, nous jouissons ce matin d'un privilège qu'il n'aura pas connu; le palais de Băile Olăneşti devait être son cadeau de Noël 1989, offert par Elena, dont ni l'un ni l'autre ne purent profiter puisqu'ils furent justement fusillés le jour de Noël.
Nous garons la voiture sur le parking juste avant le portail de bois et faisons quelques pas jusqu'à une guérite où un gardien nous apprend que l'accès au palais est interdit. Nous nous résignons à rebrousser chemin quand Dana, faisant jouer ses relations, nous obtient l'entrée du parc et même la visite guidée du palais. Sur le perron, une jeune femme souriante nous accueille et nous fait pénétrer dans l'entrée principale. Boug' et moi sommes très excitées de visiter un tel endroit mais aussi très frustrées car les photos sont interdites.
Chaque pièce est habillée d'essences de bois différentes que l'on retrouve sur les boiseries et les parquets marquetés. Des tapis entièrement tissés à la main, dont le motif reprend à l'identique les moulures du plafond, auxquels sont suspendus d'énormes lustres de cristal amenés de Bucarest, recouvrent chaque sol. Le hall d'entrée, relativement sobre en comparaison des autres pièces, est ainsi orné d'un immense tapis de 46 mètres carrés, entièrement tissé à la main.
Notre guide nous entraîne au sous-sol et nous invite à admirer la pièce entièrement recouverte de mosaïque et abritant une piscine chauffée à 37°C, tout comme le carrelage qui l'entoure. Une rampe en cuivre descend dans le bassin. Dans une salle contiguë, un sauna et un bain à remous sur un sol en céramique blanche et bleue, avec dressing dans lequel est installé un chauffe-peignoirs. Nous pouvons constater que la légende qui prétendait que toute la robinetterie des demeures de Ceauşescu étaient en or massif est totalement usurpée.
Quelques mètres plus loin, après avoir traversé la salle de billard, nous entrons dans la salle de cinéma. Une pièce toute tendue de velours vert et drapée de tentures magnifiques, brodées par les religieuses du monastère de Tismana, que nous avons visité la veille. Les murs sont recouverts de boiseries nobles comme dans chaque pièce du palais.
Au pied de l'escalier de chêne massif aux rampes en acajou se trouve une fontaine en porcelaine blanche éclairée par un jeu de lumières sur une mosaïque en verre de Murano, oeuvre d'un artiste roumain.
L'escalier est éclairé de vitraux colorés sur 3 étages et réchauffés de radiateurs enfermés dans des coffrages en bois précieux. Nous visitons d'abord le premier étage où se trouvent les cabinets 1 et 2, respectivement celui de Nicolae et Elena Ceauşescu. Celui de l'ex dictateur, assez sobre, contient un pupitre destiné aux discours qu'il n'a plus eu l'occasion de tenir. Les fauteuils sont recouverts de toile beige et une magnifique cheminée en marbre de Carrare trône. Le cabinet de Madame est entièrement décoré de bois de cerisier et agrémenté d'un tableau de Corneliu Baba. Chaque pièce est décorée d'un tableau unique.
De l'autre côté du vestibule se trouve le salon puis la salle à manger, aux boiseries en racine de rosier et innombrables lustres de cristal, donnant sur une terrasse en marbre.
Notre guide nous invite à découvrir, à présent, les 3 appartements de l'étage supérieur. Le palier du dernier étage de cette demeure est entièrement décoré d'arcades en bois reprenant un style typiquement roumain instauré par le prince Brancoveanu et que l'on retrouve dans les monastères et les anciennes maisons roumaines.
Tout d'abord, la chambre d'hôtes : un lit imense posé dans une alcôve à baldaquins. De chaque côté, des niches donnent à admirer de magnifiques assiettes délicatement peintes.
La pièce suivante est la salle de bains. La niche au-dessus de la baignoire est elle aussi recouverte d'une sublime mosaïque représentant deux nymphes. Devant l'étonnement de Boug' face à la très petite taille de la baignoire, comparé aux surfaces démesurées que nous parcourons, notre guide explique que le couple Ceauşescu craignait l'eau, ce qui explique également le peu de profondeur de la piscine qui n'excède pas 1m40.
Nous voici à présent dans l'appartement de l'ex-dictateur, beaucoup moins impressionnante, finalement, que la chambre d'hôtes. Toujours les mêmes teintes beiges sur les lits et les tentures, le tapis est coloré de rose saumon et le dressing modeste. Là encore, la mosaïque de la salle de bains, dont les jaunes dorés sont obtenus par l'utilisation de feuilles d'or dans la fabrication du verre, est de toute beauté. Je demande à Dana d'expliquer à notre guide que nous avons un ami mosaïste à Paris qui serait ravi de voir de tels ouvrages.
Nous terminons la visite par l'appartement d'Elena Ceauşescu. La première pièce abrite une méridienne destiné aux deux chiens du couple,Corbu et Sharona. Dans la chambre d'Elena, le bois de cerisier qui orne les lits, valets, bureaux et chevets est entièrement marqueté du même motif en damiers. Le plafond a occupé pendant une semaine 7 personnes, à raison de douze heures par jour, pour réaliser un mètre carré de ce gypse sculpté. Elena refusa d'ailleurs leur travail à deux reprises avant d'accepter le troisième modèle, qu'elle voulait parfaitement conforme au motif des coffrages de bois.
La propriété et les jardins alentours sont parfaitement entretenus car s'il n'est pas ouvert au public, le dernier palais du couple Ceauşescu est régulièrement utilisé pour des réunions de membres du gouvernement.
En quittant cet endroit si paisible au milieu de la forêt, nous ne pouvons nous empêcher de nous réjouir que celui qui fit couler tant de sang sur le sol roumain n'ait jamais eu l'usufruit de cette propriété luxueuse.
Commentaires
Dommage de ne pouvoir faire trempette en galante compagnie dans une telle baignoire ! ;)
Et dommage pour le photos ...
Même sans photos, on perçoit le luxe de cette énième propriété d'un opresseur du peuple... Merci..
Philo,
La baignoire était petite, Philo, et pourvue de poignées qu'on peut apercevoir ici car le couple Ceauşescu avait très peur de l'eau. Alors y faire tenir ton corps svelte et celui d'une dame me semble difficile ;)
(Et puis, tu as déjà essayé dans une baignore ? c'est super casse-geule ! la douche, rien de tel !)
Charles,
Le billet peut sembler rasoir, sans les photos pour illustrer les descriptions.
Nous avons amèrement regretté de ne pouvoir en faire davantage.
Je l'ai surtout écrit pour mes souvenirs à relire avec Boug' en maison de retraite ;)
ça respire effectivement le grand luxe quand même, mais aussi les grosses dépenses, entre radiateur et systeme de chauffage pour la piscine je voudrais pas payer la note :)