Aujourd'hui, j'ai rendez-vous avec un de mes collègues de travail, roumain, le hasard ayant voulu qu'il séjourne en même temps que nous en Roumanie et à une centaine de kilomètres de Râmnicu Vâlcea. Lorsque j'avais annoncé à Petre que je retournais en Roumanie en avril, il s'était écrié « On doit se rencontrer là-bas ! ».
Rendez-vous est pris dimanche pour midi trente dans sa ville, Târgu Jiu. Celle-ci, nichée au bord du Jiu qui lui donne son nom, abrite trois œuvres érigées à ciel ouvert et offertes à la ville par Constantin Brâncuşi, célèbre sculpteur roumain et élève de Rodin qu'il aurait quitté en déclarant « Il ne pousse rien à l'ombre des grands arbres ».
Après un petit déjeuner ponctué des chants s'élevant de l'église qui se trouve de l'autre côté de l'avenue, nous prenons la route pour Targu Jiu sous un soleil magnifique (23°C au thermomètre). En chemin, nous visitons rapidement le monastère de Govora, un des préférés de Dana.
A Târgu Jiu, Petre nous attend au bord de la route, affublé de lunettes de soleil qui protègent ses yeux fatigués d'une nuit passée à faire la fête. Je saute de joie en l'apercevant et lorsque sa femme Daniela, que je ne connais pas, descend de voiture, nous achevons les présentations.
Petre propose que nous découvrions avec eux les œuvres de Brâncuşi qui s'étalent à travers la ville sur un axe ouest-est commençant sur les rives du Jiu, traversant le parc municipal, continuant sur l'Avenue des Héros pour se terminer dans le parc entourant la Colonne sans fin. Nous commençons la visite par ce monument (en vignette) de près de 30 mètres de haut que les chars allemands et russes auraient tenté, en vain, de détruire pendant la seconde guerre mondiale.
Nous rejoignons ensuite les rives du Jiu, traversé par un pont métallique « construit par les Français», où trône un ensemble de pierre, La Table du Silence, puis le parc municipal où nous suivons l'Allée des Chaises qui mène à la Porte du Baiser.
Petre prend presque plus de photos que nous, il s'en explique en faisant remarquer qu'il est devenu un touriste dans son propre pays. J'ai connu cette expérience aussi et nous convenons qu'on n'aime jamais mieux son pays que quand on en est éloigné.
Le parc, très fréquenté en ce dimanche, est agréable et parfaitement entretenu. La ville de Târgu Jiu toute entière est d'ailleurs d'une propreté exemplaire grâce à la vigilance du maire. Daniela nous apprend que son vrai prénom est Luminişa (un très joli prénom à prononcer Louminitsa et qui signifie «petite lumière») mais qu'elle a dû en changer parce que «c'était trop difficile pour les Français». Elle nous promène dans le centre-ville, très plaisant, pendant que Petre s'absente pour aller chercher sa belle-mère qui veut poursuivre la visite avec nous. Comme dans la plupart des villes roumaines, les maisons anciennes ont été détruites et remplacées par des barres d'immeubles. D'après Dana, on laisserait volontairement les immeubles se dégrader pour les racheter à bas prix.
Nous retrouvons Petre sur le parking. De la voiture sort une femme plantureuse aux cheveux rouges et au maquillage improbable. C'est Elisabeta, la maman de Luminişa, accompagnée de sa fille cadette. Après nous avoir embrassées comme du bon pain, elle me tend une bouteille de Coca-Cola de 2 litres, remplie d'un liquide jaunâtre. « C'est de la ţuika faite maison, pour toi» dit Petre, hilare. Nous éclatons tous de rire et Petre traduit ma réponse «Sophie ne boit jamais de Coca-Cola mais celui-là, elle va en boire !».
Il est près de 14 heures et Petre nous invite à déjeuner dans un restaurant traditionnel, le « Hanul Domnesc ». L'endroit est meublé de ce bois si chaleureux qu'on retrouve dans de nombreuses auberges roumaines et les pièces du restaurant décorées de costumes traditionnels, instruments de musiques, poteries et artisanat local. Des photos attestent de la splendeur du Târgu Jiu d'antan, avant les destructions.
Nous nous installons tous les 7 dans un patio fleuri. Comme souvent, la carte retrace l'histoire de l'auberge et regorge de légendes et anecdotes diverses sur les plats. Sur les conseils de Petre, je choisis un ragoût de bœuf servi dans un pot en céramique, Boug', un chou farci et Dana un plat, très goûteux, qui ressemble étrangement au rougail saucisses réunionnais. Le tout accompagné de l'incontournable mamaliga (polenta roumaine).
Le repas est très convivial et je m'amuse d'observer le sourire radieux de ma Boug' qui se fait tripoter la nuque et caresser les cheveux par Elisabeta qui la couvre de câlins. Lorsque nous ressortons du restaurant, Petre pointe du doigt des X5 BMW « Regarde, Sophie, ces pauvres Roumains : ici, une voiture à 70.000 €, là aussi. Il faut dire ça en France parce que tout le monde pense que nous n'avons rien à bouffer ici ». Pour preuve que les Roumains mangent, et bien, Luminişa se désole d'avoir pris 3 kilos en une semaine.
J'avais déjà senti à quel point les Roumains sont sensibles à l'image qu'on peut avoir de leur pays. Force est de reconnaître qu'en France, en tout cas, ce sont surtout des préjugés négatifs qui nous viennent en tête lorsqu'on évoque les Roumains et ceux qui vivent en France souffrent d'être assimilés aux gitans. Petre est fier comme Artaban de notre enthousiasme et Luminişa ne cesse de demander si nous aimons son pays. Je la rassure « Tu crois que je serais venue 2 fois en 6 mois si je n'avais pas aimé la Roumanie ? ».
Après ce festin, nous reprenons les voitures et suivons Petre jusqu'au monastère de Tismana, un des plus anciens de Roumanie, construit au 14èmesiècle. Nous entrons dans le monastère au moment où une messe s'y tient. L'église est bondée car les Roumains sont très croyants. Les élises orthodoxes sont très sombres et par conséquent très intimistes et les fidèles sont debout ou à genoux. De rares chaises sont réservées aux personnes ne pouvant pas rester debout. Je me glisse dans un coin, juste à côté d'une vieille religieuse enserrée dans sa longue tenue noire, coiffée d'une sorte de calot noir tenue par un foulard épais, noir lui aussi. Ses joues flasques et rebondies débordent du tissu et se découpent dans l'obscurité de la pièce. A tour de rôle, dans chaque coin de la pièce, des religieuses entonnent des chants liturgiques particulièrement reposants. Nous visitons le petit jardin fleuri et le cimetière où reposent les religieuses.
Après m'avoir invité à me désaltérer à une fontaine d'où s'écoule l'eau de la montagne, Petre nous emmène à sa source, près d'une grotte. Elisabeta et Boug' sont toujours collées l'une à l'autre, elles se sont bien trouvées visiblement, ces deux-là, et la barrière de la langue n'en est pas une. En remontant en voiture avec la carte postale que lui a offert Elisabeta, Boug' écrase une larme. Pour détendre l'atmosphère, je la charrie : « Hey, y'a pas de raison que je sois la seule à chialer ! »
La dernière étape de notre promenade ensemble se trouve dans le village d'Hobita, à 25 kms au nord de Târgu Jiu. C'est là que, derrière un portail en bois sculpté de toute beauté, nous découvrons la maison natale du sculpteur Brâncuşi. Au fond d'un jardin verdoyant, une vieille maison roumaine en bois est posée sur un socle de pierres blanches. La propriété a été conservée en l'état et se promener dans le jardin entre le puits et les cabanes attenantes est un voyage dans le temps très reposant.
Il est l'heure de se séparer et Elisabeta nous rebige comme du bon pain en nous demandant de revenir en Roumanie, chez elle. Petre et moi nous donnons rendez-vous à Paris et nous gratifie d'une invitation à venir dîner chez eux. Argument imparable, Luminişa sait faire les papanaşi et nous promet même la recette.
Sur le chemin du retour, nous stoppons une dernière fois pour acheter quelques céramiques au bord de la route. Le repas du soir est léger, bouillon et légumes, ça nous repose l'estomac . Nous nous couchons la tête pleine des sourires irrésistibles d'Elisabeta et de cette nouvelle journée riche en rencontres humaines inoubliables.
Commentaires
Bon Dieu ! T'as les nibards qui repoussent ? Reviens vite à la Comète !
Voyage émouvant ...
Je vais finir par investir dans une boîte de kleenex après l'Alka Selzer ! ;)
Bon, je constate que les choses ne s'arrangent guère car tu mesures la température avec un thermostat ...
Ou alors tu as dû goûter au contenu de la bouteille de coca cola qui doit être assez explosif ! ;)
Il est également bien difficile de ne pas s'émouvoir à la vue de tes ...
Enfin tes ...
Là, c'est carrément atomique !!! :p
De plus, j'ai eu la mauvaise idée de cliquer sur l'image ce qui fait que tout m'a pété aux lunettes !!
Je vais t'envoyer la facture ...
Bisous les filles et profitez bien de votre semaine !
Nicolas,
Tu sais quoi, en voyant la photo et mes deux promontoires, j'ai dit à Boug' :"P'tain j'en connais un qui va pas me louper sur ce coup-là !"
Après Philo, on attend plus que Tonnegrande et la boucle devrait être bouclée :p
PS : Ils servent de la tuika à la Comète ?
Philo,
Toi et Nico vous entendez comme larrons en foire sur ce coup-là ...
Le thermostat était une erreur je corrige dare-dare :)
Tes lunettes ont explosé et nous on a explosé de rire en te lisant !
Bisous à toi !
Pourquoi, moi, si je mets le même TShirt, même en bombant le torse ça fera pas le même effet, hein ? J'me demande.
Fiso, merci
Merci pour tout
mais encore un petit effort
pour célébrer le printemps
car ce serait bien si la prochaine fois, tu enlevais le haut.
Ma parole,
si tu viens à la Comète
je vérifierais le matos,
évidemment,
en tout bien et tout honneur.
De toute façon,
au vu du matériel,
je suis prêt à courrir le risque de la baffe
voire du coup de fouet en cuir
Fiso,
Surveille tes fréquentations, bordel !
Gicerilla,
rien n'est perdu :
essaie le sexe tout azimut
de façon assidue , créative et variée
comme Fiso
et tu constateras, niveau volume, une augmentation significative et rapide de tes poumons
avec corrolairement un accroissement exponentiel de tes seins
ce qui facilitera ta respiration et ton oxygénation
et favorisera par conséquent,
la lubrification et l'élasticité de tes organes reproducteurs .
Pour la suite du traitement, envoie moi tes coordonnées avec un peu d'argent .
Nicolas,
si je touche la poitrine à Fiso, ça fera désordre ?
Mamz'elle Gigi,
T'as pas dû boire assez de bière, c'est tout !
Tonnegrande,
Pépé va bien ? Toujours vert à ce que j'en lis ?
:p
Fuck the crises, yeah !!! Mais sur la photo il n'y a aucune crise, bien riche de... :)
Je connais le sentiment de l'infériorité des hongrois contre les occidentaux, en même temps je m'en fou complètement car je connait leur supériorité contre les orientaux aussi (notamment contre les roumains)... les deux sont bullshit !
Dana, est-ce que c'est la même chose entre les Roumains et la Moldavie ou Bulgarie aussi ?
Sophie, tu me donnes envie d'aller en Roumanie pour retrouver Dana et mon copain écrivain roumain à Cluj Napoca...
Igor De l'Est,
Heyyy mon Iggy chéri ! Enfin un qui remarque mon super tee-shirt !
Rien de tel que les rencontres pour gommer tous ces sentiments d'infériorité / supériorité, au moins temporairement. On n'empêchera pas, cependant, que notre nationalité / faciès précède nos mots. Tant pis ! Acceptons la règle du jeu et laissons-nous surprendre.
Iggy, moi aussi je suis invitée à Cluj ! On y va ensemble ??
Dana,
J'attendais moi aussi ta réponse à Igor avec impatience :)
Je suis ravie de tes apports sur mes billets, n'hésite pas à me dire si j'ai fait des erreurs dans ce que je rapporte, toi tu sais que ce n'est pas dû à la țuica puisque je n'en ai pas - encore - bu une goutte ;)
Igor...que te dire, je suis née dans une petite ville cosmopolite de l'ouest du pays, près de la frontière serbe, j'ai eu une nounou serbe, des voisins hongrois et allemands, au foyer des élèves j'ai côtoyé plein d'ethnies, et puis je suis foncièrement respectueuse des différences culturelles.
C'est vrai que dans les trois départements du pays habités surtout pas les hongrois (Harghita, Covasna et Mureș) il y a parfois des dérapages, surtout en période d'élections, mais on est loin des conflits qui ont suivi la chute du régime totalitaire. Et les représentants de l'Union Démocrate des Magyars ont toujours fait partie des gouvernements qui se sont succédés depuis 1990.
Les Moldaves ont leurs places réservées dans les universités roumaines et on leur offre des bourses. Je n'ai pas decelé de sentiments de supériorité ni entendu des remarques désobligeantes les concernant. Quant aux Bulgares, j'ai passé une semaine chez eux au mois de novembre, j'ai juste remarqué que le sourire n'était pas au rendez-vous, mais cela n'engage que moi.
Voilà.
Désolée, Fiso, d'avoir squatté ton blog , mais l'intérêt réel de Igor mériterait une réponse ample ; )
Igor, tu sais que l'on a parlé de toi devant les mosaïques en verre de Murano du palais de Ceaușescu ? Je t'y emmènerai si tu passes, mais il faudra que je fasse une fois de plus jouer mes relations !!!
Coucou Dana,
juste revenir aux hongrois, l'extrême droite a gagné 20% à la dernière élection il y a quelques semaines. Moi, j'ai vu ce résultat en avance depuis des années car la nationalisme est énorme là-bas. Et je pense ça vient exactement du fait qu'ils se sentent inférieur des occidentaux et ils veulent construire quelque chose plus glorieuse que la réalité.
Je hâte de te voir et discuter de tout ça sans oublier les frontières et des faux sentiments ! :)
Et bien sûr, voir les mosaïques en Roumanie !
Je suis à Budapest du 17 au 30 juin, je peux t'héberger dans mon appartement, si tu peux venir...
Mon Fiso,
c'est normal que je suis le seul qui a vu "seulement" le text, si je sais bien nicolas et tonnegrande ne sont pas pédés :))))
Il reste d'organiser une excursion à Cluj ! Et aujourd'hui il faut qu'on se voit de me redonner la clé de l'appt de Budapest...
Grosse bise à tt le monde !
Oui, comme un poireau,
la tête blanche, la queue verte
Tonnegrande,
Fais gaffe, poireau est une marque déposée !