J'ai rendez-vous avec elle place Sainte-Opportune. A l'heure convenue, elle m'appelle et annonce être à l'angle du boulevard de Sébastopol et la rue de Rivoli. Je la retrouve, particulièrement belle sous les cheveux blonds qui caressent ses épaules et lumineuse dans son trench rouge vif. La dernière fois que je l'ai vue, elle portait, comme nous, une perruque rousse.
Elle est sans aucun doute la personne de ma famille dont je suis la plus proche, en dehors de ma tribu directe. C'est une marrante, ma tante. Quand j'étais enfant, aux fêtes de famille, elle chantait "La bonne du curé" comme personne. Plus tard, ado, j'empruntais ses nombreux produits de beauté et chez ma grand-mère, j'écoutais les 45 tours de sa jeunesse et chantais à tue-tête "Les rois mages" de Sheila. Chez elle, pas de chichis, je me sens à l'aise, comme chez moi, et sa porte m'a toujours été ouverte, seule ou accompagnée. Ce vendredi soir, c'est la mienne qu'elle franchit, pour la première fois.
Après avoir posé sa valise, je lui demande de quoi elle a envie "j'aimerais bien aller voir les bouquinistes". Je l'ai toujours connue et voilà que je découvre qu'elle aime l'odeur des vieux livres. Je l'emmène dîner chez Félicie et nous savourons de concert un goûteux carpaccio de boeuf aux légumes grillés.
Au métro Cité, je la prends en photo sous les porches sculptés de Notre-Dame et nous traversons la Seine au-dessus de laquelle des couples d'amoureux s'enlacent.
Les quais sont bondés, des groupes de gens improvisent un apéro et sur les bateaux-mouches, les touristes agitent la main.
Plus loin, sur le Pont Neuf, la statue équestre d'Henri IV est emprisonnée dans une construction lumineuse de Castelbajac et sur la passerelle du pont des Arts, on a déplié les couvertures pour un pique-nique nocturne. Je n'ai jamais compris l'engouement dont bénéficie ce pont auquel je trouve peu de charme.
C'est agréable de redécouvrir Paris avec des touristes, mais c'est parfois embarrassant. Ainsi, j'hésite à plusieurs reprises lorsqu'elle désigne un bâtiment, un monument, et demande "Et ça, c'est quoi ?"
Devant l'Institut de France, par exemple, je ne peux rien ajouter aux caractères gravés sur la façade. Je me suis renseignée, depuis : "Quatre Académies - française, des sciences, des beaux-arts et des sciences morales et politiques - reçoivent leurs nouveaux élus sous la Coupole."
Nous bifurquons à gauche dans l'étroite rue Bonaparte et après un bref arrêt devant la boutique Ladurée, pour le plaisir des yeux, elle prend la pose devant Les Deux Magots. Plutôt que d'emprunter la rue de Rennes, déserte, je l'entraîne jusqu'à la place Saint-Sulpice. Hélas, l'église est défigurée par des travaux. Devant l'Institu Hongrois, une jeune femme est assise, le menton dans les mains.
Remontant le boulevard Raspail, les pieds douloureux, nous approchons de mes lieux de villégiature préférés, qu'elle ne connaît que par mon blog. Je pointe du doigt la devanture verte du Shannon, puis les fenêtres du Rosebud, grandes ouvertes sur la rue en cette douce soirée. Nous nous installons sur la place Joséphine Baker, en terrasse du Paradis du Fruit où l'on me sert une énorme coupe glacée piquée de tranches de coco fraîche et arrosée de chocolat chaud.
Le lendemain, nous sortons, hilares, d'un minuscule théâtre du 20ème arrondissement. Après nous avoir fait piquer du nez, une comédienne maigrichonne déroule ses os sur un flamenco prétendument sensuel, puis martèle à plusieurs reprises "Qui m'aime me prend". Elle s'accroupit ensuite derrière une chaise, bouge sa jambe d'avant en arrière et nos oreilles incrédules l"écoute gémir pendant de longues minutes jusqu'à l'orgasme final. C'est d'un tel ridicule - et mauvais goût - que nous rions aux éclats en descendant la rue de Charonne jusqu'à la Bastille.
Commentaires
Merci Fiso pour ce très beau billet qui me touche beaucoup !
De plus, j'ai découvert le billet sur Marthe et je reconnais que tu avais très bien cerné sa personnalité. Je l'aimais énormément et elle était, à mes yeux, une femme douce, souriante mais résignée et, je pense aussi, qu'elle n'a pas été toujours heureuse.
J'ai passé un excellent moment avec toi et, même si je ne te vois pas souvent, tu occupes une place importante dans mon coeur mais, je pense que nous avons pris la décision de passer plus de temps ensemble, il me semble ... alors ... penses à réviser l'histoire de Paris pour le mois d'août !!!
Quant à la pièce, j'ai bien rigolé avec toi en sortant !
Gros bisous à toi et bonne semaine.
Mmmm... Je me demande si je devrais craquer pour tes beaux yeux ou les desserts que tu t'envoies !
Pourquoi pas les deux après tout ;)
Bisous.
Tiens j'ai aussi mis la femme sur le banc de l'institut hongrois sur mon blog... Je crois qu'elle est très souvent photographiée mais elle ne bouge pas...
j'ai regretté de ne pouvoir être avec vous ce week end, alors j'espère bien qu'il y aura d'autres occasions avec ou sans perruques, bisous
Mitsyly,
Marthe m'a laissé une impression de feu sous la glace. Comme un joyau qui ne demandait qu'à être poli.
Je sais tout ce que tu écris, ma Nadette. Boug' m'a offert un excellent bouquin de chasse au trésor dans Paris, on va pas s'ennuyer en août, c'est moi qui te le dis !
Philo,
Je te ferai bouffer, tu oublieras mes yeux :p
Chriss,
Il faudra que j'enquête pour savoir qui est cette belle jeune femme à la capeline.
Boug',
Elle revient en août :)
Mmmm... m'étonnerait ! ;)
Belle balade et joli billet ! Rrrrr le Shannon ! Chaleur !!..... Moi aussi je voudrais te voir plus ma belle !!!!!