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  • A l'aise dans le nid de l'aigle

    Voilà, on y est. Le train s'ébranle et je garde l'image de ta silhouette derrière la porte vitrée et du sourire de tes yeux noirs. Jusqu'ici tout va bien.

    Depuis deux heures, au moment où j'ai bouclé ma valise, j'ai de toutes mes forces fait le vœu de vivre l'instant présent, jusqu'au bout, de ne pas le ternir en redoutant le moment où je devrai m'éloigner de toi. Si enfin je pouvais te quitter sans que s'ensuive une vague de désespoir, à coups de pourquoi qui tuent à chaque fois le cœur du bonheur, alors j’aurai fait un pas vers la sérénité.

    Je me sens grandie et meilleure après cette parenthèse de vie ensemble, pendant ces 10 jours. Sans souffrance, je te le jure. Juste quelques pincements au cœur et au ventre, parfois, parce que je suis humaine et femme, avec tout ce que ça comporte de merveilleux.

    L'expérience que nous avons décidé de vivre ensemble révèle des forces en moi que je ne soupçonnais pas. Les ami(e)s dans la confidence répètent qu'ils se demandent comment je supporte d'être à tes côtés sans me donner à toi. C'est parce que notre relation naissante a plus de prix à mes yeux, désormais, que le plaisir que je pourrais prendre dans tes bras.

    Sais-tu que j'ai eu moins de désir pour toi ? Pourtant je n'ai jamais dormi 9 nuits avec un homme sans me donner à lui. Etre allongée à tes côtés, sentir ton souffle paisible caresser mon visage, te respirer, contempler l’ivoire de ta peau sans y poser les mains, c'était un exploit de ma part et d'une certaine façon, ça m'a comblée. N'importe qui, sauf toi.

    Parfois pourtant, je l'avoue, j'ai profité que ton regard soit absorbé par le ruban d’asphalte pour laisser mes yeux s'attarder sur tes mains que je trouve si belles, une bague à l'annulaire droit, et une autre sur la main gauche, et je me suis souvenue qu'une nuit, elles m'avaient découverte à tâtons, timidement, et caressée jusqu'à l'extase.

    J'ai regardé ta bouche aussi et je me suis revue buvant ton haleine jusqu'à la lie, ce soir-là, au pied du château. Tu étais un des hommes de ma vie bien avant cette soirée magique et au jour du dernier soupir, je me souviendrai de ceux que ta saveur m'arrachait.

    M'as-tu entendue te remercier en silence de ne plus jouer à me séduire, de ne pas faire vaciller mes fragiles résolutions, de ne plus instiller, avec une cruelle insouciance, de vains espoirs dans ma solitude ? Je te l’avais demandé, comme on supplie le bourreau, et tu l’as respecté parce que tu souhaites devenir mon ami. Tu m’as aidée, par ta réserve, à ne pas me laisser empoisonner par un futur illusoire que j’aurais échafaudée seule alors que depuis quelques mois, tu manifestes la volonté de le redéfinir ensemble.

    Il y a autre chose que je voudrais te dire parce que je t'ai vu t'assombrir, ce soir-là et que je me suis mordu les lèvres pour ne pas la contredire, cette amie qui réprimande tes facéties et plaint sincèrement la femme qui t’aimera.

    Je suis cette femme et je les aime, moi, tes trots désordonnés, tes chansons pourries, tes jeux de mots doûteux et tes vannes de chambrée. Et ton regard joueur qui cherche une complice.

  • Et si ?

    Lu ce témoignage qui m'a laissée songeuse dans le train :

    "Ma mère souffre d'Alzheimer. Au début, j'esssayais de la raisonner lorsqu'elle divaguait, jusqu'à l'épuisement. Désormais, je vis sa maladie comme une leçon de vie sur le lâcher-prise. Elle est tellement dans le moment présent !

    Elle a gardé son tempérament joyeux et même si son esprit s'égare, elle est toujours là physiquement pour m'entendre lui dire combien je l'aime."

    Et si la terreur qu'inspire la maladie d'Alzheimer n'était que celle de perdre le contrôle, de ne plus pouvoir se rattacher au passé ni se maintenir dans l'illusion de pouvoir prévoir la seconde qui vient ? Et pour les proches, impuissants, désemparés, la peur de ne plus être dans ni dans la mémoire de l'être aimé ni dans son futur immédiat. L'incapacité à se réjouir de ce petit miracle : sa présence.

    Et si c'était ça, le bonheur ? Redevenir un enfant, sans conscience du temps. Se fier à ses intuitions, ses sensations, et elles seules. Prendre un je t'aime pour ce qu'il est, ni une réparation ni une promesse mais une déclaration au présent. 

    J'essaie, de plus en plus souvent, de goûter l'instant présent. Ecouter le souffle paisible de quelqu'un qu'on aime à ses côtés, dans la nuit, entendre le sourire d'une amie qui finit par transformer les torrents de larmes en éclats de rire, lire les mots d'amour d'une soeur d'un autre sang, se réjouir d'avoir réussi à faire d'une relation une amitié, malgré les malentendus et les maladresses. J'essaie et c'est bon.

  • J'suis vraiment une branleuse

    Mon client cette semaine a les cheveux longs (et accessoirement un joli petit cul). Ça me fait penser que je ne suis jamais sortie avec un homme aux cheveux longs. Ça a failli mais ça a seulement failli. En d’autres termes, il s’en est fallu d’un cheveu.

    [Parenthèse : Celui-là d'ailleurs, que je nommais affectueusement la diva, je l’aurais capillotracté avec plaisir pour lui faire payer son insolence. Ça m’aurait sûrement fait plus d’effet que l’espèce de daube que je viens de finir, « Cent nuances de Grey » pour ne pas le nommer, best seller, je me demande bien pourquoi. Faut croire que la vie sexuelle de ses lectrices est bien morne pour qu’un dominateur mou du genou et une gamine de 22 ans qui s’en remet à Dieu toutes les deux pages les émoustillent. Pour ma part, c’est du niveau érotique des Harlequin que je piquais à mamie Coco pour titiller mes émois d’adolescente]

    Mon client aux cheveux longs utilise des expressions locales comme « aussi bien » à la place de « de toute façon ». Il se plaint de « son réseau d’brin » mais est « fin heureux » du résultat de la formation.

    Et j’ai fini ma prestation sur la dernière connerie de Fiso, qui devrait détendre les zygomatiques de Eniomel. Attention, c’est du lourd …

    Le dernier jour, la directrice est entrée dans le bureau pour nous saluer comme chaque matin. Elle a exprimé sa satisfaction des résultats obtenus. Et là, j’ai dit : « On a sorti un premier jet hier matin et ensuite on a pignolé … heu … fignolé les horaires ».

    La directrice n’a pas bougé un cheveu, ni mon client. Moi non plus, mais faut dire que j’en ai plus beaucoup sur le caillou.

    A posteriori, comme je ne comprenais pas comment j’avais pu remplacer fignolé par pignolé, j’ai laborieusement reconstitué mon cheminement intérieur et réalisé que j’avais fait un mix entre peaufiné et fignolé.

    En revanche, le mystère demeurait entier sur l’inertie de mes interlocuteurs face à mon magnifique dérapage verbal. Pignoler serait-il est une expression inconnue dans le coin ? Mon honneur serait-il sauf ?

    Le même soir, devant une pizza aux Maroilles et une bonne bière, je racontai ma mésaventure à mon oncle et ma tante. Qui ne bougèrent pas d'un poil jusqu’à ce que je leur explique ce que pignoler voulait dire. Mon honneur est sauf.