Le deuxième jour, vers 7h45, je quitte l’hôtel dans ma 107 et je prends la direction de Fort-de-France au lieu d’aller vers le Lamentin. Mauvaise idée, je tombe dans un embouteillage. Il paraît que j’ai de la chance car ce sont les vacances scolaires. En temps normal, les embouteillages aux abords de FDF sont gigantesques et mon client met parfois 1h30 à 2h pour rallier Le Lamentin au François (20 minutes actuellement). On ne parle pas en kilomètres mais en temps de transport, comme à Paris, quoi.
Comme promis, M. mon client nous emmène déjeuner chez Maimaine, « un des endroits les plus créoles de Martinique ». Mon client parle posément et d’une voix très douce, soit l’inverse de moi, mais en bagnole, il dépote. Il enchaîne les ronds-points à toute berzingue jusqu’à l’aéroport Aimé Césaire.
« Ah, il y a un aéroport Aimé Césaire ? » demandai-je. « Oui, c’est celui où vous êtes arrivés ». « Ah, je croyais que ça s’appelait l’aéroport du Lamentin ? » Le chef de projet aux yeux dorés répond en riant : « Ça s’appelle l’aéroport de Fort-de-France, Aimé Césaire, du Lamentin. C’est la grande mode de tout rebaptiser ».
Derrière la zone de fret, en bordure de mangrove, le restaurant « Chez Maimaine » est là, posé comme une soucoupe volante au milieu de nulle part. Une grande case créole. Ici on commande son repas au comptoir, en arrivant. Nous nous asseyons à la table 40, sur une toile cirée à carreaux. Le restaurant, ouvert de toutes parts, est agréablement ventilé et encore vide.
On nous offre d'abord une entrée de, sorte de rillettes de harengs à la tomate et aux oignons. Ça commence bien. Lorsque nos plats arrivent sur un plateau, le restaurant est bondé de locaux. On dépose devant nous un bol de riz, un de haricots rouges et une assiette de légume pays : ignames, bananes jaunes et fruit à pain. Mon poisson grillé est un énorme vivaneau, beau comme un jeune communiant dans sa robe d’épices et piments. « Faîtes attention, ils sont forts » prévient M. Normalement, ça devrait aller. J’ai un peu d’entraînement.
Voici l’occasion de faire plus ample connaissance avec mes compagnons de la semaine. Mon client demande d’où je suis. « Et vous, d’où êtes vous ? » « Parigot tête de veau, depuis plusieurs générations ». Il vit en Martinique depuis 2007, du côté du François, et s’y sent très bien, entre voile et pêche au gros. Mon commercial m’avait prévenue : « Il est super sympa » et c’est vrai. Il m’a même appelée la veille de mon départ pour me donner son n° de portable et s’assurer que j’avais tout, réservation de voiture et coordonnées de l’hôtel.
De mes 3 autres stagiaires, Martiniquais, seul Olivier a vécu en métropole. Je fais l’erreur de commencer par des ignames, fruits à pain et bananes jaunes, dont je raffole, et calée en 5 minutes, je ne parviens à manger que la moitié de mon énorme poisson. M. déconseille le restaurant le soir, à cause du bruit des avions et des moustiques de la mangrove. Je quitte le restaurant en me disant que la digestion va être longue.
En arrivant dans la Z.I. de Place d’Armes, Olivier pointe une rivière brune et boueuse et en contrebas, le parking d’une grande surface : « Vous voyez, ici, en saison de pluies, le toit des voitures sur le parking n’est même plus visible ».
Ami lecteur, si un jour tu as du temps à tuer à l’aéroport de FDF Aimé Césaire du Lamentin, vas chez Maimaine. Tu ne le regretteras pas.