(psst ! Je teste une nouvelle fonctionnalité : dessiner mes itinéraires sur Google maps. C'est top, vous pouvez suivre mon parcours et zoomer à loisir. Je le mettrai en place sur les balades précédentes.)
Aujourd'hui, je suis partie sur mon vélo, la tête pleine des anecdotes d'un livre passionnant "Je me souviens du 14ème arrondissement", décliné pour chaque arrondissement de Paris. Le temps est magnifique, ces jours-ci, et je ne me déplace qu'à vélo.
J'ai emprunté l'avenue du général Leclerc, ai reluqué la fesse du Lion de Denfert-Rochereau et y ai décelé la cicatrice de sa blessure de guerre. Hé oui, le Lion, petit frère réduit aux deux tiers de celui de Belfort, s'est fait griller la couenne des fesses un soir de fête où un oriflamme lui est tombé dessus. Car il est en cuivre, le fauve, et pas en bronze comme l'indiquent de nombreux guides. Bref, on lui a cousu une plaque de cuivre sur le cul et ni vu, ni connu, l'affront fut lavé. Il paraît qu'on peut lire des inscriptions sur sa statue, mais je me demande bien qui, aujourd'hui, pourrait traverser la place et atteindre le Lion avant de se faire écrabouiller. Pauvre Lion, tout seul au milieu des bagnoles ..
Moi je file sur mon vélo et emprunte maintenant la portion la plus sinistre de l'avenue Denfert-Rochereau, peut-être à cause de la présence de l'hôpital Saint-Vincent de Paul. Je bifurque dans la rue Cassini, à la recherche des traces d'un bougna, bistro et marchand de charbon. Hélas, le café a disparu. La rue Cassini débouche sur l'avenue de l'Observatoire, où se trouve justement l'Observatoire de Paris, plus ancien observatoire en service dans le monde. Les tentes de quelques sans-abri sont installés devant sa grille. L'observatoire indique le "temps universel coordonné" ; il est 17 heures 22, indique un faisceau lumineux.
A quelques pas de là, un immeuble singulier et orné d'une fresque à sa base attire mon regard. De retour chez moi, j'apprendrai qu'il s'agit d'un immeuble Art Déco des années 30, construit par Charles Abella. Jean Moulin y aurait vécu.
La rue Cassini, où vécurent également Honoré de Balzac et Alain-Fournier, méritera une deuxième visite mais pour l'heure, je file sur l'avenue de l'Observatoire, tourne à gauche sur le boulevard du Montparnasse, jette un rapide coup d'oeil à la Closerie des Lilas, repaire d'Apollinaire, James Joyce et F. Scott Fitzgerald avant de tourner à gauche dans la rue Campagne Première. Au n°3, un immeuble quelconque a remplacé le célèbre restaurant "Chez Rosalie", devant lequel Utrillo et Modigliani se battaient quans ils avaient un peu forcé sur la bouteille.
En haut de la rue, presqu'à l'angle du boulevard Raspail, un imposant et très bel immeuble que j'ai déjà remarqué, en passant en bus à proximité. Il date de 1912 et Aragon et Man Ray louèrent ses ateliers.
Je traverse le boulevard Raspail et immortalise le Raspail Vert avant d'emprunter le boulevard Edgar Quinet. J'appelle Bibiche qui est chez lui, il descend avec son fils, avec lequel j'ai fait l'andouille en Martinique l'été dernier, beau gosse qui n'en finit pas de grandir. Nous faisons quelques courses puis Bibiche m'accompagne dans ma quête du Montparnasse d'avant. Je prends un cliché du Bobino, où j'allais danser quand j'étais jeune. Même Bibiche se prend au jeu du avant / après.
Puis nous descendons la rue d'Odessa et nous postons au milieu des bagnoles pour retrouver l'angle du photographe d'alors. Ca n'a pas beaucoup changé, hein ? La banderole lumieuse du Cinéac de Montparnasse, qui diffusait alors chaque heure les actualités, a été remplacé par celui des Galeries Lafayette. Le café "Le Saint-Malo", lui, est toujours là ...
En remontant la rue d'Odessa que j'ai arpenté dans tous les sens des dizaines de fois, je découvre les traces des Bains d'Odessa; on a même laissé l'enseigne. Depuis que je lève le nez, j'en découvre des choses. Et je ne me suis même pas encore mangé un poteau (mais ça ne saurait tarder ...)
(en fait, de retour chez moi, je découvre que les Bains d'Odessa sont toujours actifs et même un des plus vieux bains de Paris, reconvertis en sauna gay. Pourtant, leur entrée ressemble à un immeuble d'habitation tout ce qu'il y a de plus normal)
Bibiche, il assure côté bouffe, il te fait même des petits dômes de riz comme au restaurant. Et il a une collection de pantoufles qui déchirent, je ne m'en lasse pas.
Après un bon dîner de noix de Saint-Jacques aux épices, je reprends mon vélo.
"Prends la rue, au feu à droite", dit Bibiche. Tu rejoindras la rue des Plantes, c'est tout droit et il n'y a pas beaucoup de circulation.
- La rue à droite, c'est celle qui traverse le cimetière du Montparnasse ?, dis-je avec une grimace.
- Oui, pourquoi ? J'ai grandi en face d'un cimetière, répond-il.
Je prends la rue Emile Richard qui coupe le cimetière dans lequel reposent Sartre, de Beauvoir, la chanteuse Joelle de "Il était une fois" (j'ai encore rêvé d'elle, vous vous souvenez ?), Baudelaire et Gainsbourg. Un crachin breton tombe maintenant et les rues luisent.
Dans la rue des Plantes, je me ravise et bifurque à droite, rue Hippolyte Maindron, où se trouvait l'atelier de Giacometti, pour rejoindre la rue de l'Ouest et une épicerie indienne, Happy Malikai où j'achète du ghee. Du coup, me voilà au métro Plaisance et le titre de ce billet s'explique.
En parcourant "Je me souviens du 14ème arrondissement", j'ai appris que la si émouvante chanson "L'Auvergnat" de Brassens fut écrite en hommage à monsieur Malet, patron du café situé à l'angle des rues Bardinet - Alésia, qui eut pitié de l'infortune du poète sétois et lui offit l'assiette de soupe du soir. Chez l'Auvergnat, c'était là :
La maison de Jeanne est juste là, à quelques mètres, au fond de l'impasse Florimont que j'aperçois en la dépassant.
Et vous savez quoi ? Le plus drôle, c'est qu'en arrivant chez moi, je zappe sur les chaînes de télévision et regarde les derniers instants d'une émission sur la 3, "Brassens est en nous", sur le générique de laquelle chante Renaud, un autre habitant du 14ème arrondissement, qui grandit avenue Paul Appell, le long du stade Elizabeth. Alors, je n'ai pas résisté, j'ai écrit ce billet.
Je n'ai pas fini d'arpenter les rues du 14ème arrondissement, et de vous parler des artistes, des poètes et des Bretons, et de le faire découvrir aussi aux touristes inscrits aux balades de Parisien d'Un Jour ...
Pour ce soir, c'est fini. J'ai pourtant plein de billets en brouillon mais je m'envole demain pour Casablanca la belle et un périple qui me mènera jusqu'à Tanger, en passant par Rabat, Fès et Meknès. A bientôt !