Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

L'ascenseur

Je poursuis mes petites expériences comportementales et relationnelles avec mes sources inépuisables d'observation : les habitants de ma jungle urbaine ...

Un matin de cette semaine, je me poste devant la cabine d'ascenseur sur le quai de la ligne 14. Un grand métis, musique sur les oreilles, s'y trouve déjà ainsi qu'une femme dans la cinquantaine, cheveux courts et clairsemés. Une silhouette toute de noir vêtue se glisse à côté de moi. Amusée, j'observe le manège de celle que j'ai remarquée quelques jours plus tôt et à laquelle je ne parviens pas à attribuer une tranche d'âge : fine et fluette, elle a la tenue vestimentaire d'une très jeune fille et le visage d'une quadra. Je l'ai surnommée "la préposée à l'ascenseur" tant elle semble s'être attribué une mission. Elle se rue sur la porte et garde le doigt appuyé sur le bouton, les yeux levés guettant la descente de la lourde cabine, la main sur la hanche, jusqu'à ce que celui-ci s'ouvre enfin devant nous. Ce contrôle du bouton d'appel de l'ascenseur semble être d'une importance vitale pour elle. Nous montons et la porte, sensible au moindre mouvement, se ferme sans anicroche sur nous quatre.

A l'étage suivant, nous voilà stoppés dans notre élan. Un jeune asiatique, tenant à la main un vélo pliant, se tient devant la porte ouverte. La femme aux cheveux courts ne semble pas décidée à lui laisser de l'espace mais le jeune homme avance et elle se plaque contre la vitre en secouant la tête d'un air désapprobateur. Les minutes qui suivent sont assez amusantes car le jeune homme, lui tournant le dos, ne le voit pas mais la femme le fusille du regard en continuant de secouer la tête, visiblement excédée.

Au niveau -2, damned ! on s'arrête encore ! Cette fois, c'est une femme et un homme rondouillard qui entreprennent d'investir l'ascenseur, maintenant plein comme un oeuf. Et ce à quoi nous avions miraculeusement échappé jusque là arrive : la porte de l'ascenseur reste obstinément ouverte et sonne sans discontinuer. On laisse échapper des soupirs étouffés, une agitation à peine perceptible se fait sentir et j'invite les deux derniers arrivants à s'écarter de la porte pour qu'elle se ferme. Notre petit groupe se resserre en un bloc compact mais rien n'y fait, la porte sonne toujours. Une dame qui attend la prochaine fournée à l'extérieur signale, compatissante : "C'est le sac de la dame qui bloque".
La quinqua ennemie des vélos pliants perd alors tout contrôle d'elle-même et glapit "Moi je vais descendre, là, c'est pas possible, j'en peux plus !" Elle semble au bord de l'apoplexie.

Elle est incroyable cette femme, elle est en train de se fabriquer un ulcère, ma parole ! Je me retiens de répliquer vertement "Ah non, vous allez pas nous faire chier à faire bouger tout le monde pour sortir, maintenant que vous êtes là, vous y restez !" mais je souris et dis calmement "Respirez, détendez-vous, c'est vendredi, ça va bien se passer". Elle réplique "Oui mais je suis pressée moi !"
"On est tous pressés mais il y a vraiment des choses bien plus graves dans la vie"

Et là, sans doute mû par la tournure dramatique que prend notre équipée, le papy rondouillard balance une grande tape dans le dos de la vieille au sac qui, soudain projetée en avant, manque atterrir dans mon décolleté. Elle se tourne vers lui, furieuse, et lève le poing. Et là, j'éclate de rire devant cette scène surréaliste, suivis par tout le groupe à l'exception des deux vieilles.
Ça y est, la cabine se met enfin en branle mais moi je n'arrive pas à réprimer un fou-rire nerveux. Profitant de la complicité indulgente du métis et de la préposée à l'ascenseur qui me sourient, je lâche "Ma parole, c'est trop drôle, on se croirait dans un sketch des Monthy Python !" Le métis éclate d'un rire franc, suivis par quelques autres.

Enfin arrivés à l'air libre, le vieux rondouillard demande "C'est bien ici qu'on descend ?" Je réponds "Ah oui, c'est ici, et je pense qu'on va tous jaillir de l'ascenseur tellement on en a ras-le-bol d'être coincés là !"
Et c'est un groupe hilare qui se sépare en se souhaitant une bonne journée, sourire aux lèvres. Je suis ravie d'avoir joué, une fois de plus, à renverser une situation en la faisant glisser de la colère vers le rire.

Rejoignant le quai de mon train, je me remémore les paroles de Laurent. L'émotion, c'est ce que nous faisons d'une situation. Et être libre, c'est vivre ce qu'on a envie de vivre. J'ai choisi.

Commentaires

  • Mais que voilà une belle option! Profites Miss Fiso! Bises :-)

  • Faire sourire la préposée à l'ascenseur... Quel talent !
    Ils devraient t'embaucher à la SNCF pour mettre de l'ambiance dans les wagons les jours de grève :-)

  • Zoum',
    Toujours là pour m'encourager, Zoum' ! :) Je profite, je profite !
    Usclade,
    C'est vrai, elle est plutôt revêche, comme ça, à voir. Un autre billet m'a déjà valu la même remarque à propos de la RATP, rires !
    J'ai déjà fait les compagnies aériennes, je m'arrêterai là dans le monde des transports ! :)

  • je propose de tourner un remake de cette scène avec les 30 étages de ma tour et ses 12 ascenseurs farceurs : l'armée des 12 ascenseurs et Fiso pour faire rigoler les 2 500 collaborateurs qui y bossent !!

  • Trotti,
    Même pas peur ! :)

  • Quel rayon de soleil notre Fiso! Tu egayes la vie de tout le monde!!! Un bonheur. :)

  • Senga,
    On égaie la mienne aussi, fort heureusement.
    Quand on se dit qu'on a mal, on a mal. Alors je me dis "Jusqu'ici, tout va bien" ;)

  • Senga,
    On égaie la mienne aussi, fort heureusement.
    Quand on se dit qu'on a mal, on a mal. Alors je me dis "Jusqu'ici, tout va bien" ;)

  • j'aime j'aime j'aime

Les commentaires sont fermés.