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Dans un village de Paris : mémoires

Il y a quelques mois, un homme avec lequel j'avais échangé quelques mails sur un site de rencontres m'avait fixé rendez-vous. Il faisait commerce de vins rue de Vouillé, non loin du quartier de ma jeunesse et c'est là que je le retrouvai, à l'heure de la fermeture.

Après dégustation d'un bon rouge, il propose de dîner dans un restaurant de ses habitudes. Chemin faisant, nous évoquons ce quartier, si empreint de la présence d'un de ses illustres habitants, Georges Brassens. Atteignant le bas de la rue Brancion, je mentionne ce bistrot mythique et privé, dans lequel je rêve d'entrer.


"Ce sont des amis, on y va, si tu veux !" s'écrie R.

Quelques minutes plus tard, il frappe à la porte, on ouvre et je pénètre dans ce temple de la boxe, que m'avait décrit mon père. L'éclairage est tamisée et la salle sombre laisse entrevoir de nombreux visages qui scrutent ceux des nouveaux arrivants, à la recherche d'un ami. Sur les murs, de grands miroirs piquetés disputent la place à des dizaines de photos d'acteurs, boxeurs et affiches noir et blanc vantant leurs exploits.   
A une des tables, un homme au visage rond se tourne vers nous et serre la main à mon compagnon.
"Installez-vous" dit-il, poussant quelques chaises. Je devine qu'il s'agit du fils de Walczak.
A ma gauche, sur la banquette, un homme blond à lunettes me sourit franchement et me sert un coup de rouge.

Ce soir, trois hommes vont rendre hommage à Eddy Mitchell. Le visage du chanteur m'est assez familier, R. me donne son nom, il s'agit de Béjo, compagnon de Renaud et Bashung. En attendant les premières notes, R. me présente à JL comme étant une enfant du quartier. Je parle de mon père, copain du sien disparu il y a déjà de longues années. Mon Pap's et JL ont exactement le même âge et JL est certain de l'avoir croisé.

J'ai fait la connaissance de mon voisin de gauche, un ami de Renaud, et déjà abondamment trinqué quand le concert commence. Je redécouvre le répertoire de Eddy, parfaitement interprété par Béjo en imaginant Brassens, Piaf, Cerdan et Brel sous le même plafond que moi, il y a des années, à l'époque où les abattoirs étaient encore là.

Accrochés tout en haut d'un pilier central, des chaussures et gants de boxe prennent la poussière. Face à moi, Lino Ventura, Edith Piaf, Belmondo et bien sûr, Brassens qui pose avec ses chats témoigne de l'incroyable rendez-vous que fut le bar de Walczak, et de l'atmosphère encore si particulière qu'y entretient son fils qui n'a rien changé au décor surrané du père.

Lorsque je referme la porte sur la devanture jaune vif, c'est après avoir promis de ramener mon père, si j'arrive à le convaincre de venir à Paris.

Depuis, je suis retournée 2 fois chez Walczak. Un midi ensoleillé de mai, où mon coeur était lourd et en demande de chaleur humaine, j'ai garé mon vélo pour déjeuner avec JL d'une délicieuse entrecôte. Une nouvelle photo ornait le mur, celle de Belmondo aux cheveux blancs, venu peu auparavant parler avec JL de son père.
"Tu fais partie de la famille", m'a -t-il dit, tout en se plaignant que la veille, un groupe de 20 l'avait planté 30 minutes avant leur réservation :
"Qu'est ce qu'ils ont à me casser les couilles, ils ont qu'à aller chez Hippopotamus" avait râlé JL dans un franc-parler qui plante le personnage.

Chez Walczak, on se délecte d'anecdotes croustillantes et de soirées arrosées, toujours sous le signe de l'amitié. On y croise un Michel Bouquet, arrivé là par hasard, qui après s'être inquiété que tout le monde se serve dans son pinard, repart en lâchant "Je n'ai jamais mangé dans un bordel pareil mais qu'est-ce-que je me suis éclaté !"

Hier soir, c'est en comité très restreint, pour cause de match de foot et météo humide, que j'y ai écouté, avec mon frère, un concert donné par Serge, grand gaillard basque au regard bleu et Martine, petit piaf à la voix cristalline.
"J'ai commencé ma vie à 51 ans, quand j'ai rencontré ma femme" nous confie Serge qui s'est installé, entre deux morceaux, à notre table.
Un peu plus tard, un homme entre, au physique de Hugues Aufray en plus jeune (je trouve que Hugues Aufray est un vieillard absolument magnifique). Je le dissuade de s'installer seul au bar et désigne une chaise à notre table.  Une heure plus tard, il a pris ses aises, chante avec nous "Les copains d'abord" et déclare être au paradis.

Je sais désormais où aller quand j'ai envie de me sentir comme à la maison, en moins seule : chez Chichi et Kamel, à l'Oustaou, ou chez JL, au bar des Sportifs Réunis.

Commentaires

  • Un endroit qui a l'air magique!
    J'aime ces balades dans le passé...

  • Senga,
    Ah ! Mon unique com' sur ce billet et c'est toi ! Tu me fais bien plaisir, ma belle :)
    Oui l'endroit est magique et toujours aussi authentique.

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