Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Le divan

    Je l'aime bien, mon voisin du 3ème. La cinquantaine je suppose, sorte de grand gaillard un peu gauche, visiblement timide, il bafouille souvent mais sourit toujours. Mon voisin du bout du couloir m'a envoyée chez lui un soir pour un prêt d'escabeau et j'ai sympathisé avec lui, sa femme et leur fille. Souvent, je le vois filer dans les rues de ma ville, aussi fier et rigide sur son vélo que Jacques Tati dans Jour de fête. 

    Il y a quelque temps, je l'ai croisé dans l'ascenseur et à la question qu'on pose souvent sans écouter la réponse, il a fait la moue. Je n'ai pas insisté. 

    L'autre soir, alors que je tirais et poussais tant bien que mal un meuble récupéré sur le trottoir, il est apparu, proposant son aide. J'ai fait mine de protester, par politesse, mais n'empêche, c'etait bien plus facile à 2. Arrivés dans mon entrée, il est remonté chez lui pour aller chercher quelques clous pendant que je lessivais le meuble. 

    Je lui ai offert un verre., lui ai demandé comment ça allait. " Ma femme et moi on se sépare, m'a t-il dit, après 22 ans ensemble. Je vais prendre un meublé." 

    Il a raconté leur arrivée ici, il y a plusieurs années, "blottis l'un contre l'autre comme deux oisillons apeurés", il m'a dit ses appréhensions, son manque de confiance en lui, au boulot, partout, sa peur de l'avenir, seul.

    En regardant cet homme assis sur mon canapé à me raconter humblement ses failles et ses angoisses, sans tout l'attirail de "fierté - orgueil - un homme ça pleure pas" dont s'encombrait les générations précédentes, je me suis dit que les hommes s'étaient vraiment bonifiés.

    Le lendemain, mon canapé accueille un autre homme, tout juste trentenaire ceui-là. Je ne le connais que depuis quelques semaines. Il m'a draguée un soir en bas de chez moi, m'a fait rire, j'ai accepté un verre au café du coin. Je repousse ses avances, je le tacle gentiment mais je l'aime bien, il est généreux et courageux. Je sens une blessure en lui, que je le soupçonne de tenter de noyer dans l'alcool. 

    "J'ai vécu des moments difficiles, tu sais" m'avait-il dit un soir. 

    Au fil des soirées, I. se confie. Il y a 6 ans, il est arrivé seul de sa Kabylie natale. Son premier boulot c'était dans un abattoir de canards, dans le Sud-Ouest. Lever à 4h, douché à 13h, en cours à 14h. Une petite chérie paloise l'initie au gobage d'huîtres, sans succès. Il parle avec beaucoup de tendresse de ses ex petites amies. Aujourd'hui, I. est ingénieur et a financé la venue et les études de sa soeur et de ses 2 frères. 

    Ce soir, il raconte. Il y a 2 ans, le mariage annulé un mois avant la noce, la vie seul pendant la durée du préavis dans l'appartement du couple qui n'est plus, la honte qu'il traîne depuis auprès de sa famille, la pression de ses parents pour qu'il se marie. Il a une copine depuis 1 an, il l'aime beaucoup.

    "Mais elle est divorcée. Mes parents n'accepteront pas que j'épouse une femme divorcée, dit-il. Et avec ce qui est arrivé il y a 2 ans, je n'ai pas le droit à l'erreur."

  • On se bouge !

    La rentrée a été le théâtre de bonnes résolutions, pour moi aussi : celles de prendre soin de moi et de remettre à aujourd’hui ce que je remets depuis trop longtemps à demain.

    Une de ces résolutions concerne mon avenir professionnel. Il y a 1 an, alors en période d’essai et en transition vers un nouvel employeur, j’avais mis en suspens le projet de VAE (validation des acquis de l’expérience) initié quelques mois plus tôt. Je viens de le relancer. Ça va me demander presqu’une année de travail personnel et récompenser, je l’espère, 6 années d’expérience en tant que consultante formatrice d’un diplôme de niveau Bac +3/4.

    L’autre résolution concerne un rêve d’enfant. Ce matin, j’ai pris mon premier cours de chant individuel. Cela fait des années que j’ai ce vieux rêve, sans cesse reporté pour cause de boulots nomades et/ou en horaires décalés. Comme mes prestations ont principalement lieu en Ile de France, et que, de toute façon, ce n’est jamais le bon moment, j’ai trouvé une école de chant dans ma ville et pris rendez-vous mon un cours d’essai.

    La femme qui m’ouvre la porte est très joviale. Un court entretien lui donne mes motivations : apprendre les techniques de base, connaitre ma tessiture, travailler respiration et posture. Je lui dis que j’ai suivi 2 cours dans une chorale où l'on m’a diagnostiquée « soprano ». Elle s’étonne « A vous écouter, je n’entends pas une soprano, mais on va le vérifier ». A vrai dire, j’ai toujours eu un doute car ma voix parlée est plutôt grave.

    Elle me fait exécuter quelques inspirations-expirations, demande si je fais du sport et lesquels, et s’étonne que j’aie pu garder la souplesse de mon diaphragme en pratiquant la natation et la course, qui sont des sports où l’on se met en apnée. Le diaphragme, dans un réflexe de protection, se met alors en hauteur et ne redescend plus. « Ce doivent être mes quelques années de clarinette qui m’ont appris la respiration ventrale ». Elle confirme et m’encourage à continuer de gainer mes abdominaux mais quand même, est très surprise.

    Ensuite, elle me donne quelques exercices de chant qu’elle accompagne au piano et conclut : « Je vous le confirme, vous n’êtes absolument pas soprano mais un beau mezzo. Et vous avez une particularité assez étonnante. »

    Ma professeure m’explique alors qu’en réalité, nous avons 2 voix. Une voix aigüe, héritée de l’enfance et appelée « voix de tête » et une voix muée, notre voix actuelle, qui chez les femmes évolue au gré des grossesses et changements hormonaux, appelée « voix de poitrine ». Le point de rupture entre ces 2 voix, qui s’effectue quand on passe des graves aux aigus, est toujours audible ; le chanteur n’est plus dans le ton, déstabilisé. « D’ailleurs, dit-elle, pour la plupart des gens, si je vous fais écouter  la voix de tête et la voix de poitrine d’une même personne, vous penserez qu’il s’agit de 2 personnes différentes. Mais dans votre cas, vous effectuez ce passage sans douleur. C’est à peine audible et très mélodieux. »

    Au fur et à mesure des exercices, elle en apprend plus sur mon background. Elle perçoit un souffle quand je chante dans les tons qui me conviennent et me demande si dans mon métier, je parle beaucoup. C’est le moins que l’on puisse dire, quand je forme, je passe ma journée à parler. Elle sourit «  On retrouve ce phénomène chez les professeurs. S’ils ne modulent pas leur voix et reste dans le ton qui leur est confortable, ils l’usent. Votre voix a besoin d’être chauffée et modulée. »

    Lorsque le cours se termine, elle m’a donné plusieurs conseils : chauffer ma voix avant mes interventions, la moduler en montant dans les aigus en début de phrase avant de redescendre (pas facile !), marcher en retenant ma respiration pour augmenter mes capacités. Il est clair que ces exercices vont m’aider dans mon métier, notamment à capter l’attention des participants en évitant un ton monocorde. Je suis ravie et signe pour 2 cours mensuels. Ah oui ! Et ma prof m’a recrutée pour rejoindre le chœur du mardi soir … Je suis enchantée.