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  • B., l'athlète ascète

    A courir chaque dimanche au même endroit et sur le même créneau horaire, on reconnaît les habitués, qu'on salue d'un regard.

    Les autres, on les voit affluer en masse en juin, juste avant l'épreuve "bikini". Elles commencent leur course le cheveu lisse et brillant, le maquillage impeccable, dans une tenue entièrement coordonnée; elles la finissent (vite) et en piteux état. Puis on ne les revoit plus jusqu'à l'été suivant. Il y a aussi des pics de fréquentation juste avant les grandes courses : le Paris-Versailles, le marathon de Paris. Là on ravale sa fierté, dépassé par des flèches aux tempes grisonnnantes qui galopent comme des gazelles ailées.

    Parmi les habitués du dimanche matin, il y a ce type qui a une tête de flic et qui me jette des regards noirs, sans que je sache pourquoi. A vrai dire, en regardant mon reflet là, dans la vitre du train, je me dis que sans sourire, je n'ai moi-même pas un air engageant, alors en plein effort et avec du rap dans les oreilles ...
    Il y a aussi un black mastard, ausi joufflu que musclé, avec une tête de méchant black qu'il faut pas faire chier.
    Un autre, cheveux gris, la cinquantaine, silhouette de marathonien, qui court avec un rictus de douleur aux lèvres, même qu'à chaque fois que je le croise, j'ai mal pour lui. 
    Un autre aussi, récemment, le sosie de Jean-Luc Bideau, dans un jogging en coton tout distendu; je n'en donnais pas cher mais il est là, chaque dimanche, et il s'accroche.


    Peu de femmes, parmi les habitués. Quelques unes en surpoids, qui s'accrochent quelques semaines et que j'ai envie d'encourager à chaque fois que je les croise. Une jeune asiatique qu'on a vu débarquer en tee-shirt de coton quasi transparent, début décembre, quand le thermomètre approchait 0 degré, genre "Ben quoi, il fait 3 degrés, et alors ?" Mon frère s'est tapé un point de côté quand j'ai lancé "Nan mais, trop facile pour elle, je te parie qu'elle vient des steppes de Mongolie !?"

     

    Et puis il y a B., petit asiatique basané, sec comme un coup de trique. Il m'a adressé la parole un jour où j'avais remplacé ma séance de course par des fractionnés de saut à la corde. Je sentais son regard intrigué dans mon dos. 
    Quand j'ai stoppé ma séance, en nage, il m'a lancé : "C'est quoi ton sport?"
    J'ai l'habitude de cette question. "Je ne fais pas de boxe, je saute, c'est tout, ça m'amuse."
    On a commencé à discuter. B. a flatté ma fierté en me disant que mon endurance à la corde l'avait impressionné. Il court 12 kms chaque jour, qu'il pleuve ou qu'il vente. Il fait et enseigne la muay thai et part régulièrement en Thailande pour des séjours d'entraînement intensif. Il s'est aussi formé aux massages thérapeutiques. 
    J'ai du mal à lui donner un âge mais je ne serais pas étonnée qu'il ait dépassé la cinquantaine. On s'est découvert un point commun; B. est fils de militaire, lui aussi. 


    L'autre jour quand je lui ai dit que j'allais partir à Madagascar, il a satisfait la curiosité qu'avaient fait naitre ses yeux bridés et sa peau café au lait : B. est né de père malgache et de mère vietnamienne. 
    Je lui ai présenté mon frère, féru d'arts martiaux et qui court avec moi depuis un peu plus d'1 mois. Ils ont sympathisé. C'est cool de retrouver B. chaque dimanche et d'échanger un salut, parfois quelques mots.


    Dimanche dernier, je courais seule et nous nous sommes retrouvés au point d'arrivée, près de la fontaine. Nous avons parlé de mon voyage qui se rapproche et B. m'a raconté quelques souvenirs de son enfance à Madagascar. 
    Alors que je lui parlais de l'approche du Carême, perspective qui me réjouit, j'ai appris qu'il pratiquait depuis 30 ans le rythme alimentaire auquel je me soustrairai pendant 40 jours : un seu repas quotidien. B. est exclusivement végétarien, ne boit pas d'alcool et de l'oeuf, ne mange que le blanc "parce que le jaune c'est plein de mauvais cholestérol".
    Ca rigole pas ! A mon avis, B. a une hygiène de vie hyper stricte, voire monastique. 
    On s'est souhaité de bonnes fˆetes et j'ai lancé en m'éloignant : "Mange quand même quelques truffes, B., c'est Noel quand meme !"

  • La vie est un combat

    Cette semaine, la télé, qui provoque le plus souvent chez moi  indignation ou découragement, m'a donné de très belles émotions.

    Mardi soir, j'ai voyagé en terre inconnue, chez les Quechuas. J'ai ri des peurs bourgeoises d'Arthur, j'ai été touchée par la pudeur et l'humilité des paysans péruviens et j'ai versé ma petite larme au moment des adieux. Mais surtout, j'ai aimé la 2ème partie de soirée. Celle où Frédéric Lopez, que j'apprécie décidément, fait sortir de l'ombre deux hommes qu'on ne voit jamais, les cameramen, pour qu'ils expliquent pourquoi ils font cette émission et pourquoi ils la font comme ça. Un beau débat s'ensuit, sur l'écart entre le quotidien des voyageurs et de leurs hotes, mais aussi leurs similitudes.  Et la séquence finale, où l'on montre à une population asiatique l'émission tournée chez les Papous. C'est beau de retrouver le sens du mot fraternité.

    Hier soir, j'ai suivi avec ferveur, sur L'équipe 21, le dernier combat de Jean-Marc Mormeck, qui se jouait à quelques kilomètres de chez moi. J'aurais voulu y être. D'abord, j'ai une vraie fascination pour la boxe, et les sports de combat en général. Est-ce parce que mon père l'a pratiqué ?  Rocky, Ali et Million Dollar Baby sont des films qui m'ont remuée et il y a quelques années, la curiosité m'a poussée dans le café d'un boxeur de légende, disparu.

    Ensuite, j'ai une profonde admiration pour Jean-Marc Mormeck et son franc-parler. Et puisqu'il avait annoncé qu'il arrêterait la boxe s'il perdait ce combat, j'ai voulu l'encourager. Il est parti la tête haute et debout, sans KO. 42 ans quand même, le mec ! En ouverture du combat, le slam de Grand Corps Malade était percutant, tout comme l'ont été les mots de Jean-Marc, après sa défaite.

    Quelle puissance, quelle sincérité, quelle humilité. Les enfants chéris du foot, gavés de fric et de suffisance, devraient en prendre de la graine. Merci Jean-Marc.

    Après le départ de mon frère et d'I., qui a mangé avec nous sa première fondue savoyarde, j'ai zappé sur Arte. "Programme interdit aux moins de 18 ans, tapez votre code" disait un bandeau noir.

    Intriguée, j'ai déverrouillé l'écran et découvert "Bons baisers du quartier rouge" : une plongée dans le quartier rouge d'Amsterdam et le quotidien de 2 soeurs jumelles vieillissantes, prostituées depuis plus de 40 ans. Un documentaire dérangeant, aux images et aux propos crus, ponctuée de séquences très drôles aussi. 

    "Faire la pute, c'est pas de la tarte" dit l'une des deux mamies, agressée verbalement et physiquement par des hommes "qui vont aux filles". 

    Moi, ce qui m'a bluffée, c'est le lien incroyable entre ces deux soeurs quasi siamoises : même destin, mêmes souffrances, mais même regard doux et lumineux quand elles sont ensemble. 

    Et j'ai adoré que le film se termine sur une image pleine d'espoir et d'insouciance :  un fou-rire dans la neige, comme deux gamines insouciantes, qui m'a fait rire avec elles.