Quand je me suis lancée dans un projet de Congé Individuel de Formation (CIF) pour suivre un master, j’ai tout entendu (et lu).
Que " Si on ne faisait pas sa demande de financement en tout début d’année, le budget du FONGECIF était consommé (premier arrivé, premier servi). Que « Tous les gens que je connais qui ont fait une demande de financement au FONGECIF recevait un refus » etc.
Sur internet, ce n’était pas plus optimiste. Et surtout, en dehors du site du FONGECIF, j'ai trouvé peu de conseils et de retours d’expérience.
Avec tout ça, en plus du fait que je ne répondais pas aux critères de priorité de financement communiqués par le FONGECIF, j'étais mal partie. Mais puisque j'ai la chance, depuis septembre, d'avoir obtenu le financement de mon master 2 par le FONGECIF, j’ai décidé d'insuffler un peu d'espoir en partageant ici mon expérience et mes conseils.
Tout d’abord, ne pas hésiter à utiliser les aides mises à votre disposition. Pour ma part, vivant à Paris, j’ai déjà visité presque tous les pôles de la Cité des Métiers, à la Villette, où des conseillers sont là pour répondre à vos questions sur la réorientation professionnelle, la validation des acquis (VAE), la création d’une activité.
Dans le cadre de ce projet, j’ai décidé de profiter d’une offre récemment mise en place : le Conseil en Evolution Professionnelle (CEP) et dans ce cadre, j'ai rencontré une conseillère de l’APEC.
Comme je me félicite, aujourd’hui, d’avoir pris cette précaution ! Car non seulement cette femme m’a convaincue que j’avais toutes les chances de décrocher le financement de ma formation mais elle m’a aussi conseillé de choisir un master RH généraliste pour m’ouvrir plus de portes et surtout, elle m’a donné la marche à suivre pour construire un dossier de demande de financement béton.
Alors, oui, c’est du boulot. Il ne s’agit pas d’écrire une lettre de motivation d'une page, comme quand on répond à une offre d’emploi. Dans mon cas, le FONGECIF allait potentiellement sortir 8000€ pour me financer, on peut comprendre (et tant mieux) qu’il ne le fasse qu’à bon escient.
Première recommandation (et erreur fatale) : ne pas justifier votre demande de financement par une opportunité d’évolution dans votre boîte (par exemple : si je suis cette formation, je vais pouvoir évoluer vers un poste de management au sein de mon entreprise). Là vous allez recevoir un refus direct car une mobilité interne relève du plan de formation de votre employeur et ce n’est pas au FONGECIF de le financer. La formation choisie doit vous permettre de changer de poste ET d’employeur (ou vous mettre à votre compte).
Tout l’enjeu de votre demande de financement est de démontrer la viabilité de votre projet professionnel (d’où la nécessité d’y avoir réfléchi, seul ou pas). Vous devez convaincre le FONGECIF que votre projet professionnel est mûri, construit, viable et que la formation qu’il va potentiellement financer vous donnera toutes vos chances pour le réussir.
Vous allez donc devoir montrer que vous connaissez votre sujet, quitte à mener quelques enquêtes.
Voici les étapes que j’ai suivies. Pour ceux qui connaissent l’outil SWOT, ça vous rappellera quelque chose … :
1ère partie : Parlez de votre futur poste et de son contexte
- Décrire très précisément le poste que vous visez
En quoi consiste-t-il ? Quelles sont vos motivations ?
- Lister les opportunités associées à l’obtention de ce poste et décrire le contexte :
Les employeurs potentiels
Le marché (important, de niche ?)
Les conditions de recrutement : niveau d’études ? par annonces, par réseau ?
2ème partie : Parlez de vous
- Lister vos forces (expériences, connaissances, compétences déjà acquises qui vous permettront d’obtenir ce poste)
- Lister vos faiblesses (expériences, connaissances, compétences manquantes qui vous empêchent de postuler à ce poste aujourd’hui)
Pour cette partie, je vous conseille d’imprimer et de joindre à votre dossier des offres d’emploi relatives au poste visé pour étayer vos propos (par exemple, dans mon cas, un niveau d’études minimum de bac+5 alors que je n’ai qu’un bac+3). Si vous avez par exemple déjà postulé à des offres concernant le poste visé et essuyé des refus, vous pouvez joindre les réponses des employeurs.
- Expliquer votre projet professionnel
Si vous avez un projet professionnel à moyen / long-terme, vous avez plusieurs choix possibles.
Soit vous ne présentez que votre projet à court-terme (changer d’employeur), soit vous présentez votre projet à moyen terme et expliquez comment vous comptez y arriver, soit vous présentez les 2. C’est l’option que j’ai choisie et ce n’est pas la plus facile car il faut faire une étude de marché très poussée. Dans mon cas, j’avais déjà fait ce travail lors de ma VAE et n’ai eu qu’à le réactualiser.
3ème partie : Argumentez !
Cette partie permet de montrer que votre projet a été construit et que vous vous êtes documenté. Il s’agit de démontrer que vous avez rencontré des gens du métier et qu’ils ont confirmé que la formation visée vous apportera les connaissances / compétences nécessaires et manquantes aujourd’hui pour exercer la fonction visée.
Dans mon cas, je ne comptais pas dans mon réseau des gens occupant le poste que je visais ; j’ai donc contacté quelques personnes sur les réseaux sociaux professionnels et leur ai expliqué ma démarche.
Le mieux, c’est de joindre aussi à votre dossier le compte-rendu des entretiens avec ces professionnels, « anonymisé » ou pas. Voici quelques idées de question à leur poser :
- Quel est leur quotidien ? Leur parcours ?
- Quelles sont selon eux les compétences / connaissances / qualités requises ?
- Y-a-t-il des formations spécifiques pour accéder au poste et pourquoi ?
- Que connaissent-ils de l’état du marché, des conditions de recrutement et rémunérations ?
- Quels sont les salaires auxquels je pourrai prétendre ?
Cette étape devrait aussi vous permettre de sélectionner ou conforter le choix de la formation à suivre. Il faut donc maintenant parler de l’école et de la formation choisie.
4ème partie : Parlez de la formation / école.
Là aussi, il faut expliquer pourquoi vous avez choisi cette école et cette formation et pas une autre. Il peut être judicieux d’inclure dans votre lettre de demande de financement un comparatif des formations que vous avez prospectées et d’expliquer comment vous en êtes arrivé à votre choix.
Par exemple, dans mon cas, je n’ai pas apprécié le harcèlement de certaines écoles qui m’appelaient sans cesse ou leur incapacité à répondre à mes questions ou à me fournir des documents. Et la formation que j’ai choisie pouvait se dérouler sur ou hors temps de travail, ce qui me permettait de la suivre même en cas de refus d’absence de mon employeur.
Vous pouvez aussi argumenter votre choix par la restitution d’une enquête. Pour cela, une petite recherche sur les réseaux sociaux vous permettra de voir quels sont les postes occupés par les gens ayant suivi cette formation. Vous pouvez aussi demander à l’école visée de vous fournir ses statistiques. J’ai joint tout cela à mon dossier. Ces éléments vous permettront de démontrer que la formation choisie peut être votre sésame pour obtenir le poste visé.
Une chose importante : Si le coût de votre formation dépasse le montant pris en charge par le FONGECIF, précisez que vous êtes prêt à financer le surplus (éventuellement via votre crédit d’heures CPF).
5ème partie : Présentez votre plan d’actions post-formation
A titre d'exemple, après tout ce travail, ma lettre de demande de financement totalisait 6 pages !
Voilà, j’espère que ce billet sera utile aux personnes qui se lancent dans un projet de reconversion.
Je suis toujours très étonnée de la méconnaissance qu’ont les travailleurs français des dispositifs de formation mis à leur disposition. Pour ma part, je les ai tous utilisés (bilan de compétences, VAE et maintenant CIF), ils m’ont beaucoup apporté et j’en fais la promotion autour de moi.
C’est une vraie chance qu’offre la France : permettre aux personnes de se réorienter en cours de carrière.Il serait dommage de ne pas profiter de cette opportunité et encore plus de se voir refuser un financement parce qu’on a fait son dossier un peu à la légère.
Alors ... foncez !