Je t’aime, tu sais. Je te l’ai déjà dit et si je le fais aussi facilement, c’est parce qu’on ne s’est jamais goûtés, toi et moi.
Pourtant notre histoire, comme avec la plupart des hommes qui me sont chers, avait mal commencé. Tu bossais sur un autre site et je t’avais, à priori, pris en grippe parce que tu étais tout le temps injoignable. Alors le jour où je suis venu sur ton terrain et que, curieuse de savoir qui tu étais, mon sourire s’est heurté à ton visage fermé, l’à priori s’est renforcé.
Il a fallu 4 ans pour qu’on se rencontre vraiment. A la faveur d’une pause, on a commencé à discuter et là, j’ai découvert une montagne de sensibilité et d’humour.
Accessoirement, t’as un beau cul. Et quand tu rosis, comme maintenant, je craque.
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Quand je t’ai connu, t’étais au fond du gouffre. Les deux femmes de ta vie t’avaient quitté. Tu prenais sur toi comme un bon petit soldat, personne n’a rien vu, rien su, pourtant t’en menais pas large, je crois, quand tu repartais vers ta solitude toute neuve, avec ton écouteur sur les oreilles.
« J’suis un mec», tu disais …
Quelle connerie, excuse-moi de te le dire, j’ai fait semblant de te croire mais entre tes mains toujours ornées d’une clope, le gobelet de café tremblait.
Ca m'a touché, ta pudeur, ta fragilité et désormais, je les ai attendus avec impatience, les appels pour un café. Quand ton nom s’affichait sur le téléphone et que dans le combiné j’entendais « bonjour ma petite langoustine des îles », un sourire superbement niais se dessinait sur ma face.
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Le lundi matin, on se racontait nos week-ends dans de grands éclats de rire. Je crois que je n'ai pas ri autant depuis bien longtemps. Je complimentais très sincèrement tes tenues, toujours originales, qui n’iraient à personne d’autre que toi, et ces détails qui révèlent le goût des belles choses, une ceinture, une paire de chaussures, des boutons de manchette.
Un jour où on était deux à te dire à quel point t’étais mignon dans ton petit pantalon, tu as dit, visiblement touché : « Merci les filles, vous pouvez pas savoir à quel point ça me fait du bien, je me sens moche, l’impression d’être transparent ».
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Quand j’ai su que tu étais devenu un ami, un intime, de ceux qui m'acceptent telle que je suis, je t’ai filé le lien vers un billet où je racontais une de tes soirées délirantes. Je te donnais ainsi la clé vers mon blog, c’est pas rien, tu l’avais compris. Je t’y fais souvent des clins d’œil, depuis.
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Et puis, après des mois à se tourner autour, au moment où tu avais décidé de te lancer et de m’emmener en week-end à Londres, coup de théâtre. C'est marrant, la vie, non ? Un lundi matin, tu lances « Tu sais pas ce qui m’arrive ? ».
On a déjeuné en tête à tête, tu étais gêné, tu as parlé des sentiments qu’on avait l’un pour l’autre, c’était mignon, on aurait dit deux ados. Tu disais que tu ne voulais pas me faire souffrir, t’as même employé le mot « salaud », si je me souviens bien.
Quelle drôle d’idée ce mot pour parler de toi, pour lequel j'ai tant de respect et d'estime. Je n’étais pas triste, ou si peu, plutôt amusée de ce pied de nez mais surtout, surtout, inquiète pour toi qui commençait tout juste à accepter son départ.
Je ne suis pas sûre que tu m’aies crue, ni même que tu aies compris quand je t’ai expliqué ma philoSophie de la vie, mon côté fataliste. La vie donne même quand elle semble refuser.
Moi je savais déjà que j’avais gagné un ami, un vrai, un de ces hommes que j’aime passionnément et inconditionnellement.
Mon ami, tu serais donc, et bien plus précieux à mon cœur qu’un ex-amant.
Tu opinais de la tête mais ce jour là, comme souvent depuis, j’ai eu la désagréable impression que tu ne comprenais rien à ce que je suis. Tu me vois toujours masquée alors qu’avec toi, ça fait longtemps que je l’ai enlevé, ce p*** de masque.
Pourquoi regretter ce qui aurait sans doute été un beau moment, mais un moment seulement, puisque tes questions s’étaient heurtées à son silence, puisque tu l’aimais encore ? J’ai vécu assez de ruptures pour savoir qu’on ne s’en remet pas si vite.
Je n’ai jamais envisagé ni espéré prendre sa place. J’aurais été ton amie-amante, je t’aurais câliné, pris soin de toi, ça je sais bien faire, t’inquiète pas, à mon âge, on peut pas prétendre ne pas savoir où on met les pieds. Ou alors c’est qu’on se ment.
Plusieurs fois, depuis, tu m’as demandé « Dans le billet d’hier, c’est de moi que tu parlais ? ». Je riais et répondais «Non, c’était pas toi. Tu sais bien, c’est cet homme, là, dont je t’ai parlé… »
Peut-être que tu as douté de ma sincérité, mais c’était vrai, je ne parlais pas de toi.
Tu n’es pas, ou plus, dans mes fantasmes.
Et si ça te déçoit, c’est que t’as rien compris.
(Ca n’exclut pas la possibilité qu’un jour, je te roule une pelle langoureuse, en toute amitié …)