En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
H., le chef de projet de mon client vient me chercher à l’hôtel comme la veille mais cette fois, il propose que nous partagions un thé et s’installe avec moi au bord de la piscine.
Sur l’autre continent, O., mon chef de projet parisien appelle pour faire le point quotidien et H. répond : «J’informe Fiso, elle est juste en face de moi. D’ailleurs, pour tout te dire, nous sommes au bord de la piscine en train de prendre le thé. Est-ce que j’en rajoute ou ça va ? »
Il raccroche et je secoue la tête « Alors là, H., je vais me faire charrier » Pas loupé, quelques minutes plus tard, je reçois un sms de ma collègue parisienne, d’origine marocaine : « Alors, on prend le thé en charmante compagnie au bord de la piscine ?» Je me marre et lui envoie une photo de ladite piscine, pour en rajouter un peu.
Il est l’heure de partir bosser (quand même !). En sortant de l’hôtel, je glisse sur la céramique et me casse la gueule. Fallait bien que ça m’arrive, depuis le temps que j’évite de justesse les chutes sur les trottoirs marocains. Talons bobine de merde ! H. m’aide à me relever « Tu es témoin, H., je n’ai bu que du thé à la menthe ! »
Aujourd’hui je retrouve la pétillante et toute jeune maman S., qui me claque deux bises sonores, et D. qui fait de même, chose surprenante pour un homme. C’est lui que je formerai en priorité. Au fur et à mesure des jours, ma formation s’est faite plus appropriée. Comprendre le mode de fonctionnement d’un nouveau client et discerner ses priorités prend du temps et je n’en ai que peu. Parfois, ce que je pensais de peu d’intérêt pour eux se révèle fort utile, d’autres fois, ce que je suis fière de leur présenter comme une super nouveauté les laisse indifférents. C’est toute la difficulté et l’intérêt de mon métier.
Maintenant que je vais à l’essentiel, nous avançons plus efficacement et D. acquière même une compétence supplémentaire par rapport à ses collègues. Il fume depuis l’âge de 15 ans, soit depuis 11 ans, et je l’accompagne à l’extérieur pour sa pause cigarette qui ressemble à n’importe quelle pause cigarette chez nous. Femmes et hommes se retrouvent, discutent, plaisantent.
« J’ai voté pour toi, D., lance une jeune femme. Catégorie intellectuel ». Curieuse, je demande à D. de m’expliquer de quoi il s’agit. La société organise régulièrement des tombolas. Cette fois, chaque employé est invité à voter pour « le meilleur employé » dans 5 catégories différentes : intelligence, élégance, solidarité, créativité, humour.
Le midi, nous déjeunons devant l’ordinateur des habituels sandwiches au poulet grillé, frites et Coca que je mets dans mon sac, au cas où. Vers 17 heures, je remballe mon matériel. Enfin le week-end, j’ai 2 jours devant moi pour visiter Marrakech, munie de quelques recommandations de restaurants et spas.
Aujourd’hui, pas de chauffeur pour m’emmener chez mon client mais le chef de projet qui sirote un thé sur la terrasse de mon hôtel. Les bureaux se trouvent à 3 minutes à pied de l’hôtel. J’y retrouve C., qui dormait dans le même hôtel que moi à Casa et avait avancé son départ d’une journée, me faisant ainsi soupçonner de l’avoir embarrassé en l’invitant à partager mon dîner du soir.
Pourtant, à la pause, il m’invite à boire un thé à la terrasse d’un café voisin. C. porte son alliance, je lui raconte ma conversation avec M. « Moi je la porte toujours. J’ai des amis qui sortent de la maison avec et la mettent dans leur poche une fois dehors. Je ne trouve pas ça correct. » C. est un jeune marié de 3 mois. Il est originaire de Fès. La journée se passe très bien, parfaitement même car sans problèmes techniques, et nous bossons très efficacement. Peu avant 13 heures, il m’installe en salle de pause « Je vais faire la prière, je reviens ». Nous déjeunons de sandwiches au poulet grillé.
Après ma journée de travail, je retrouve le sourire enjoué des jeunes garçons à l’accueil de l’hôtel El Hadna. Vers 19h, je reçois un sms de J., le baroudeur germanique, qui m’informe qu’il ne trouve pas trace de mon hôtel sur son GPS et propose que l’on se retrouve sur la place Jemaa El Fnaa. Merde, moi qui voulais l’éviter … J. qui m’a écrit la veille : « Mon séjour dans la médina de Fès est chaotique ». Je demande aux garçons de l’hôtel si la place est loin : « Non, 10 minutes ». Cela m’étonne, vu la distance que je devine sur mon plan. « Je peux y aller à pied ? » Oui, oui !
Il cercle l’endroit où nous nous trouvons sur le plan et je pars. A peine sortie de l’hôtel, une femme me demande de l’argent. Ça commence bien. Après une bonne marche de dix minutes, je réalise que je suis dans la mauvaise direction. Je scrute le plan et réalise que le jeune homme s’est trompé de quelques centaines de mètres en situant l’hôtel. Et me voilà arpentant l’avenue Mohamed V qui n’en finit pas. Je me fais siffler par les hommes à mobylette, et un jeune lance «25.000 chameaux » à mon passage. Je t’en foutrais des chameaux, moi … A hauteur du Techno Park, j’en ai ras-le-bol de marcher et demande à .J. de venir à ma rencontre.
« Alors, ça voulait dire quoi, un séjour chaotique dans la médina de Fès ? » « Ben ça veut dire que le premier taxi m’a déposé au mauvais endroit et le deuxième taxi ne connaissait pas l’adresse. Tu peux oublier ton GPS quand tu es dans la médina, donc j’ai tourné pendant 2 heures dans toutes les ruelles avant de trouver mon hôtel ».
Ce mec me fait vraiment marrer ; il a choisi l’immersion totale pour son premier séjour en pays maghrébin et pionce dans toutes les médinas du pays. Comme moi, il apprécie peu ses premières heures à Marrakech. Déjà, il a mis 2 heures à trouver son hôtel dans la médina. « Je crois qu’après le Maroc, ce sera fini pour moi les médinas ». Je préviens J. que je n'ai aucune envie d'aller sur la place Jemaa machinchose et nous cherchons un restaurant local. Nous nous perdons vers la gare routière où l'on vend des grillades en plein air, mais J. n'a pas l'air emballé alors nous nous perdons du côté du jardin Majorelle où nous ne trouvons que des cafés et pâtisseries.
Finalement, nous revenons sur la place du 16 novembre et nous installons à la terrasse du café restaurant Elite où je mange un tajine berbère. En regardant le plan de la ville qu'on m'a donné à l'hôtel, j'estime que nous avons marché quelque chose comme 7 kilomètres. Je rentre à l'hôtel, les hommes dans la rue me lancent des "bonsoir" et "ça va". Non, décidément, je crois que je ne vais pas aimer Marrakech.
Ce matin, nous traversons la ville pour rejoindre le Techn Ppark de Casablanca, une zone d’activité où se trouve beaucoup de sociétés. Là, je retrouve M., que j’ai rencontré le jour de mon arrivée. Le midi, il m’emmène déjeuner de brochettes à la Grillardière.
Nous discutons un peu. M. a passé 3 mois en stage à Paris, entre Voltaire et le 13ème arrondissement. « Quand j’habitais à Paris, je ne connaissais pas mes voisins ». Il demande, comme à chaque rencontre, si je suis mariée, je retourne la question, il répond par l’affirmative. « Et où est ton alliance ?» demandais-je. « Je ne la porte pas toujours ».
Je balaie la salle du restaurant du regard, la plupart des hommes attablés ne portent pas d’anneau à la main gauche. Ils sont pourtant sans doute mariés. Je partage ma réflexion avec M. En France, si un homme marié ne porte pas son alliance, il a des problèmes avec sa femme ». « Et les femmes aussi peuvent ne pas porter l’alliance ? » « Ah non, les femmes c’est obligatoire » dit M. « Ah oui ? Hé ben ! C’est du beau ! » Il se marre et reconnaît que ce n’est pas très équitable. « Moi je peux te dire que si je me mariais et que mon mari ne portait pas son alliance, je ne la porterais pas non plus ! ».
M. fume et nous prenons de nombreuses pauses thé à la menthe-cigarette dans la journée. Le soir, je retrouve Aziz, le fringuant chauffeur que je n’ai pas revu depuis plusieurs jours, toujours aussi élégant dans son costume vert amande. Je lui raconte mon séjour, ma soirée au hammam et lui montre la photo de ma métamorphose. Il me dépose à la gare ONCF de l’Oasis, qui ressemble à s’y méprendre à une gare française. Juste à côté, un bureau de poste, en tout point identique aux nôtres. Pour le dépaysement, on repassera. Il me reste une heure à attendre avant le départ de mon train pour Marrakech. J’avise un café peuplé d’hommes. Rien d’autre. Je déboule avec ma valise et m’installe en terrasse. Au moment où je m’assois, 2 hommes se lèvent d’un même élan. J’ai un moment de crainte. Si tout le café quitte les lieux, j’aurai pas l’air con, moi ! Mais non, tout le monde reste à sa place et je sirote mon dernier thé casablancais. Peu avant 18h50, je rejoins le quai où un chat rôde, chassé à grands gestes par une jeune fille, ce qui me surprend ! Je croyais qu’on aimait les chats, en pays musulman. Mais après tout, peut-être souffle-t-elle d’allergie.
Dans le train, j'écris mes billets en retard. Peu avant l'arrivée à Marrakech, je relève la tête et un homme face à moi entame la conversation. Il vante la beauté de Marrakech et s'étonne que je n'aie pas très envie d'y aller. Originaire de Fès, il a travaillé dans le transport en Europe et connaît bien Paris. Il me questionne sur mon séjour à Casa et ce que j'y ai vu. "Quand certains parlent de travail d'arabe, dit-il, j'aimerais bien qu'ils soient capables de réaliser ce que les artisans marocains ont fait dans la mosquée Hassan II"
En arrivant à la gare de Marrakech, il veut s'assurer que mon chauffeur est bien là. Un monisuer àç la bouille bien ronde, très jovial, m'attend avec sa pancarte à la main. Sur le parvis de la gare, il s'arrête près de 2 enfants. "Ce sont mes enfants", dit-il. Le plus jeune me claque deux bises, puis il grimpe sur la mobylette derrière son grand-frère et ils nous suivent jusqu'à mon hôtel. J'y suis accueillie par de jeunes garçons. Donnant sur une cour centrale , ma chambre, décorée de stuc, est très belle avec ses portes en bois sculpté. Il est 22h30, j'avale une salade vite fait sur la terrasse et vais me coucher.
Après quelques heures de repos, je retrouve Mohammed devant l’hôtel. Il m’emmène à la recherche d’un hammam dans la médina. « Tomate ici, tomate ici, dit-il en se pinçant les pommettes, et après tu vas bien dormir ». Pour le moment, j'essaie surtout de ne pas me casser la gueule dans les ruelles glissantes.
Dans une cour, une femme nous attend et nous ouvre sa porte. Aïcha a la peau noire comme l’ébène et des dents du bonheur qui étincellent dans son large sourire. Elle me fait assoir sur la banquette couverte de tissus, qu’elle a changés pour moi, dit-elle, et s’excuse de n’avoir pas eu le temps de me cuisiner quelque chose.
« Tu veux aller au hammam ? Je vais t’emmener ». J’ai ramené mon gant de gommage de Paris mais je n’ai ni savon ni shampoing. Sur un stand, nous achetons du savon noir à l’huile d’argan et un shampoing à la papaye et huile d’argan. 24 drh pour un pot de savon à l’huile d’argan, soit 2€50 … « A dans une heure trente », dit Mohammed.
Aïcha pousse la porte d’une maison sur laquelle sont peintes des lettres en arabe. Dans une petite pièce, des femmes me dévisagent avec une curiosité bienveillante et la gommeuse m’indique la marche à suivre. Mon irruption dans la salle carrelée de blanc ne passe pas inaperçue; là, c’est clair, je suis l’attraction. On me fait des ourires et des signes, on me savonne le dos, me frotte comme un nourrisson et me déverse des seaux d’eau sur la tête et le corps. Le confort est rudimentaire sur le carrelage blanc mais l’ambiance conviviale. Certaines font des étirements. Une autre femme, Khadija, me tend un pot pour que je me badigeonne le corps de henné. Elle a décidé de m’appeler Sophia et s’amuse à crier mon prénom. En quittant la pièce, les femmes m’envoient un baiser.
Le foulard jaune réapparaît dans l'embrasure de la porte. Aïcha est de retour, il est l’heure de se rhabiller. Visiblement, il est hors de question que je reparte jambes nues dans la petite robe dans laquelle je suis venue. « Tu vas attraper froid » dit Aïcha. Et là, je me retrouve en quelques minutes dans la peau de Nastassja Kinski dans « Harem ». Aïcha me tend un pantalon blanc estampillé « lovely little pig », je ne peux pas m’empêcher de rigoler, et elles avec. La vieille femme très gentille qui a communiqué avec moi par signes dans le hammam m’aide à l’enfiler, puis on me couvre d’une veste en molleton blanc. Enfin, Aïcha applique sur mes cheveux un triangle de coton blanc qu’elle noue sur mon front, puis un foulard couleur caramel. Je me trouve très belle en orientale, il ne manque plus que le khol. « Une vraie femme marocaine » dit Aïcha, visiblement très satisfaite. Les jeunes filles proposent de me prendre en photo et après avoir frôlé l’incident diplomatique, je salue tout le monde d’un baiser envoyé du bout des doigts. A l’extérieur, Mohammed, hilare, est bluffé par la transformation. A un carrefour, Aïcha m’embrasse. « Mais et le pantalon ? La veste ? Les foulards ?». « Tu les gardes. Cadeau. Et quand tu reviens à Casablanca, tu viens chez moi »
« On ne voit plus que je suis une française, hein ? » je demande à Mohammed. « Si, si, on le voit à tes yeux. Mais peut-être que tu as raison, car certaines filles maintenant portent des faux yeux. Alors, peut-être qu’on croit que tu es marocaine ». A y bien réfléchir, le trench années 50 à carreaux noirs et blancs de Mamie Coco trahit sans doute mes origines.
Mohammed s'est arrêté devant une autre porte. Une jeune fille à la peau claire nous ouvre et m'embrasse chaleureusement puis elle nous fait entrer dans un salon couvert de zellige, et assoir sur des banquettes de tissu rouge. Un petit garçon d’environ 6-7 ans me dévisage avec curiosité, il s’appelle Omar. Il ne parle pas français, alors pour l’amuser, j’ai l’idée de sortir mon téléphone et de faire défiler les photos sous ses yeux, seulement il ne veut plus lâcher l’appareil et tapote sur l’écran tactile comme un forcené.
Quelques instants plus tard, Mohammed s’avance dans la pièce, soutenant une femme que je devine encore jeune mais courbée en deux. Elle s’assied à côté de moi, c’est la maîtresse de maison. Elle ne parle pas français, alors Mohammed traduit : elle a eu un accident cérébral, sa fille vient d’accoucher, elle est désolée car tout est rangé pour préparer la fête du mouton qui aura lieu dans moins de 2 semaines. Nous mangeons tous ensemble autour d’un plat de poulet. Mohammed fait répéter à Omar l’alphabet français et m’apprend à écrire mon prénom en arabe. La maîtresse de maison me propose de dormir là et se désole que je reparte en France avant la fête du mouton, à laquelle elle m’aurait conviée. Nous quittons la maisonnée et Mohammed propose un dernier thé à la terrasse de l’Excelsior mais excessivement détendue par le hammam, je baille aux corneilles et ne tiens plus debout.
Je suis un peu triste de n’avoir pas pu dire au revoir à K. et aux autres personnes de la Sqala, où je pensais retourner pour ma dernière soirée à Casa. Mais je suis trop fatiguée et il est minuit trente alors je note l’adresse mail de Mohammed, qui a résolu de se mettre à l’internet, et m’enfonce sous la couette. Quelle journée bien remplie !
Longeant l’enceinte de l’ancienne médina, je me dirige vers le boulevard Félix Houphouet Boigny, hommage à la grande amitié qui unit jadis Mohammed V au président ivoirien. Un homme me croise, me salue, m’apostrophe : »Tu es française ? De Paris ? ». Nous discutons quelques instants. Mohammed connaît bien les français, il organise des excursions à cheval et des cours de kyte-surf dans la région d’Essaouira. Il propose de se promerner. Nous passerons toute l’après-midi ensemble. Il m’entraîne dans la médina, que je commence décidément à bien connaître, et me montre l’hôtel Central, construction française, puis un très ancien hammam construit par les juifs. « Tu veux aller à la place Mohammed V ? Plutôt à la place de la Wilaya. C’est la même chose ! La wilaya se trouve sur la place Mohammed V. Ah ben voilà … Dans les rues de la médina, des clameurs de joie s’échappent des cafés, où les hommes ont les yeux rivés sur un poste de télévision. « Aujourd’hui, il y a un match de foot de l’équipe de Casablanca contre Tetouan (score 2-1 pour Casa) ».
Nous traversons de nouveau en courant l’avenue des F.A.R. - ça y est, maintenant j’ai pris le pli - puis nous débouchons sur la place Mohammed V, et traversons le jardin central. Moahmmed tient à me montrer la statue du général Liautey, emprisonné derrière les grilles du consulat français. De nombreuses barrières bloquent les accès des rues adjacentes. "Avant on pouvait passer ici, dit Mohammed, mais à cause des menaces terroristes, c'est contrôlé", dit Moammed.
Sur l’avenue Hassan II, il m’entraîne dans le parc de la Ligue Arabe où j'ai quitté Joachim, la veille. Là, des joggeurs courent autour d’un stade. Merde, si j’avais su … J’ai amené mes baskets mais la perspective de devoir prendre un taxi pour aller courir sur la corniche m’a découragée. « C’est dommage que tu partes demain, dit Mohammed, on aurait couru ensemble le matin, je t’aurais entraînée, je fais beaucoup de sport.
Derrière le parc, l’avenue est bordée de cafés. « Les étudiants viennent là, le soir, pour boire un verre ». L'endroit est étrangement calme, comparé à l'agitaition de l'avenue.
« Ca te dit de visiter le quartier français ? Tu pourras prendre des photos. Je vais te montrer Casablanca, tu vas être très contente », dit Mohammed. Il regarde mes chaussures à talons d’un air dubitatif. Je le rassure : « Ne t'inquiète pas, je suis habituée, je peux même courir avec ».
Dans le centre de Casablanca, il reste de nombreuses constructions, aisément reconnaissable, de l’époque du protectorat français. Mohammed veut absolument me montrer les vitraux de l’église de Notre-Dame de Lourdes, où il vient parfois se détendre. A l’entrée, il y a une petite grotte. L’architecture de cette église est étonnante, elle est assez sombre.
Dans la chapelle où nous entrons, un homme est en train de prier. Nous ressortons pour ne pas l’importuner mais il nous invite à entrer et entame la conversation avec moi. C’est un congolais de Kinshasa, il est étudiant dans une université proche et repartira au pays dans un an. Une nouvelle occasion de parler de cette bouffe zaïroise qui me manque parfois. « Je m’appelle Emile Zola », dit-il. Dans la nuit, sur Skype, mon ami F. qui commence sa soirée au Mexique m’assure avoir, de son côté de l’océan, rencontré un Victor Hugo.
Nous voici de nouveau sur les trottoirs biscornus de Casa. Il faut toujours regarder ses pieds, car il y a plein de pièges. Les trottoirs font un bon vingt centimètres de hauteur et régulièrement, des tiges de métal en jaillissent. L’agitation a fat place à un quartier très résidentiel, bordé de villas cossues d’où s’échappent des bougainvillées. Enfin, je crois, car enfant de la jungle urbaine, je suis absolument nulle dans l’art de reconnaître fleurs, plantes ou arbres. Le quartier est très agréable et la balade fort plaisante. Nous arrivons devant devant une haute porte, c’est le palais royal, gardé par des hommes en uniforme. On ne voit absolument rien de ce qui se cache derrière la haute enceinte. « Viens de ce côté, dit Mohammed, on n’a pas le droit de longer les murs du palais, il faut marcher de l’autre côté de la route. C’est à cause des terroristes ».
Nous avons atteint le quartier des Habbous, où se trouve la médina construite par les français, à l’identique d’une typique médina marocaine, pour loger les travailleurs. Mohammed pénètre dans une pièce sombre, c’est là que l’on cuit les gâteaux fabriqués de l’autre coté de la ruelle et venus dans la pâtisserie Bennis Habbous. « Une des meilleurs pâtisseries de la ville, on envoie ces gâteaux en France », assure Mohammed, qui prend la pose de bon coeur. Dans la pâtisserie Bennis Habbous, ce sont les hommes qui officient et avec leur accord, je prends des photos de leur petit laboratoire. Dans une boulangerie voisine, deux jeunes garçons m’offrent un morceau de pain tout jute sorti du four. « Les gens font leur pain à la maison et viennent le cuire dans les fours communs » explique Mohammed. Tout comme les Crétois et leurs olives.
Nous voici de retour dans la foule et l’agitation d’un souk. Sur un étal, Mohammed entame au couteau l’écorce tendre de juteuses figues de barbarie, qu’il me tend. Miam. La voix d’al muezzin s’élève tandis que je bavarde et Mohammed m’explique qu’il faut éviter de bavarder ou faire du bruit à ce moment-là. Et c’est vrai qu'autour de nous, les postes de musique qui braillaient se sont tus, tout à coup.
« On a beaucoup marché, on va boire un petit thé. Je vais t’acheter des gâteaux pour manger avec le thé », dit Mohammed. Nous nous installons dans un café et j’observe l’agitation d’un souk. Il y a là des porteurs d’eau, coiffés de drôles de chapeaux rouges, des vendeurs qui frappent la semelle des babouches qu'ils vendent, comme pour attester de leur solidité, et d’autres qui haranguent la foule. "On a marché à peu près 5 kilomètres" dit Mohammed.
Je dois retourner à l'hôtel et nous nous plongeons de nouveau dans l'effervescence du marché. "Les gens commencent à préparer la fête du mouton, dit Mohammed. C'est jeudi prochain". Il m’aide à choisir des babouches pour Oh!91. Le ton monte soudain à côté de nous et j’assiste, médusée, à une engueulade fracassante entre un homme et une femme.
Il est 16h, nous hélons un petit taxi et le chauffeur est un sacré phénomène. Il me raconte que des Français lui ont donné de l'Immodium pour stopper ses problèmes de diarhée dûs à un abus de merguez. Puis il parle de Sheila qui aime les chiens et les chats, je me demande s'il ne confond pas avec Brigitte (Bardot). Ce type est incroyablement drôle, on dirait Khadafi en beaucoup plus jovial. Il essaie de me convaincre de me marier parce que "Le mariage, c'est bon, le mariage".
En chemin, il pointe du doigt un jeune qui titube, complètement bourré. Il raconte sa visite en France, en 1975 et éclate d’un rire franc quand je raconte que je veux revenir faire du cheval avec Mohammed. Je suis moi-même pliée. Je n’ai pas compris la raison de son hilarité mais j’étais ravie de le faire autant rire.
Arrivée à l'hôtel, j'enlève mes chaussures avec soulagement. Pas mal, mes chaussures de marche, non ?