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  • Dernière fois à la Sqala

    Dimanche matin, je franchis les portes de la Sqala quelques minutes seulement avant la fin du service du petit-déjeuner. Cette fois, je délaisse le gargantuesque ftor et choisis l’assortiment de crêpes marocaines avec un jus d’oranges pressées. K. m’offre en surplus fromage, olives et pain.

    Dans le patio ensoleillé, autour de la fontaine, les familles sont attablées. Les enfants font des caprices, hypnotisés par les jets d’eau, une petite fille, qui ressemble à ma  nièce avec son bandeau rose dans ses cheveux bouclés joue à « tu me vois, tu me vois plus » derrière le muret vert. Son petit frère arbore un tee-shirt « mon papa c’est le plus cool ». Le chat fait sa toilette, confortablement installé sur une galette de paille tandis que la jeune fille qui ressemble – de loin – à Pocahontas avec sa jolie natte tressée de mèches auburn place les clients. Je suis subjuguée par sa beauté et sa grâce.

    J’ai passé plus d’une heure à lire et observer mes voisins ; il est temps de partir à la découverte du centre de Casa. A la sortie, j’hésite quelques instants et tente le tout pour le tout. Je me penche vers Pocahontas qui me salue déjà de son sourire magnifique et lui dit «  Excusez-moi, mais je voudrais savoir s’il est possible que je prenne une photo de nous deux ensemble. Je vous trouve très belle ». Elle sourit et acquiese. « Et moi, je ne suis pas sur la photo ? Je suis jalouse » dit sa collègue, qui porte le prénom d’Esperanza. Nous prenons plusieurs photos, sur lesquelles l'espérance et la vertu m'entourent, nous discutons quelques minutes et échangeons nos adresses e-mail.

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    Sur l’invitation de A., je grimpe sur la terrasse qui surplombe la Sqala, et prends quelques clichés du port et des environs avant de m’éloigner. Je ne savais pas que ce serait ma dernière fois à la Sqala, en tout cas pour ce séjour. Tu avais raison, F., la Sqala est un endroit génial et tout à fait authentique. La gentillesse du personnel, les boutades du gérant  et le plaisir simple d'être là, à l'ombre des orangers, et même sur les inconfortables chaises en métal, à observer discrètement les familles casablancaises me manquera.  

  • Un dîner avec J. le Fribourgeois

    Peu avant 20h, mon petit taxi dépasse un grand blond visiblement soucieux, penché sur son téléphone portable, regardant en avant, en arrière, mais la circulation est si intense qu’il n’est pas question de s’arrêter là. Devant la Sqala, j’envoie un sms à J. « Je t’ai dépassé en taxi. Traverse la route et continue, c’est plus loin ». « Mon GPS ne trouve pas le restaurant ». J’ai oublié de préciser à J. que le nom du restaurant n’est pas visible du boulevard. Je repars en arrière et lui fais de grands signes. Il traverse la route en courant, au milieu des voitures. Le pauvre, ça doit bien le changer des balades dans Berlin …

    La jeune serveuse mi-danoise mi-hollandaise mais parlant arabe m’accueille avec son sourire habituel. Je serai vite oubliée mais pour l’heure, je me laisse aller au plaisir d’être accueillie en habituée. J’ai l’impression que K.  boude un peu tandis que je m’installe avec J. Je commande l’habituel cocktail puis une poêlée de calamars, dont j’avais oublié qu’elle constituait un plat à elle seule, ensuite un tajine de poulet au citron confit puis je fais encore un peu de place pour la fameuse pastilla au lait, vantée par F. La pâte feuilletée, fine, croustillante et imbibée de lait sucré est un délice pour les papilles.

    J. choisit, sur mes conseils, la kémiah fruits de mer et le croustillant de banane au chocolat et malgré mes conseils, l’assiette du pêcheur. Bluffé par le cadre, les musiciens traditionnels et la saveur du repas, il ne cache pas son plaisir et tape dans ma pastilla avec gourmandise. Nous discutons de l'Allemagne, de Berlin, de Paris, de la seconde guerre mondiale, du regard encore porté par certains sur les Allemands, de son année à Paris. C'est la première fois que J. voyage dans un pays musulman et il attendait ses vacances avec impatience. Je sollicite K. pour des recommandations à J., qui, à cause de moi, hésite désormais entre Essaouira et Agadir. « Il fait froid à Essaouira, dit K., allez plutôt à Agadir ».

    Après ce copieux repas, je propose une balade digestive à J. Nous faisons un détour par son hôtel, l’hôtel Central, à l’intérieur de l’ancienne médina, puis partons en direction de la corniche. Nous marchons très longtemps, dépassons la mosquée puis des pêcheurs. Je voudrais aller boire un verre dans un des bars recommandés par F. mais alors que nous approchons du phare El Hank, nous ressentons la fatigue et rebroussons chemin dans un petit taxi.

    Devant la médina, nous convenons de nous retrouver à Marrakech, quelques jours plus tard, et je lui souhaite un bon séjour à Fès, qu’il rejoindra le lendemain en train.

  • Casablanca avec K. le gentleman

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    F. le lover hispanique m’avait recommandé, la veille, une adresse pour changer de l’argent, sur le boulevard Houphouet-Boigny. Le numéro indiqué est un magasin de vestes et sacs en cuir. J’ai dû me tromper. Pourtant, lorsqu’un homme, assis devant une boutique voisine, me propose du change, je comprends que les commerçants marocains sont polyvalents. J’entre dans la boutique, un vieux me fait signe d’entrer dans sa guérite, au fond, et compte les billets devant moi : j’obtiens 660 drh pour 60€.

    Il est 15h, je m’attable à la Taverne du Dauphin et commande une friture de poissons. Le service est bien plus long qu’à la Sqala et mon plat arrive à l’heure où j’ai rendez-vous avec K. Je traverse le boulevard en courant, personne devant mon hôtel. K., posté à l’écart, s’approche timidement de moi, dans un blouson de moto. Depuis mon arrivée, je m’étonne que les gens soient si couverts car pour moi, il fait chaud. J’invite K. à m’accompagner au restaurant, le temps que je finisse mon repas. Il s’installe face à moi pendant que je termine mon déjeuner de merlans, solettes, crevettes, éperlans et calamars, savoureux mais bien trop copieux.

    K. n'a que 2 heures devant lui. Je suis touchée qu'il me consacre sa pause. Nous montons dans un petit taxi qui nous dépose au pied des Twin Center. J’esquisse un geste pour payer mais comme Charaf, quelques jours plus tôt, il repousse ma main avec une fermeté qui n’autorise aucune contradiction. K a pensé me faire plaisir en m’emmenant dans un centre commercial à l’européenne alors j’occulte les Zara, Mango et autres et me concentre sur les vitrines exposant des tenues colorées et scintillantes. K. m’explique les différences entre caftans, jellabas et gandouras. « Il y a beaucoup de monde car aujourd’hui, c’est un jour férié, en mémoire de la Marche Verte », m’indique K.

    Et qu’est ce que c’est la Marche Verte ? K. répond à ma curiosité, que je satisfais plus encore le soir-même, sur internet. La Marche Verte, c’est une marche pacifique qui eut lieu le 6 novembre 1975 et permit aux Marocains de récupérer le territoire du Sahara .occidental, occupé par les Espagnols.

    Pour un morceau d'histoire, chère à Mamz'elle Gigi, c'est ici.

    K. m’offre un thé dans un café voisin et je force un peu sa timidité pour le connaître mieux. Il vit avec sa mère et sa famille, un peu en dehors de la ville. Il a fait une école hôtelière  et me briefe sur les usages en matière de pourboire. "Ce n'est pas compris, comme chez vous. Ici, on laisse en général 10% de la note". Quand on voit la "qualité" du service compris en France, on se dit que le service non compris a du bon. Enfin, c'est mon avis. Peu avant 18h, K me dépose à mon hôtel et retourne travailler. Le vouvoiement dont il n'arrive pas à se départir, trop bien formé, la fierté que je devine et la pudeur de ce garçon m'ont durablement troublée.

  • Une balade avec J. et son GPS

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    Nous quittons la mosquée et nous engageons sur une route poussiéreuse, bordées de cabanons. Ça ressemble fortement à un marché aux puces : des matelas sont empilés, des cadres de lit, des meubles, de la ferraille, de l’électro-ménager. Un vieux recoud un matelas, un autre répare des vélos, le thé à la menthe mousse dans les verres étroits.

    Je fais connaissance avec mon compagnon de route, qui a vécu une année à Paris, dans la maison Heinrich Heine, au cœur du parc de la Cité Universitaire Internationale dans lequel je m’adonne à mon jogging dominical. J. parle très bien français. Il est originaire du sud de l’Allemagne mais vit à Berlin. Pendant que nous cheminons, J. tente de nous localiser avec son GPS.

    Nous voici maintenant au cœur d’un marché où l’on vend fruits, légumes, épices et ustensiles de cuisine. Les mobylettes fendent la foule, t’as pas intérêt à faire un écart. Nous avons un peu mal aux guiboles alors nous entrons dans une boutique pour acheter un jus de fruits fraîchement pressé. Je reste perplexe devant la carte en arabe et balbutie. « Mélangé ? » demande le vendeur derrière son comptoir. Excellent idée, tiens ! 2 mélangés. « C’est à quoi ? demande J. « Ben si tu lis l’arabe, tu me le diras. Sinon, t’occupes, c’est bon ». Pour un peu plus d’1€, le monsieur préposé aux cocktails broie devant nous des fruits secs et actionne sa centrifugeuse pour nous livrer un grand verre d’un liquide laiteux et orangé, dans lequel je retrouve des morceaux de brugnons, bananes, fraises et autres. C’est délicieux et consistant et nous le sirotons sur une petite table, devant la boutique.

    Par hasard, nous retrouvons l’avenue des FAR. J., un peu désemparé, se demande comment nous allons la traverser. « Il faut courir! Bienvenue en Afrique ! » dis-je en rigolant.

    Nous voici maintenant sur le boulevard  Hassan II. Les trottoirs sont éventrés en vue du nouveau tramway qui va équiper Casablanca. C’est la première fois, depuis mon arrivée, que je m’aventure au cœur de la ville. Au-dessus d’une boutique,  je reconnais un visage familier qui pose pour une pub de Maroc Telecom : c’est Jamel Debouzze, l’enfant du pays.

    Après la place Mohammed V, au niveau du parc de la Ligue Arabe, j’abandonne provisoirement J. : il est l’heure de rejoindre K. devant mon hôtel.  

  • Le trône de Dieu sur l'eau, Chadia et Dagmar

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    10h, je m’installe dans le patio de la Sqala pour le ftor dont on m’a vanté les délices. On m’apporte jus d’oranges pressées, café Lavazza et milk-shake aux dattes, amande et fleur d'oranger. A ma gauche, un présentoir de coupelles contenant huile d’olive, huile d’argan, amlou et miel et au-dessus, les délicieux petits pains ronds, du fromage Jben et des olives.

    Dans une jolie assiette en céramique bleue, une baghrir, délicate crêpe à trous dont je me régale chaque matin, un msemen, cousin des mutapas indiens de Ma Shik Shik, une harcha, sorte de blini de semoule et un sfenge,doughnut aérien. Il faudra que je m'essaie aux recettes du livre de cuisine marocaine que m'a offert mon amie Esperanza. J'ai désigné mon cobaye : Boug', chevalier sans peur et sans reproche. 

    Et pour finir, comme si ce n'était pas assez, sous un chapeau en terre cuite se cache une brouillade d’œufs au khlie en tajine, un chouia trop salée pour moi.

    Il est maintenant 10h30, la visite guidée commence dans 30 minutes. Je hèle un petit taxi qui me dépose en dx minutes devant l’immense esplanade qui abrite le complexe culturel et religieux Hassan II, dont la mosquée du même nom, deuxième plus grande mosquée au monde après la Mecque. Marcher de la route à la billetterie prend déjà 5 bonnes minutes. Je repère un groupe sous un panneau « langue française ». Derrrière moi, une jeune femme s’impatiente. « Excusez-moi, ticket ? » me demande-t-elle. « Oui » et puis après quelques instants, je lui demande si elle est française. Non elle est allemande et devinez d’où ? De Berlin ! Quand je vous disais qu’il se passe un truc cette année entre moi et l’Allemagne … Dagmar est fort sympathique et je propose que nous nous retrouvions sur le parapet après la visite. Je file car mon groupe a déjà commencé la visite. Le temps d’enlever mes chaussures, je tente le premier groupe. Ah non, là c’est espagnol. Je m’apprête à en rejoindre un autre mais je reconnais la connasse qui a répondu fuck you à des gamins qui criaient « Welcome to Morocco ». Anglais, donc. Et celui-là ? Je tends l’oreille. Yep !

    Notre guide est jeune et a beaucoup d’humour. Il explique la volonté du roi Hassan II de construire un édifice religieux permetant la rencontre de différentes religions et pointe la forme rectangulaire de la mosquée, similaire aux cathédrales, ainsi que les mezzanines, similiares à celles que l'on trouve dans les synagogues. La liste des différents matériaux utilisés pour édifier cette majestueuse mosquée est impressionnante: plafonds en bois de cèdre sculpté, sol en marbre, colonnes en granit, zellige décoré sur place. La mosquée est équipée d’un toit ouvrant « pour donner de l’air aux fidèles, dit notre guide, mais maintenant le problème ce sont les pigeons ». Au fond sur deux colonnes en granit, l’arbre généalogique de Hassan II est sculpté en lettres d’or. En acajou incrusté d’ivoire, le minbar, chaire de prêche « à ne pas confondre avec le minibar »,précise le guide. Il nous donne « 5 minutes pour japoniser » puis nous descendons dans la salle des ablutions où se trouvent 41 fontaines, et enfin le splendide hammam qui n’a jamais été utilisé à ce jour.

    A l’extérieur, je m’assieds sur le parapet où se trouve déjà des familles et des touristes. En contrebas, des gamins jouent dans les vagues de l'oécan, d'un bleu-vert laiteux. Bientôt j’aperçois la jupe rouge de Dagmar. Elle me présente Joachim, un autre berlinois mais originaire de Fribourg, rencontré la veille à l’aéroport. Joachim est quasiment le sosie de mon ami irlandais Cliff et il parle très bien français. Nous prenons des photos de la mosquée et des environs. A ma droite, accoudées au parapet, 3 femmes coiffées de foulards nous observent en souriant. La plus jeune d’entre elles me parle, mais en anglais, étonnamment. Chadia a 21 ans, elle est étudiante en décoration intérieure et elle me présente ses compagnes, qui ne parlent pas français. Khadija porte un joli ensemble mauve, elle semble assez timide, contrairement à la troisième qui rit beaucoup. Je leur montre sur mon téléphone les photos que j’ai prises depuis mon arrivée, elles se marrent quand je parle du ftor, et puis des photos de Paris et de mon frère, et j’en profite pour réviser mes pauvres notions d’arabe, oui, c’est bien mon khouya. Elles sont surprises de mon âge, autant d’ailleurs que je le suis d'apprendre que je suis la plus âgée des 4.

    « Tu es sur Facebook ? » demande Chadia. Et merde ! Chadia a eu raison de ma réticence, cette fois ça y est, je m’y colle. En attendant nous échangeons nos adresses e-mail.

    Dagmar réapparaît, elle est délicieusement exubérante et nous offre un récital privé, d’abord Milord et puis en guise d’adieu à nos amies casablancaises, une chanson en allemand. Car Dagmar est chanteuse à Berlin et je rêve déjà de l’y écouter. Un extrait de l'ambiance, ce matin, sur l'esplanade de la mosquée :


    podcast

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    J’embrasse Chadia et ses amies / famille ? et comme Dagmar a déjà un programme, je propose à Joachim d’aller se promener ensemble avant que je ne retrouve K., le gentleman serveur de la Sqala, à 15h30.