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  • Droit de réponse d'un salarié d'une multinationale de l'eau

    Suite à mon billet sur "Water makes money", j'ai reçu par mail le témoignage d'un salarié d'une des multinationales incriminées dans le film. Avec son autorisation, je reproduis ici son commnentaire.

    La seule chose que je sais AVEC CERTITUDE, c'est que le retour en régie n'est pas LA solution DANS L'ABSOLU. Je peux faire le même film sur les abérations des régies à travers le monde.

    La vérité est dans la coexistence des deux.

    Pour le film et ta question, les aberrations ont eu lieu il n'y a pas si longtemps (20 ans). Parer la sphère publique de toutes les vertus est avoir la mémoire courte : il n'est pas si loin le temps des emplois fictifs et des marchés truqués...

    Actuellement en France il y a de gros mensonges de la sphère publique sur les chiffres : dans les Landes, Emmanuelli fait travailler des employés du budget général sur les Sce de l'O et de l'A, dans le Vaucluse, les syndicat retournés à la régie truquent leurs chiffres techniques publics pour se parer de vertus de bons gestionnaires, mais un bon pro peu rapidement trouver sur internet (site des Agences de Bassins) des chiffres différents et moins glorieux pour eux.

    De plus on ne peut ignorer l'importance des groupes sur "le savoir faire" Français en la matière. Même le "héros" du film a été formé par 30 ans chez Véolia !!! Et être très impliqué dans les facs est plutot un compliment, alors que cela est reproché au film !!

    Laisser l'opération du service au public est une TRES dangereuse chose car cela revient à créer une situation de juge et partie EVIDENTE. La dérive est potentielle et malheureusement l'histoire l'a prouvé, probable...

    Certes aujourd'hui, en France, on a atteint une gouvernance et une technicité qui permet à des régies de bien travailler, surtout qu'elles sont avides de s'opposer à "GRENOBLE". Je le reconnais. Mais de là a en faire un modèle...

  • Conclusion d'une leçon humaine

    Dans l’avion qui me ramène vers Paris, je savoure le confort d’être seule sur ma rangée. Le service des stewards d’Air Atlas est bien plus convivial que celui des navigants de Royal Air Maroc, à l’aller.

    Je suis perdue dans mes pensées et les questions tournent dans ma tête. Partagée entre la joie de cette journée riche en enseignements et le regret de n’avoir commencé à cerner que le jour de mon départ une infime partie de la mentalité marocaine, je me promets de poser à mes amis maghrébins les questions que je n’ai pas osé formuler auprès d’Ibrahim.

    Peu après le décollage, un homme s’installe sur ma rangée, côté couloir. Il lit puis somnole un moment. Je l’observe, c’est un très bel homme d’une soixantaine d’années, à l’allure fort élégante. Lorsqu’il se réveille, je trouve un prétexte pour engager la conversation. Après un voyage au Vietnam, il a retrouvé le Maroc. Sa dernière visite remonte à plus de 20 ans. Il dit sa surprise de trouver le pays si changé. « En mieux ou en moins bien ? » « En mieux ! C’est incroyable les progrès que fait ce pays ! Les routes et autoroutes qui se construisent, le développement des infrastructures, les immeubles en construction à travers la ville. Il y a 20 ans, nous étions assaillis par une nuée de gamins dès la sortie de l’hôtel » Il reconnaît aussi une augmentation du nombre de femmes voilées dans les rues de Marrakech.

    Je profite de sa connaissance du pays pour lui poser les questions qui m’ont taraudée tout au long de cette journée. Ce qu’en bonne occidentale j’ai pris pour une tentative de profiter de la cupidité légendaire du touriste ne serait-elle qu’un échange de bons procédés ? Car après tout, sans Ibrahim, j’aurais payé mes achats au prix fort. De plus, cheminer en sa compagnie m’a préservée d’être importunée.

    Mon compagnon provisoire confirme mes doutes. « Les Marocains savent ce que veulent dire fraternité et solidarité. Il est normal, sans tomber dans l’excès inverse, de rétribuer un service rendu ».

    Me souvenant de la mendiante buvant dans le verre de thé, du morceau de pain tendu au cireur de chaussures et du tajine poussé discrètement vers l’homme affamé, je raconte le cheminement qui s’est fait dans ma tête depuis le début de mon séjour. Je réfléchis à voix haute et il étoffe mes propos. Je me souviens aussi de mon ami F., exilé au Mexique, qui distribuait des piécettes dans les bouchons interminables de Mexico. En Europe, on n’aime pas les pauvres parce qu’ils nous renvoient une image de l’humain que nous ne supportons pas. Dans les pays musulmans, la charité est un geste naturel du quotidien. Il  y a un devoir de charité envers le pauvre et lorsqu’on cuisine, une part lui est réservée.

    Je me console de ma méprise : « Il y a eu des incompréhensions et des malentendus des deux côtés. C’est ainsi que se construit l’amitié, après tout. Au début, on se cherche, on se teste, on apprend à connaître l’autre. C’est ça la richesse des rapports humains. Le principal, c’est d’apprendre de l’autre ».

    Cette conclusion, qui ce soir justifie le prénom qu'on m'a donnée, me fait du bien. Il y aura, je l'espère ardemment, d’autres occasions de faire amende honorable auprès d’Ibrahim, Mohammed et toutes les personnes que j’ai rencontrées.

     

  • Shopping et fraternité avec Ibrahim le Berbère

    Ce matin, je m’installe en plein soleil pour mon dernier petit déjeuner. Une femme, élégante dans sa tenue à carreaux noirs et blancs, est assise quelques tables plus loin avec ses deux petits enfants. « Laissez passer la dame » dit-elle aux deux petits qui jouent au bord de la piscine. « Je profite du soleil car je rentre à Paris  ce soir » lui dis-je. « Vous avez raison » dit-elle avec un charmant accent du sud-ouest de la France. Elle est originaire de Fès, vit à Toulouse et est en vacances ici. « J’ai une cousine à Marrakech, mais nous préférons être à l’hôtel » dit-elle. « Pas facile d’être un touriste dans son propre pays », dis-je.

    Je confie ma valise et mon ordinateur au jeune homme de l’accueil et lui lance « Je n’ai pas aimé le spa hier. C’est pour les touristes ». Il est surpris. Je lui demande s’il se fait gommer par des femmes quand il va au hammam et s’il n’y passe que 45 minutes. « C’est parce que nous pensons que les  touristes ne supportent pas la chaleur comme nous » objecte-t-il. J’évoque aussi le prix excessif d’une séance de hammam de 45 minutes. « Vous avez payé pour 2 personnes. Cela coûte cher de chauffer un hammam pour une seule personne. C’est pour cela que la femme insistait pour que vous le fassiez ensemble ». Il semble sincèrement désolé et dit qu’il va transmettre mon mécontentement. « C’est la première fois que nous avons une réclamation à leur sujet » assure-t-il. « C’est parce que les touristes ne connaissent pas les hammams traditionnels alors ils sont contents. Mais moi je connais et je sais que dans les hammams, les hommes ne sont jamais gommés par des femmes, ni l’inverse et que cela prend plus que 20 minutes pour que les pores de la peau se dilatent ». Je m’apaise car je commence à comprendre, d’une part, qu’ils m’ont crue en couple avec J., le touriste teuton, bien que je le leur aie présenté comme un ami, et d’autre part qu’ils ont pensé qu’un hammam privatif nous plairait.

    Je quitte l’hôtel et prend la direction de la Koutoubia. J’envoie un sms à Ibrahim « Je suis en route. Si tu es dispo, on peut boire un thé dans l’après-midi ». J’ai promis de le contacter mais n’ai pas envie de passer la journée avec lui. Laissant à ma gauche la place Jemaa el Fnaa, je chemine sur l’avenue Houmane El Fatouaki. Je tourne à gauche et passe devant un café quand j’entends crier mon prénom. Ibrahim me rattrape. « Tu ne m’as pas contacté ? » « Si, je t’ai envoyé un sms il y a 30 minutes ». Il scrute son téléphone, je lui montre le mien. « C’est quoi ton programme ? » « Je dois acheter quelques cadeaux, un plat à tajine pour ma petite sœur, et puis je rentrerai récupérer ma valise à l’hôtel. Je prends l’avion à 18h15 ». « Nous n’avons pas beaucoup de temps » dit Ibrahim.

    Nous convenons de faire les emplettes en fin de journée. Ibrahim m’emmène  devant l’entrée de la Kasbah de Marrakech. En cheminant, je lui raconte la soirée de la veille et ma colère après le spa et le jeune homme dans la rue qui ne demande pas d’argent mais en demande quand même. Ibrahim ne semble pas comprendre la raison de mon agacement. « Toi tu n’aimes pas ce qui est traditionnel, dit-il. Tu n’aimes pas la charité ? » Je ne comprends pas ce qu’il sous-entend mais n’insiste pas. Ibrahim voudrait que nous prenions des photos et je sollicite un Français à lunettes rondes et rouges, assis sur un banc dans les jardins entourant la mosquée, que je soupçonne d’être à la recherche de jeunes garçons. « Tu me les enverras ? » demande Ibrahim.

    Il propose un thé à la terrasse du café Al Maghrib. Ibrahim s’étonne que mes amis musulmans en France ne me parlent pas de religion. « Ils m’en parlent si je leur pose des questions ». Après quelques minutes, Ibrahim se lève « Je vais devoir te laisser pour aller à la prière, dit-il. Tu veux bien m’attendre ? »

    Ibrahim vide son verre de thé et s’éloigne, son tapis de prière roulé sous le bras. Comme lui, des dizaines de personnes envahissent les jardins et convergent vers la Koutoubia. Lorsqu’il réapparaît, j’ai un peu la nausée. J’ai bu beaucoup de thé, les baghrirs du petit déjeuner sont digérées depuis longtemps et le soleil cogne fort, je me sens un peu faible. « Il faudrait que je mange » dis-je à Ibrahim. Il m’emmène dans le restaurant berbère où, plus tôt, j’ai pris en photo les tajines alignés sur des braises. La terrasse ne compte que des hommes. Nous nous installons sous la télé. « Je n’aurais jamais osé venir là seule », dis-je à Ibrahim. « Pourquoi ? Il n’y a pas de problème, tu t’installes où tu veux » assure Ibrahim. Le patron, un moustachu aux yeux de braise, pose devant moi un plat à tajine brûlant et noirci, rempli de pommes de terre, tomates, carottes, petits pois et oignons, sous lesquels se cachent des morceaux d’agneau que je finis aux doigts. Il échange quelques mots avec Ibrahim, je suppose qu’il veut savoir d’où je viens. « Il veut faire une photo avec toi avant que nous partions » dit Ibrahim qui n’a pas faim et me regarde manger.

    A la télé, on annonce une température entre 2 et 8° à Paris, contre 28 ici. Le réveil demain matin, à Paris, promet d’être maussade …

    Derrière nous, un homme se retourne et dit quelques mots à Ibrahim. « Fais attention à ton sac, dit Ibrahim » « Il n’y a pas de problèmes de sécurité, ici », di-je. « Tu vois, les Berbères sont gentils » ajoute Ibrahim. « Vous vous reconnaissez facilement ? » demandé-je. « Bien sûr. Les cireurs de chaussures, là, dans la rue, ce sont des Arabes, par exemple ».

    Nos voisins se lèvent, nous saluent et quittent l’endroit. « Je vais t’expliquer quelque chose, dit Ibrahim en baissant la voix. Tu vois, le monsieur derrière nous, qui t’a dit de faire attention à ton sac à main. Et bien, lorsqu’il s’est levé, il a poussé le plat de tajine qu’il n’a pas fini pour que l’homme assis face à lui puisse le manger ».

    «  Manges le pain » dit Ibrahim en désignant la corbeille que je n’ai pas touchée. « Non, ça va, il y a des pommes de terre dans le tajine, c’est assez ». Il insiste. Au moment de nous lever, il appelle un des jeunes cireurs de chaussures postés devant les grilles du restaurant et lui tend le pain rond que j’ai à peine entamé. Le jeune se saisit du pain en nous décochant un grand sourire qu’Ibrahim lui rend en l’accompagnant de quelques mots. Il n’y a visiblement aucune gêne, ni d’un côté ni de l’autre. En France, les regards sont souvent fuyants et la gêne palpable entre celui qui tend la main et celui qui donne une pièce.

    En me levant, je suis songeuse. Ce déjeuner avec Ibrahim m’a appris beaucoup sur les rapports entre les Marocains. Je commence à comprendre ce que voulait dire Ibrahim ce matin en évoquant mon rapport à la charité.

    Alors que nous nous éloignons, le patron du restaurant surgit de l’arrière du restaurant, agitant les bras. Je me plie avec plaisir à une séance photo avec lui devant son barbecue de plats à tajine.  

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    Ibrahim m’invite maintenant à visiter le marché artisanal puis il m’entraîne dans le vieux marché juif. Ca pue le poulailler et pour cause, des dizaines de volatiles vivants sont enfermés derrière des grillages. On y vend aussi des poissons et des fruits et légumes. Ibrahim montre une plante d’un vert-grisâtre. « Ca c’est interdit chez vous, je crois ? C’est de l’absinthe» Je ressors le mot appris d’Omar, le stagiaire du premier jour. « Ah, ça s’appelle flio en arabe, c’est ça ? » « Ah non, ça c’est chiba. Flio, c’est une variété de menthe, c’est autre chose ». Ben merde alors.  

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    Ibrahim me fait visiter une boutique artisanale sur la place des Ferblandiers puis il m’emmène dans une pâtisserie où j’achète un kilo de cornes de gazelle et autres douceurs, que j’offrirai en France.

    L’heure du départ se rapproche. Ibrahim m’entraîne dans les passages étroits de la médina, sillonnée par des mobylettes. Je suis surprise de n’y croiser aucun touriste. Il négocie pour moi 3 pots de savon noir à l’huile d’argan et 2 gants de gommage pour 32 drh ( !). Et dire que j’ai payé un pot de savon noir 24 drh à Casa, ce qui était déjà très peu cher. Maintenant, Ibrahim m’emmène acheter un plat à tajine « Pas là, ce n’est pas de la bonne qualité » dit-il. Il s’arrête devant un étal proche de la Kasbah. Je montre les plats vernis décorés d’arabesques « Mauvaise cuisson, dit-il. Prends plutôt celui-là ». Il essaie différents couvercles, s’assurant d’une fermeture étanche, et j’emporte un plat emballé dans du papier journal pour 30 drh. « Si je n’avais pas été avec toi, il t’aurait vendu un couvercle ébréché. Fais attention, à la première utilisation, il faut que tu chauffes progressivement l’argile ».

    Dans la rue Riad Zitoun El Kedim, Ibrahim cache le plat à tajine sous son bras. « Regarde discrètement à gauche et dis-moi si le vendeur nous regarde. Je cache le plat parce que c’est un ami et qu’il serait vexé que je t’aie emmenée acheter ailleurs que chez lui ».

    Nous prenons un dernier thé sur un trottoir, à l’ombre de camionnettes garées. Il a fait très chaud toute la journée. Ibrahim me donne son adresse pour que je lui expédie les photos prises car il tient visiblement à les avoir sous format papier. « Qu’est ce que je peux offrir à un jeune homme marocain ? Et à une femme ? » Tu veux offrir un cadeau à la noire du hammam de Casablanca, c’est ça ? demande Ibrahim. J’acquiesce. « Ce n’est pas comme vous, nous n’offrons pas des fleurs ou des parfums. Les vêtements, c’est bien » dit-il.  

    Ibrahim hèle un taxi et m’accompagne jusqu’à l’hôtel. Sur le trajet, je savoure une dernière fois le spectacle de la circulation marrakchi.

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    A l’accueil, il y a un africain en costard-cravate. Le flambeur typique. « J’étais avec mon couturier Thierry Mugler et bla bla bla… » Je suis occupée à essayer de caser mes derniers achats dans ma valise, aidée du portier et l’ignore. Le cousin africain essaie tant bien que mal d’entamer une conversation avec moi mais j’élude ses questions alors il sort l’artillerie lourde. « Madame, vous avez une morphologie d’africaine. Une très belle africaine, c’est incroyable ! ». « Incroyable mais vrai » dis-je en levant les yeux au ciel et en lançant un clin d’œil complice au jeune garçon de l’accueil. Le patron semble surpris du discours sans équivoque que me tient l’homme. C’est fait que le frère ne fait pas dans la dentelle, il y va franco et insiste : «  Madame, quel dommage que vous partiez, je vous aurais conviée à partager un repas avec moi». 

    Je salue tout le monde, les remercie de leur accueil. « Un bisou » dit Mohammed en saisissant ma main pour y déposer un baiser courtois, réitéré par le patron. Je plante le cousin africain et monte dans un taxi avec Ibrahim qui m’accompagne jusqu’à l’aéroport. Sur la route de l'aéroport, les promeneurs sont nombreux dans le jardin exotique de La Menara.

    Devant l’accès aux salles d’embarquement, j’embrasse Ibrahim. Je ne lui dis pas qu’il a illuminé mon séjour à Marrakech et que j’ai honte de m’être méfiée de lui. Je ne lui dis pas que j’ai appris plus en sa compagnie qu’en visitant des monuments, seule.

  • Arnaque XXL

    J’ai donné rendez-vous à J. devant le Théâtre Royal, où une tente installée pulse de la musique moderne.  Je découvre la très belle et toute neuve gare de Marrakech.  Pour une fois, c’est J. qui est en retard et je me divertis en observant le manège sur le carrefour.

    Entre les coups de klaxon intempestifs, les coups de sifflet stridents du policier en uniforme qui règle la circulation et la musique moderne, la cacophonie est impressionnante. Sur le rond-point, on trouve de tout : les vélos, plus ou moins transformés en mules, qui fendent la circulation, frôlés par les voitures, un vieil homme qui s’élance sur sa charrette conduite par un âne, les mobylettes pétaradantes sur lesquelles on trouve parfois 3 personnes : 1 sur le guidon, 1 sur la selle et 1 sur le porte-bagages. Finalement, pratiquer le 2 roues dans Paris est une balade relaxante, comparé à ici.

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    J. apparaît à ma droite, nous nous mettons en route vers le jardin de Majorelle, évitant les nombreux pièges des trottoirs marocains. Les calèches à cheval postées devant l'entrée du jardin et les nombreux vendeurs témoignent du caractère ultra-touristique de l'endroit, qui pullule de Français. Peu propice à la rêverie, le jardin est tout de même très beau, écrin vert tendre dans des tonalités de bleu roi.

    Dans le jardin des cactées, que j'affectionne plus particuilèrement, je fais profiter J. de mes maigres connaissances en botanique, et lui apprends que le cactus qu'il voit, là, est très nutritif. Il produit les figues de Barbarie, on en tire aussi la célèbre tequila et au Mexique, on mange même ses feuilles.

    Outre un mémorial rendant hommage à Yves Saint-Laurent, qui racheta Majorelle, le jardin compte un salon de thé. Le thé à la menthe y est facturé 30 drh, hé bne, on se torche dans la soie, ici, quand on sait que le thé à la menthe ne coûte jamais plus de 10 drh.

    Il est 16h et nous n'avons pas déjeuné. J. propose d'acheter des pâtisseries dans la boulangerie Alpha 2000, remarquée sur l'avenue Allal Elfassi, l'avant-veille. Derrière des portes vitrées, des cornes de gazelle et  délicates bouchées serties de perles en sucre ou ornées de corolles sont proposées à partir de 60 drh le kilo. Nous en choisissons une vingtaine, ce qui nous coûte 45 drh, et les dégustons à la terrasse d'un café voisin.

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    La soirée commence à peine. Je propose à J. de s'essayer au hammam car j’ai moi-même décidé de m’offrir un massage avant de rentrer en France. Nous repassons par mon hôtel et je sollicite des adresses auprès des garçons de l’accueil. « Nous connaissons un très bon spa, je les appelle pour qu’ils viennent vous chercher. Le prix ? Vous aurez tout sur place». Je n’ai pas eu le temps de dire quoi que ce soit qu’il a déjà saisi le combiné et nous offre le thé, en attendant.

    Quelques minutes plus tard, une jeune femme est là. Quand elle nous invite à grimper dans une navette de transfert entre hôtels et spa, je comprends  que je suis en route pour une belle arnaque. Nous voici devant le « spa des Mille et un soins ». A l’intérieur, une salle de fitness et une armée d’esthéticiennes qui nous attendent. Je souris jaune.

    On nous présente une carte. Certes, les prix (en euros) sont bien inférieurs à ceux pratiqués à Paris. La jeune femme insiste pour que je fasse un hammam avec J. Ah bon ? Les hammams sont mixtes, ici ? Devant son insistance, je l’informe donc que nous ne sommes pas un couple mais des amis. Tant qu’à être là, j’opte pour un massage royal des pieds à la tête, à la fleur d’oranger. Je crois que mon idée de faire découvrir un vrai hammam à J. est tombée à l’eau.

    Une heure plus tard, on me conduit dans la salle de repos où J. est allongé, des compresses à l’eau de rose sur les yeux. On m’installe et me sert un thé mais j’ai à peine le temps de le boire qu’on m’invite à me rhabiller. « Où ? » « Ici ». 2ème édition : JE NE COUCHE PAS AVEC J. Bon je ne le dis pas comme ça, quand même. Je tempère mon franc-parler et cela me coûte. On m’emmène donc dans une cabine séparée. Au Spa des Mille un soins, les prix sont affichés en euros mais on paie en dirhams.

    Devant l’hôtel, je demande à J. si le hammam lui a plu. « Ouais, c’était pas mal. C’était grand ? Non, il n’y avait qu’une pièce ». Je fronce les sourcils. J. dit qu'il a été un peu gêné par cette expérience, il a eu l'impression d'assister au nettoyage d'un cirps mort. Je ris "Mais c'est horrible, ce que tu dis, J. ! Moi j'ai plutôt l'impression d'être un enfant manipulé par sa mère !" « Le monsieur t’a bien gommé ? »  « Ce n’était pas un monsieur mais une femme ». Qwaaaaaaaaa ? Il rit devant ma fureur. Je peste pendant de longues minutes. Ah ils vont m’entendre à l’hôtel ! Une femme qui gomme un homme ? N’importe quoi !

    A l'hôtel, en même temps que le spa, on nous a recommandé un restaurant voisin. Je préviens J. : « On y va mais si c’est un attrape-couillons, on va dîner dans le restaurant populaire que m’a recommandé H. »

    Sur la rue indiqué, nous ne trouvons pas le restaurant Al Fassia. Je demande à un homme dans la rue. Vraisemblablement drogué plutôt que saoul, il répond qu’il va nous emmener jusqu’à la porte du restaurant. Je ne suis pas d’humeur ce soir et le rabroue gentiment. « Dis-moi juste où c’est ». « Je ne demande pas d’argent », dit-il. Soit. Le restaurant est dans un renfoncement et bien sûr, arrivé là, l’homme me demande s’il a été gentil et s’il mérite quelque chose. « Tu as dit que tu ne demandais pas d’argent. Donc merci pour tout et bonne soirée ». Le restaurant Al Fassia est beau mais les tarifs, parisiens, prohibitifs.

    Nous tournons les talons, j’essaie de modérer ma mauvaise humeur et nous nous installons à quelques dizaines de mètres de mon hôtel, sur le trottoir devant le restaurant « Chez Bejgueni », un restaurant populaire recommandé par H., le chef de projet marocain.

    Note : De retour à Paris, je découvrirai que ce restaurant qui ne paie pas de mine est très célèbre ! On en parle ici, par exemple.

    Derrière une vitrine de boucher, le patron nous désigne des cervelles de mouton, de la viande hâchée, des côtelettes d’agneau, des merguez. Ici on paie au poids et la viande est grillée sous vos yeux. J. choisit des merguez et moi des côtelettes d’agneau avec une grande assiette d’olives et une salade marocaine 3 fois plus copieuse que celle servie dans le restaurant de la place Jemaa el Fnaa. Les chats rôdent autour de nous et nous couvent des yeux. Ce délicieux repas nous a coûté 100 dirhams à deux soit une dizaine d’euros.  Je propose un dessert à J., dans un restaurant chic où  la serveuse ne nous remercie même pas pour le large pourboire laissé.

    Sur la place du 16 novembre, j’embrasse J. qui continue son périple vers Essaouira le lendemain matin. Demain, je visiterai la ville seule. Cette perspective m’enchante peu.

  • Autour de la place Jemaa el Fnaa (pouah!)

    Hier soir, j’ai retrouvé J. sur la place Jemaa el Fnaa. Quelle horreur que cet endroit ! A peine y avais-je mis les pieds que je n’avais qu’une idée : en sortir. Pourtant, j’ai voulu voir de quoi il s’agissait. C’est simple : des centaines de stands numérotés, des mecs qui te racolent fort bruyamment pour que tu manges ici ou là. Ah oui, et puis, parmi la multitude de gargotes proposant des menus touristiques, certains stands où le menu est en arabe, sous-entendu : « touristes non bienvenus »; là, les gens sont attablés autour d'une tête de mouton posée sur un plat. Le seul truc marrant ce sont les escargots qui mijotent dans de grandes marmites et les mobylettes qui fendent la foule sans renverser qui que ce soit ni se vautrer, on se demande par quel miracle. Un joyeux bordel.

    J. a faim et n'a aucune envie de bouffer des escargots. Je ne vais pas lui refaire le coup de la veille et le faire marcher des kilomètres pour échapper aux attrape-couillons, alors je me résigne et nous montons sur la terrasse « panoramique » d’un restaurant où l’on nous dit à peine bonjour et encore moins au revoir, et où l’on doit écrire nous même notre commande sur un bout de papier. Il n’y a que des touristes, bien sûr, la salade marocaine de J. est ridicule, son poulet-frites misérable – car oui, J. a craqué – mais mon tajine kefta-œufs-tomates s’en sort pas trop mal.

    Nous fuyons vite ce restaurant et nous éloignons de la place. Dans une rue perpendiculaire, quantité de restaurants, certes pas beaux mais c’est clair, les Marocains mangent là. « C’est ici qu’on aurait dû manger » dis-je à J. Au bout de la rue, un homme au visage creusé m’interpelle. C’est triste cette méfiance que je ressens ici alors qu’à Casa je me sentais en confiance. Je m’éloigne déjà mais il insiste et nous commençons à discuter. Un de ses amis, S. travaille dans une agence de voyages, il entraîne J. qui doit prendre un bus dans 2 jours pour Esaaouira et Ibrahim m’offre un thé. Ce moment se révèle plus agréable que je ne l’aurais pensé. Ibrahim me fait rire aux larmes en me racontant que les Anglais l’appellent Brian. Il est berbère et ses frères vivent à Perpignan et en Espagne. Il m’indique un bon restaurant où manger des grillades, pour mes prochains repas.

    J. et S. nous ont rejoints et conversent en anglais. Une mendiante ralentit à notre hauteur et tend la main. Elle alpague S. en arabe, Ibrahim m'explique qu'elle lui rappelle qu'il ne lui a pas donné les chaussures promises. Elle pointe son verre de thé du doigt, il lui tend et elle le vide en le remerciant. Il ne semble pas perturbé outre-mesure et rigole, puis se ressert un verre de thé tandis qu'elle s'éloigne. La scène est surprenante pour nous, occidentaux, car en France, il est inimaginable de donner à boire dans son verre à un clochard et encore moins de boire après lui.

    Ibrahim me questionne sur ma religion. Il ne comprend pas que je ne sois pas croyante et tente de me démontrer que Dieu existe et que l’islam est la meilleure religion. « Je suis têtue, tu sais » lui dis-je. Nous nous charrions mutuellement et rigolons beaucoup. Il me donne son numéro de téléphone et propose que nous nous retrouvions le surlendemain pour qu’il me fasse visiter la ville et m’accompagne dans mes achats. Mais je ne sais pas. Cette ville pue le fric et le tourisme stupide, tout ce que je déteste. Cette impression sera confirmée par les journées suivantes.

    Pour échapper à Ibrahim qui me suit déjà, je demande à J. de me raccompagner. « Tu sais quoi, j’ai vu Marrakech, c’est bien. Mais je ne reviendrai pas ici ». Sur l’avenue, à proximité de l’hôtel de ville, J. me fait beaucoup rire en me racontant son trajet de retour la veille, après m’avoir quittée. « Je ne comprenais pas, des hommes me sifflaient ». Je lui parle du tourisme homosexuel au Maroc, sur lequel les autorités ferment les yeux, même si officiellement c’est interdit. Plus loin, J. me dit « Regarde, tu vois, ces deux garçons, ils se tiennent la main ». Je rigole et lui explique que c’est pratique courante dans les pays arabes. Je lui parle aussi de la promiscuité des hammams, qui déroute au premier abord puis séduit. « Oui mais un homme hier a été très direct avec moi » dit J.

    Nous sommes poursuivis par un jeune homme qui veut nous vendre des roses, je lui dis que J. est mon frère et il nous lâche.  

    Mon avis sur Marrakech n'a pas changé.