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Souvenirs - Page 3

  • Jour 3 : visite du camp de la 42ème Compagnie de Munsingen, avec Reinhard

    IMG_3833.JPGCe matin, nous nous réveillons chez Beate qui a insisté pour que nous dormions chez elle. Sur la table du petit déjeuner, elle dispose un festin que je vous livre en version quasi-originale : Bretzelen, laugen wicken, volkorn wicken, lyona, rauch fleich (viande fumée), des tomates et ... du Saint-Albray ! et pour la note sucrée, de la confiture de mûres du jardin ...

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    A 10h, Boug' et moi pénétrons à pied dans l'ancien camp de Munsingen. Une voiture nous rattrape, s'arrête à notre hauteur ; Reinhard nous invite à prendre place. A peine assise, il me tend un cahier relié et plastifié. Je pousse un cri de surprise en découvrant mon nom sur la couverture et à l'intérieur, l'historique du camp de Munsigen et des photos des différents bâtiments ainsi que de notre cite-cadres, rebaptisée "Petit Paris". Reinhard a édité ce cahier en hâte hier, pour moi, juste après notre rencontre sur le camp. Je suis bouleversée par sa gentillesse.

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    La visite commence sur le parking de notre ancien économat. Cet endroit où nous faisions nos courses et payions en francs est devenu un musée où Reinhard et d'autres, peut-être, ont collecté des traces de la vie du camp. Reinhard parle, semblant oublier que je ne comprends pas l'allemand ou si peu, il est visiblement heureux de partager ses souvenirs et explique  - miracle, je comprends ! -qu'il a toujours vécu là et connu les Français depuis tout petit. Dans l'économat, on trouve une maquette du camp de Munsingen et dans des sections réservées aux munitions françaises et allemandes, des rangées d'obus sont alignées.

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    A l'étage, une enfilade de salles, chacune consacrée à une période de la vie du camp (de 1895 à 1990) expose quantité de photos, objets et documents du camp de la 42ème Compagnie et du dépôt de Breithullen.

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    J'apprends même qu'un village, Gruorn, fut exproprié pour agrandir le camp de manoeuvres et qu'aujourd'hui, on peut y faire des randonnées.  Dans une pièce, un mannequin en uniforme est assis à un bureau. Il y a même un bidasse assis dans un des fauteuils de MON cinéma !

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    Sur un panneau au-dessus de lui, je déchiffre les noms de ceux que j'ai connus : les colonels Delarbre et Woirgard. Ce n'est qu'en redescendant, lorsque je demande à Reinhard où se trouvait l'entrée de l'économat, que je refais le trajet, resituant immédiatement l'endroit où se trouvait le tourniquet d'entrée dans lequel mon frère, ce couillon, s'était coincé, un matin.

    Nous remontons dans la voiture de Reinhard qui nous emmène maintenant au « mixte mess », l'endroit où nous allions parfois déjeuner le dimanche mais surtout là où se tenaient nos arbres de Noel et la distribution de cadeaux qui allait de pair, ainsi que les bals militaires auxquels ma mère se rendait en robe de soirée. Et là, lorsque caméra au poing, j'entre dans l'immense salle aux poutres de bois qui fut un formidable terrain de jeux et d'aventures pour moi et les autres gosses de militaires, je fonds en larmes. Reinhard, qui s'est déjà avancé, se retourne, revient vers moi et en me voyant, ses yeux se remplissent de larmes. Il me serre le bras. A cet instant, nous ne sommes plus un vieux monsieur allemand et une petite française, amenée là par une armée d'occupation, mais 2 êtres émus de partager la même nostalgie d'un passé heureux. Je sèche mes larmes et continue la visite, m'amusant de reconnaître la salle aux baies vitrées où nous déjeunions.

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    Nous sillonnons de nouveau l'asphalte des chemins du camp et Reinhard nous amène jusqu'à l'infirmerie où les bidasses apprentis dentistes se sont fait la main sur mes dents - et vu l'état dans lequel elles sont, je ne leur dis pas merci -.  Il confirme que le cinéma a disparu ainsi que les courts de tennis.

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    Reinhard stoppe sa voiture devant un baraquement que je ne connais pas, le BT 34. A l'intérieur, des chambrées de soldats, allemands et français ont été reconstituées à l'identique. Tout y est, les couvertures grises et rugueuses de l'armée, les uniformes et rangers, les boîtes de ration que mon père nous amenait parfois et que nous trouvions bonnes, forcément. Chaque chambrée a même sa table de bois avec pour les uns, des bouteilles de Kronenbourg et pour les autres, des bières allemandes.  

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    Un dernier tour tout en haut du camp, là où les hélicoptères atterrissaient, là où je ne me suis jamais aventurée, auparavant et nous rejoignons l'entrée du camp, passant devant le vaguemestre et la poste. Là, après nous être étreints et avoir échangé adresses postales et mails, nous remontons en voiture tandis que Reinhard allume une cigarette avant de reprendre la route de la ville.
    Lorsque Beate ouvre la porte et que je lui raconte cette heure et demie passée avec Reinhard, elle hoche la tête "Beaucoup de gens à Munsingen sont très tristes que les Français soient partis. Auusi parce que beaucoup travaillaient pour les Français et qu'ensuite, ils se sont retrouvés au chômage ou ont dû partir travailler jusqu'à Ulm".
    Je lui dis mon étonnement devant la réaction toujours bienveillante des gens de la région, nous identifiant comme françaises, que ce soit dans la rue, aux thermes d'Urach ou là, avec ce monsieur qui a grandi sous l'occupation française. Beate raconte à son tour les amitiés durables que son père, alors jeune homme, a noué lui aussi avec des gens des pays que l'armée allemande occupait.
    Et nous concluons ensemble : "Ce sont les pays qui se font la guerre, pas les hommes".   
    PS : Pour les intéressés ou ceux qui passeraient par ici à la faveur d'une recherche sur le camp militaire de Munsingen, n'hésitez pas à m'envoyer un mail si vous souhaitez le lien vers les photos et vidéos supplémentaires que je mettrai en ligne dès mon retour. 
    Et si vous passez par Munsingen et que vous voulez visiter le musée du Camp de la 42ème Compagnie avec Reinhard, contactez-moi et je vous donnerai son adresse mail. Reinhard est un excellent guide et un homme d'une infinie gentillesse qui se fera un plaisir de partager avec vous cette page commune de notre histoire.
  • Jour 2 : retour à la cité-cadres

    100_3794.JPGUn peu avant 9h, nous descendons dans la salle à manger de l'hôtel. Le buffet du petit déjeuner est pantagruélique : pain noir comme j'aime, brioche aux amandes et fleur d'oranger, assortiment de confitures et miel, charcuteries diverses dont le goûteux jambon fumé local et salami, des fromages non identifiés, fruits frais, céréales et meuleuse à grains, fromages blancs nature et aux framboises fraîches. Je presse des oranges et comme nous avons décidé de ne faire que 2 repas quotidiens, nous nous en mettons plein la panse. Repues mais par l'odeur d'œufs frits alléchées, nous nous laissons tenter une dernière fois par des œufs brouillés. 

    Ce matin, nous n'avons pas le temps de faire grand-chose avant de rejoindre Beate à 14h. Nous nous garons devant la piscine - pour ceux qui n'auraient toujours pas compris, celle ou j'ai gagné mon certificat de triton d'or - et j'y pénètre. Un monsieur m'informe qu'elle est réservée aux « pupils » et n'ouvre au public qu'à  17h. Je prends quelques clichés, c'est incroyable, rien n'a changé en 25 ans, même les mosaïques sont les mêmes.  

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    Un peu plus loin, le grand moment tant attendu est arrivé, nous nous engageons dans la Koenigstrasse. Le château du colonel est plus beau que dans mon souvenir, un vrai château de conte de fées. Dans le parc attenant, des chevaux, des chèvres et des poules s'ébattent en liberté.

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    Tout en conduisant, je désigne à Boug' le bois où nous jouions des heures. Nous nous garons sur le parking de la cité-cadres, les bâtiments n'ont pas changé, les sapins sont toujours là, seuls nos balançoires et tape-cul ont disparu, je prends la pose devant la fenêtre de ma chambre. 

    J'entraîne Boug' sur le chemin tapissé de feuilles mortes qui menait à notre école primaire. L'odeur de mousse et de sous-bois humide m'assaille. Les corbeaux croassent au-dessus de nos têtes, les chats filent en silence, si je fermais les yeux, je me retrouverais projetée 25 ans en arrière. Les marches en bois vermoulu qui menait à l'école ont disparu, elle, et le passage est barré par un grillage.

    Derrière mon immeuble, je raconte ma collision à vélo, particulièrement réussie, avec le fils L. Mes genoux gardent les traces de mes jeux d'enfants ici. Je reconnais les immeubles où habitaient mes petits camarades de l'époque, celui de Sacha, de Nathalie, de Laetitia, de Bertrand, avec lesquels je suis toujours en contact. Impossible de pénétrer dans le camp de ce côté, je prends des photos à travers le grillage. Le camp est immense et intact, visiblement très bien entretenu. Apercevant des voitures qui circulent dans ses murs, je décide de tenter une incursion discrète. Je me gare devant l'entrée du camp, hésitant à braver le signe Verboten et y pénètre d'abord à pied, cachant mon appareil photo dans mon blouson. Je reconnais les baraquements en briques rouges dans lesquels les bidasses passaient leur service militaire. Un peu plus loin, un bâtiment très beau surmonté d'une belle horloge m'est familier, il abrite aujourd'hui un musée sur l'histoire du camp militaire de Mûnsingen. Plus loin à droite, une croix avec Jésus mais la chapelle où je m'égosillais chaque dimanche a disparu, visiblement. 

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    Alors que je prends des clichés, un monsieur blond et massif, accompagné de son chien, s'approche et m'apostrophe en allemand. Ca donne à peu près ça : « Du bist franzose ? » « Ya » « Kleine kinder hier ? » « Ya » « Mit papa soldat? » « Ya ». Le monsieur me propose de revenir le lendemain matin à 10h, il me fera visiter le musée et le « mixte mess ». Nous baragouinons chacun dans notre allemand-anglais approximatifs, nous serrons la main et échangeons nos prénoms, il s'appelle Reinhard.

    Je retourne à la voiture et décide, vu l'étendue du camp, de tenter une infiltration véhiculée avec la Boug' en guetteuse et caméraman. Intrusion réussie, seul Reinhard nous repère, je m'arrête de nouveau, lui présente Boug' et RDV est repris pour le lendemain. Nous faisons le tour du camp et du mess des sous-off' où le dimanche était jour de fête puisque nos parents nous y emmenaient régulièrement pour manger couscous ou poulet rôti, l'occasion pour nous tous de cavaler allègrement dans les couloirs du mess et de foutre un sacré bordel, nos parents étant occupés à autre chose. Seul manque le cinéma où j'ai amorcé ma culture cinématographique avec des chefs d'œuvre tels que « Cul et chemise », « Goofy aux sports d'hiver », « Rox et Rouky » et quand même, « Excalibur » qui figure aujourd'hui dans ma DVDthèque.     

    Nous repartons vers Bottingen où j'espère retrouver la trace de M. Mans, un ami de mon père mais les rues du village sont désertes. Je pousse jusqu'à Breithullen, où se trouvait le dépôt de munitions sur lequel travaillait mon père et où j'ai de fabuleux souvenirs de méchouis sur fond de guitare et de nuits étoilées mais je n'en trouve plus trace. En attendant l'heure du RDV avec Beate, nous nous posons dans le Mc Do de Munsingen, espérant capter une connexion wifi mais ici c'est payant et cher (8€ l'heure).

  • Retour à Ivry sur Seine

    « Salut ma poule, c’est Fiso »

    Celui que j’appelle affectueusement « ma poule », c’est L., mon ex-collègue, de la bande des 3 terribles, également connus comme le gang des « noeuds roses » (hé hé ... c'est juste le sigle de leur marque de vêtements préférée).

    « Dis donc, figure-toi que pour une fois, je bosse en région parisienne. Je donne même une formation au centre de …, je passe tous les matins devant vous, ce serait l’occasion de venir déjeuner ou boire un café avec vous, non ? ».

    Dès le lundi, j’ai compris qu’abandonner mes stagiaires pour aller déjeuner avec mes anciens collègues serait impossible. Mes 3 stagiaires étaient super sympas. Ce serait donc un café, et L. et JJ commençant très tôt et finissant donc avant 17h, je devrais avancer mon réveil d’au moins 30 minutes si je voulais passer un peu de temps avec eux avant d’attaquer ma journée de formation. Mercredi, j’ai avancé mon réveil de 30 minutes. C’est dire si je les aime. 

    J’ai pris un ticket visiteur et me suis garé dans le parking à 8h15. C’est la première fois que j’y gare une bagnole et pas mon vélo. A la barrière, il y avait toujours cet ancien gendarme avec lequel je discutais parfois.

    JJ et L. m’attendait dans le hall d’entrée. JJ a fondu depuis 6 mois, ça lui va super bien mais je me suis retenue de faire une remarque car on ne sait jamais pour quelle raison quelqu’un perd 10 kilos en si peu de temps. En fait, je l’ai appris le soir même, il a tout simplement arrêté de manger 3 desserts à chaque repas et s’est mis au jogging. 

    Ce matin, on me sert mon café. Avant c’était moi qui étais de corvée (une douce corvée dont je m’acquittais avec le sourire). Rien n’a changé si ce n’est que le trophée qu’ils m’ont soutiré le jour de mon départ a disparu du tableau de chasse.

    On discute comme si on s’était quittés la veille. Peu avant que je ne les quitte, j’entends un pas dans le couloir et les deux coups à la porte caractéristiques. Mon ex-boss entre dans le bureau. Ca me fait plaisir de le revoir. Je lui explique mon nouveau job avant de promettre de repasser à la première occasion et de filer.

    A l’accueil je retrouve une de mes anciennes hôtesses d’accueil. Mes 2 quinquas sont en vacances. Les employés affluent, déjà certains se retournent vers moi d’un air interrogateur, il faut que je me sauve avant de croiser trop de têtes connues et de me mettre en retard.

    Le soir, je suis de nouveau devant l’entrée. JN, ma muse bloguesque, m’attend depuis une heure car j’ai eu du mal à quitter mes stagiaires. 5 mois que je ne l’ai pas vu. On en aura des choses à se raconter, dans un recoin du Shannon pub.  Qui a dit "loin des yeux, loin du coeur" ?

  • 2 jours à revivre*

    Il a suffi d’une note d'elle, d’une voix rocailleuse sur une mélodie d’amour, comme ce paysage de landes et de pierres que j’aime tant et qui me manque, pour que le souvenir de cette journée, pourtant banale, me revienne.

    Je pense souvent à l’Irlande, ces derniers temps.

    Peut-être parce que l’automne est une saison qui lui va bien, et que la pluie d’ici me rappelle celle de là-bas.

    Cette journée là, pourtant, était une journée d’été, mais l’été irlandais, vous savez …

     

    J’avais emmené un ami sur les routes du Connemara, pour plusieurs jours de flâneries, sans montre ni télévision. Nous roulions au hasard de nos envies, nous arrêtant au hasard d'un lac, d'un pub ou d'un port, et dormions dans quelque Bed & Brekfast qui nous avait plu. Mes yeux d'enfant émerveillé embrassaient les falaises, jouaient avec les mouettes, dialoguaient avec les old Paddy's burinés du coin, s'embuaient au fond d'un pub noirci par la fumée, où des musiciens chantaient ma mélancolie. Ce jour-là, l'air était vif, et nous avons partagé un panier de pinces de crabes dans un pub, sur le port du vieux village de pêcheurs de Roundstone.

     

    Je m’en souviens, nous nous étions attablés près d'une fenêtre et nous sucions avec gourmandise les pinces charnues en mordant dans du pain maison, à la mie bien brune. Pour étancher notre soif, une pinte de Guinness, bien sûr, à la mousse bien noire.

    La lumière était belle et le soleil dardait parfois ses rayons à travers l'épais voile gris.

    Après le repas, nous nous sommes promenés sur le port de Roundstone.

    Nous avons admiré ses jolies maisons colorées qui se découpaient dans les gris des pierres et du ciel, ses jardinets fleuris, ses barques abandonnées au fil de l’eau et la silhouette des twelve Bens qui se découpaient sur le ciel. Nous avons respiré le vent iodé, il nous fouettait les joues et emmêlait me cheveux.

     

    Pus tard, nous avons repris la voiture. Je voulais m’arrêter à chaque virage tellement la beauté de la nature me coupait le souffle.

    Ici, les ruines d’un château posé au bord d’un lac, là une maison au toit de chaume, ailleurs des rocailles, avec pour seul horizon le bleu de la mer.

    Des panneaux écrits en gaélique, source de fou-rires mémorables et répétés, parfois un vieux papy irlandais, la casquette vissée sur le crâne, pédalant nonchalamment sur une bicyclette aussi rouillée que lui.

    Dans le Connemara, le temps n'existe pas, à l’instar de ces troupeaux de moutons tranquillement allongés au milieu de la route. Que faire, sinon couper le moteur et attendre qu'ils daignent aller brouter ailleurs ?

    Le vert n'a jamais été aussi beau que sur cette terre arrosée par la pluie et battue par le vent. Et la tourbe brune et luisante, comme des mottes de chocolat noir, et des buissons de bruyère pour toute végétation, dans ce paysage lunaire.

    Plus tard, pour nous réchauffer, nous nous sommes arrêtés dans un pub qui surplombait un lac magnifique. Il était vide et le patron, un jeune homme jovial, a discuté avec nous. Nous avons joué aux fléchettes, bu de la Guinness, encore, et puis, alors que nous repartions, ils nous a offert un pack de deux pintes de Guinness, que j’ai longtemps gardées, et utilisées.

     

    C'était il y a dix ans mais je n'ai pas oublié cette après-midi là. Je la garde au chaud dans mes souvenirs, quand j'ai besoin d'un rayon de soleil à travers le voile gris qui s'abat parfois. 

    J’espère que tu ne l’as pas oubliée, toi non plus, où que tu sois maintenant.  J’aimais ton profil d'oiseau de nuit, ton catogan, ta misanthropie, ton cynisme et ta culture.

    Ton amitié me manque, parfois, mais les paysages du Connemara me manquent si souvent, si tu savais.  

     

    * parce que Jean Becker a magnifiquement filmé le Connemara dans "2 jours à tuer". J'ai eu un énorme pincement au coeur en y reconnaissant Rounstone, justement.

     

     

  • Seuls face à la bombe

    Ca fait longtemps que je veux écrire un billet sur ce métier méconnu et mystérieux. Celui qu’une personne qui m’est très proche a exercé pendant presque 20 ans. Un dossier du Nouvel Obs m’en a donné l’occasion. On les appelle artificiers ou démineurs. Quand on me demandait sa profession, cela nécessitait toujours une explication. La plupart d’entre eux sont d’anciens militaires. A Paris, ils dépendent de la préfecture de Police et sont une quinzaine. 

    En 1982, 2 ans avant qu’il n’entre au Labo, 2 démineurs sont morts dans l’explosion d’une bombe. Il ne racontait rien ou presque des interventions de la journée. La plupart étaient de fausses alertes, heureusement. Une voiture garée devant une ambassade, un bagage abandonné dans un aéroport. Quand je travaillais à Roissy, j’étais contente parce qu’on pouvait boire un café ensemble parfois. En dehors de ça, on l’apercevait souvent à la télé, au journal, à chaque fois qu’il y avait eu un attentat. Les dernière années ont été plus dures et les nuits courtes après septembre 2001.  

    Et puis, quand on a eu grandi, il a raconté un peu plus. Mes souvenirs sont peut-être inexacts. Un diplomate libanais déchiqueté par une bombe au démarrage de sa voiture. Un collègue policier, sans doute dépressif, qui avait piégé son appart’. Ils avaient dû escalader le balcon pour pénétrer dans l’appartement et l’avait trouvé mort. Dans le salon, des photos de ses enfants.

    Et puis, sans doute ce qui m’a le plus marquée, ce gamin de 16 ans qui surfait sur des sites donnant le mode de fabrication d’une bombe. Son père inquiet du temps passé devant l’ordinateur avait déplacé celui-ci dans le salon familial, pour garder un œil sur le fiston. Mais un soir, une explosion avait retenti. Le gamin avait eu tout le bas du corps arraché. Vous imaginez l’état de la famille. Quand je lui ai demandé « Tu crois qu’il va vivre ? », il avait répondu « Il vaudrait mieux pour lui que non, dans l’état où il est ». L'article du Nouvel Obs évoque d'ailleurs la recrudescence de ces apprentis sorciers.

    J’ai eu souvent peur pour lui. Pas vraiment dans le cadre de son métier, mais plutôt pour ce qu’il représentait et la haine que les 6 lettres écrites sur son camion suscitait. La police. Quand il racontait que des frigos tombaient devant leur camion "Police-Déminage", quand ils intervenaient dans certains quartiers chauds, ou qu’on lui balançait des trucs par les fenêtres quand il rentrait à pied du boulot, j’avais peur qu’on lui fasse du mal, à mon humble héros.

    Je n’ai pas de sympathie particulière pour la police. C'est une particularité française que j'ai bien du mal à m'expliquer, cette haine de l'uniforme. Mais j'ai beaucoup de respect pour ceux qui font un métier ingrat, qui sacrifient nuits et week-ends pour que nous dormions tranquilles, sur lequel beaucoup crachent, mais qu’ils sont les premiers à solliciter quand il y a un problème. Ces hommes et ces femmes, quel que soit l’uniforme qu’ils portent sont des parents, enfants, frères et sœurs.