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Souvenirs - Page 4

  • Retourner au point de départ

     

    (Un soir de septembre, dans un tramway, il lui a mis son casque sur ses oreilles et a dit : « Cette chanson, je l’ai écoutée en ne pensant qu’à toi ».

    Les premières notes de piano ont résonné. Sur ses joues, les larmes ont coulé sans fin. A quoi bon demander pardon ?

    Tard dans la nuit, elle s’est endormie contre son torse.

    Au petit matin plein de promesses, ils avaient décidé de revenir ensemble « là où tout avait commencé ». Mais le temps avait fragilisé leur amour et il s’est cassé en mille morceaux comme un vase ébréché.)

     

    Come up to meet you, tell you I'm sorry
    You don't know how lovely you are
    I had to find you, tell you I need you
    Tell you I set you apart

    Tell me your secrets and ask me your questions
    Oh let’s go back to the start
    Running in circles, coming in tales
    Heads are a science apart

    Nobody said it was easy
    It's such a shame for us to part
    Nobody said it was easy
    No one ever said it would be this hard

    Oh take me back to the start

    I was just guessing at numbers and figures
    Pulling your puzzles apart
    Questions of science, science and progress
    Do not speak as loud as my heart

    Tell me you love me, come back and haunt me
    Oh and I rush to the start
    Running in circles, chasing tails
    And coming back as we are

    Nobody said it was easy
    It's such a shame for us to part
    Nobody said it was easy
    No one ever said it would be so hard

    I'm going back to the start

     

     

  • Marthe

    A peine franchie la jolie porte en bois habillée de fer forgé, le salon-salle à manger. Sombre, confiné, jamais aéré. On n’ouvrait jamais la fenêtre, donnant sur la rue, par peur que les passants puissent jeter un coup d’œil à l’intérieur. Au mur, déco façon seventies : de grosses fleurs dans des tons orange et marron. Au centre de la pièce, occupant tout l’espace, une grande table en bois recouverte d’une toile cirée. Sur le buffet énorme, le casque de pompier et le portrait du grand-père.

    La cuisine, illuminée par une verrière.

    Au fond du couloir, les toilettes. On les devine sitôt passé la salle de bains, à cause de la fosse sceptique. Une curiosité, lorsque j’étais enfant, que cette drôle de trappe, sur le côté, qu’on actionne.

    Le jardin, abandonné et triste.

    De la cuisine, une porte qui mène aux étages. Un escalier escarpé, bas de plafond, qu’on emprunte avec prudence. Une première chambre, minuscule, monacale. Effigie de Sainte-Rita accrochée au mur et crucifix au-dessus du lit. Ces signes religieux, disséminés dans toute la maison, me foutaient la trouille.

    Au fond du couloir, LA chambre. Tout aussi sombre et sobre.

    Au 2ème étage, l’ancienne chambre de ma tante, claire, sous les toits. Son vieux tourne-disques y est encore, et même un 45 tours de Sheila qui chante les rois mages.

    Pendant les 6 mois où j’y ai vécu, à l’aube de l’adolescence, la maison a connu un véritable chambardement. Elle a résonné de ces mélodies d’une autre époque, que je chantais à tue-tête. Dans le jardin abandonné, j’ai entrepris le dressage d’Ophélie, la douce femelle caniche noire, qui pensait vieillir peinarde au bout de sa laisse.

    Pas facile d’hériter d’une gamine de 12 ans quand on a dépassé la soixantaine. Mamie Marthe a essuyé mes premiers actes de rébellion. C’est chez elle que j’ai commencé à me maquiller, profitant du fait qu’elle n’y voyait pas bien. Je fardais mes paupières de ses ombres vert pâle. Et c’est aussi sur le chemin de l’école que j’ai crapoté mes premières et uniques cigarettes, avec ma copine Annick.

    Mamie Marthe avait entrepris de me faire porter les vêtements de sa fille. Devant mon refus d’enfiler les gilets Phildar, elle avait confectionné une robe bleue à fleurs tout droit sortie de « La petite maison dans la prairie ». J’avais constaté qu’elle était plus autoritaire que je ne le pensais. Elle avait compris que j’étais la digne fille de mon père. Elle ne s’énervait jamais, mamie Marthe. Elle s’asseyait sur une chaise, dans un coin, et elle écrasait ses larmes.

    Le dimanche, elle calait mon bras sous le sien et on allait à la messe. Et ensuite, souvent, elle m’emmenait chez ses copines, ou dans une salle où avait lieu un thé dansant. Après avoir sacrifié au rituel de la bise sur les joues flasques de dizaines de vieux, je pouvais m’empiffrer de gâteaux à la crème, avant de valser contre les seins généreux de ma mamie et de ses copines endimanchées qui sentaient bon la poudre. C’est elle qui m’a appris à danser la valse. Elle était fière de présenter « la fille de Claude », celui que personne ne connaissait puisqu’il avait fui le Nord à 18 ans. Tout le monde s’extasiait sur mon calme et ma douceur. Elle savait bien, elle, que ma docilité n’était qu’apparente.  

    J'aimais l'accompagner à la boucherie chevaline de la Justice, où je recevais invariablement une rondelle de saucisson de cheval. Me faire à manger était un casse-tête pour elle. Elle n’avait plus l’habitude, pourtant, je mangeais de tout. Elle était fière de son gratin dauphinois, que j’engloutissais. Le dimanche, parfois, elle me faisait du pain perdu saupoudré de vergeoise. Et aussi un plat au nom exotique, que mon père aime encore manger aujourd’hui. Des restes de pot au feu, carottes, pommes de terre, poireaux, grossièrement écrasés et réchauffés à la poêle: le ratafia.

    Parfois aussi, elle arrêtait la camionnette du boulanger dans la rue, et m’achetait une couque.

    Samedi, à la faveur d’une escapade dans le Ch’Nord, je suis retournée dans la ville de mon père, rue Kléber, à Lys Lez Lannoy. Une petite fille a rendu la balade moins triste. Je n’étais pas venue là depuis la mort de ma mamie, en 1991.

    La jolie porte en bois a été remplacée par un volet roulant, laid et quelconque.

    Je l’ai imaginée ouvrant la porte, Ophélie aboyant sur ses talons. Sa poitrine si imposante, ses yeux bleus derrière les lunettes cerclées d’or, les cheveux blonds et ondulés, si fins. Ses robes austères et fleuries de mémé. Je l’ai toujours connue vieille, ma Mamie.

    Elle m’aurait fait quatre bises, du bout des lèvres, avec son accent chti : « Te vas bien, ma poule ? »

    J’ai raconté un peu de son histoire aux amis qui m’accompagnaient. Pudeur extrême et résignation en faisaient une femme mystérieuse. Quels avaient été ses rêves et ses chagrins, je ne le saurai jamais. J’aimais ses exclamations si drôles, les « Misère ! » et les « Hé bé bé bé ! »

    Je ne crois pas qu’à l’exception des dix dernières années de sa vie, elle ait été une femme heureuse. Devenue veuve, elle avait chipé le compagnon de sa copine Gisèle, un colosse au nez gigantesque et violacé. Ancien tailleur pour dames, André avait relooké notre mamie et lui avait donné une nouvelle jeunesse. Robes bigarrées, maquillage, voyages, son regard bleu s’était fait malicieux.

    Le géant veillait tendrement sur sa demoiselle aux 60 printemps. Quand elle s’est éteinte, quelques jours avant Noël, sur son gros nez violacé, les larmes étaient intarissables.  

     

  • Münsingen (2)

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    Il y a 2 jours, je dînais chez mon amie Esperanza, momentanément célibataire et sans enfants. Après avoir évoqué la soirée de samedi dernier et le concert des Starloozes, je lui racontai mes récentes retrouvailles, sur un site internet, avec d’anciens camarades de classe.

    Après un garçon dont je ne suis même pas sûre que nous ayons partagé la même classe à Châteaudun, tranche de ma vie que j’ai raconté , ce sont mes amis d’Allemagne qui réapparaissent soudain.

    Mon enfance dans le camp militaire de Münsingen, au cœur d'une forêt du Jura souabe, est une des plus belles périodes de ma vie, surtout en raison du cadre exceptionnel dans lequel je grandissais et de mon immersion, après la Nouvelle-Calédonie, en pays étranger, ce qui allait constituer le terreau de mon goût pour la différence. Difficile aussi parce que c’est là, entre 7 et 13 ans, que ma personnalité s’est construite.

    En lisant une note de Lancelot, je me suis souvenue aussi de la cruauté des enfants entre eux. Des blessures que j'ai infligées plus que de celles que j’aurais subie, parce qu’étant gamine, j’étais assez meneuse et rarement chahutée. Sauf pendant la courte période où j’ai porté des lunettes et qu’on m’appelait «serpent à sonnettes ». Je reparlerai dans un prochain billet de ces mots et gestes qu’on regrette encore, des années après.

    A Münsingen, ma suprématie résidait dans le fait que j’avais réussi à faire gober aux gosses de la cité-cadres que je n’étais pas la fille de mes parents mais un être venu d’ailleurs aux supers pouvoirs. Comment ? Il faudrait le leur demander mais je crois me souvenir que la raison principale de cette adoration venait de mes bras. Figurez-vous que depuis toujours, j’ai un super pouvoir que je dois à ma très grande souplesse : j’arrive à passer mes bras joints au-dessus de ma tête et jusqu’aux fesses sans plier les coudes. Vous suivez ? Sinon, c’est pas grave, je fais des démo sur demande ;)

    Ma souplesse me permettait donc de m’enrouler et me contorsionner comme personne, et quand il fallait se faufiler dans une ouverture étroite ou aller explorer un bunker au fin fond de la forêt, j’étais toujours volontaire. Je me la pétais grave, quoi. Sur ce plan-là, je n’ai pas beaucoup changé.

    Téméraire, casse-cou, souvent perchée dans les arbres ou à me battre avec les garçons qui nous fouettaient les fesses à coups de branches (les salauds !), je rendais le mythe de Super Sophie plus crédible en courant au ralenti avec le bruit de fond, comme Super Jaimie. Trop marrant quand j’y repense !

    Notre occupation favorite était la construction de cabanes et les bagarres avec les petits allemands auxquels je dois une partie de mon vocabulaire. Je sais au moins dire « grosse merde » et « trou du cul » dans cette langue. Pour les cabanes, on avait de quoi faire, en pleine forêt.

    Notre cité-cadres avait la forme d’un U et se trouvait sur une petite butte. Nous étions des FFA (Forces Françaises en Allemagne) et à ce titre, les voitures de nos parents avaient des plaques bleues.

    D’un côté de la cité, en contrebas, le camp militaire, son foyer, son cinéma, l’économat, l’école primaire où allait mon petit frère, le mess des « souzoff’ », le vaguemestre, la chapelle et les baraquements dans lesquels s’entassaient les bidasses. Une ville dans la ville où langue et argent étaient français. De l’autre côté, dans un bois qui nous paraissait immense, se dressait le château du colonel, lieu hautement mystérieux que nous n’étions autorisés à investir qu’à Pâques pour y chercher des œufs. Et puis, en contrebas, la caserne de gendarmerie et l’école primaire.

    J’ai eu 2 maîtres d’école qui faisait la classe dans la même salle aux CE1, CE2, CM1 et CM2. L’un d’eux, M. Masson, un moustachu tonitruant qui fumait la pipe, était adepte du coup de pied au cul. Il en mettait de violents à sa fille, G., j’en garde un souvenir horrifié, et nous on se prenait souvent des claques.  Ensuite, il y eut M. Gonin qui fut beaucoup moins impulsif.

    L’hiver était ma saison préférée. Je descendais en luge à travers le bois et sous un mètre de neige, le toit de notre école se chargeait de stalactites. A la récré, on faisait des glissades sur la glace de la cour et on se battait à coups de boules de neige. Le soir, après l’école, on se laissait tomber en arrière dans la neige et on restait là de longues minutes à regarder le ciel blanc résonnant du coassement de nombreux corbeaux noirs. On n’avait pas froid dans nos combinaisons et bottes fourrées. Moi, j’avais une paire de bottes en poil de vache dont j’étais très fière. Les flocons de neige glacée fondaient doucement sur nos visages. Aujourd’hui, ces oiseaux que d’autres trouvent laids et lugubres m’évoquent immanquablement d’heureux souvenirs. Je me souviens aussi qu’on avait construit un igloo avec des boîtes en bois, à l’arrière de l’école. L’odeur associée à cette époque est, outre celle de la pipe, celle de l’encre qu’utilisait les maîtres pour imprimer des feuilles.

    La première à m’avoir contactée, c’est Nathalie Je ne sais pas quels souvenirs elle a de cette période. Moi je me souviens que même si on était copines, notre groupe d’enfants n’était pas gentil avec elle. Nathalie était un peu « bouboule » comme on dit et elle était la proie de moqueries cruelles. C’était une gamine réservée qui par moments entrait dans des accès de violence dont j’ai fait les frais, un soir après l’école. Elle m’a mis un coup de rondin et je suis rentrée chez moi avec un bel œuf sur le front. J’ai failli m’en reprendre une quand ma mère m’a traînée chez la sienne pour lui faire constater l’étendue des dégâts et qu’elle a appris que Nathalie m’avait castagnée parce que je me moquais d’elle, avec d’autres. C’est peut-être cet épisode qui a fait qu’aujourd’hui, je supporte mal qu’on se moque du physique de quelqu’un.

    Nathalie se souvient, comme moi, de cette anecdote. Il y en a une autre qu’elle a peut-être oubliée. Elle avait trouvé dans la poubelle familiale une BD porno appartenant à son père. Format livre de poche, c’était une Gulliver au féminin, avec tout ce qu’il faut là où il faut - comme dirait Tonnegrande -, qui se faisait attraper et ligoter au sol par une bande de lilliputiens pervers. Un de mes premiers grands émois sexuels, on devait avoir 10 ans.

    Après Nathalie, la « mafia de Münsingen » se recompose lentement.

    Catherine, dont le nom m’est bien connu mais le visage oublié, m’envoie un mail où elle reparle de nos parties de saut à l’élastique et de marelle et aussi d’un petit blond dont nous aurions toutes les 2 été amoureuses. Le petit blond, je m’en souviens très bien, il avait un nom exotique venu de l’Est, mais pas de souvenir d’avoir été amoureuse de lui. Tiens, justement, je retrouve le petit blond en question, qui habite dans mon département et confirme « Non, non, à Münsingen, c’est moi qui étais amoureux de toi ».

    Ah bon ? Faut croire que mon incapacité à voir qu’un garçon s’intéresse à moi ne date pas d’hier …

    A suivre …

  • Jump around

    Hier soir, après un dîner délicieux dans leur nouveau nid, à deux pas de la porte de la Chapelle, j'ai accompagné ma copine C. et son homme (très bien, son nouvel homme, j'en veux un comme ça) à une soirée Revival 90's qui se faisait au ... Bobino.

    Le Bobino, pfff ... ça devait faire 15 ans que je n'y avais pas mis les pieds !  A l'époque, fin 80's -début 90's, j'y étais tous les vendredis soirs pour des soirées hip hop, avec ma copine Nathalie qui vit maintenant au Bénin. Une boule à facettes a remplacé l'avion qui surplombait la piste et à ma grande déception, pas de vétérans du hip hop, mais des petits bourgeois qui étaient encore dans leurs couches quand je me déhanchais sur "I've got the power". 

    Alors, hier soir, quand après avoir posé mes affaires au vestiaire, je suis entrée dans l'immense salle, j'ai pensé à Nathalie, aujourd'hui maman, et à notre jeunesse. Je suis montée au premier étage et me suis penchée sur la foule qui bougeait sans conviction sur des chansons dont elle ne connaissait pas les paroles. Je me suis revue, là, en bas et je me suis souvenue des promesses non tenues, des garçons croisés et presque oubliés, Lucien, Doudou, Joël, Tex, des petits matins à attendre, dans le froid, que les grilles du métro ouvrent. Et hier soir, comme il y a 15 ans, mais avec Séb et Claire, cette fois, j'ai bondi sur OPP, "Insane in the brain" de Cypress et ça :

     
  • On va aux champignons ?

    c2d89cac4241f52dea9550d1e8bd3e1b.jpgCe matin, remplissant mes poumons d’autant d’oxygène que je pouvais en trouver sur le boulevard des Maréchaux, avant d’attaquer la côte de la poterne des Peupliers, je fus titillée par une odeur familière. Une odeur de feuilles mortes mouillées et de sous-bois moussu.

    Je me souviens.

    Sur une route de Charente, quelque part aux alentours de la Chapelle des Pots, par une belle journée d’automne. Mon grand-père gare sa voiture sur le bas-côté de la route, le long du fossé.

    On sort les paniers en osier du coffre et on s’enfonce dans le sous-bois. Il y a ma mère et  mon frère. « On va aux champignons ? », c’était son expression, une question ressemblant à un ordre. Les jours de pluie, la question variait de peu : « On va aux escargots ? »

    Bon gré, mal gré, encouragés par ma mère « Allez, ça lui fait plaisir … », mon frère et moi montions dans la voiture, n’osant lui refuser le plaisir de nous montrer la beauté de la nature. J’étais rarement enthousiaste, je me sentais cruche, ne sachant pas distinguer les bons champignons des mauvais. Je crois aussi que ma réticence venait du fait que les bois, sombres et touffus, peuplés de bêtes imaginaires ou réelles, me foutaient la trouille. J’imaginais quelque dangereux psychopathe, tapi derrière un arbre, prêt à bondir, ou une main en décomposition dépassant d’un tapis de feuilles. Le moindre craquement d’une branche me faisait tressaillir et je ne m’éloignais jamais de la rassurante présence humaine, guidée par le sifflotement serein de mon grand-père.  

    Pourtant j’aimais la délicatesse des champignons, si fragiles sous le pied du promeneur. Je caressais du bout du doigt le velouté de leur chapeau et effleurais le joli plissé des lamelles. J’admirais la blancheur de vesses de loup perlées, dont je m’amusais à presser la chair molle pour en laisser échapper une petite fumée, et de coprins chevelus qui m’évoquaient une joyeuse bande de hippies.

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    Quand au détour d’un arbre, l’œil connaisseur de mon grand-père découvrait une colonie de quelque espèce savoureuse, cèpes ou girolles, il nous rameutait. Gare à celui qui arracherait le champignon et ses racines, en condamnant la repousse ! Il se ferait sérieusement sermonner, malheureux !   

    Le soir, après la corvée de nettoyage, mon grand-père accommodait notre cueillette en une savoureuse poêlée parsemée d’ail et de persil ou une omelette baveuse, que nous mangions en regardant les infos, ne pipant mot.

    La dernière fois que mon grand-père m’a emmenée dans un sous-bois, il y a plus de 10 ans, il était malade et je ne le savais pas. Il ne lui restait que quelque mois à vivre. Dans le sous-bois baigné d’un soleil printanier, nous avons cueilli des jonquilles qu’il voulait que je ramène à sa fille, restée à Paris. A un moment, alors que j’étais à quelques pas de lui, il s’est mis à m’appeler, d’une voix que je ne lui connaissais pas, angoissée, presque chevrotante. Je me suis demandée ce qu’il avait à paniquer ainsi ; j’avais dû disparaître de sa vue pendant un court instant, dissimulée par un arbre, sans doute.

    Sur le chemin du retour, dans le soir tombant, nul joyeux sifflotement ne vint troubler le silence. Je m'en fis la réflexion. Ce fut notre dernière après-midi ensemble dans les bois.