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souvenirs

  • Conduire en Roumanie

    Pépé.jpgUn des autres apprentissages de mon road-trip avec Boug'fut celui de la conduite hors de nos frontières. Si je n'ai pas grand-chose à dire des conduites autrichiennes et hongroises, sillonner les autoroutes en Allemagne et les routes en Roumanie fut source d'interrogations et d’apprentissage.

    En Allemagne, la vitesse modifie grandement le comportement au volant. Tout va vite et il m'est arrivé plusieurs fois, doublant un véhicule à plus de 150 km/h, d'apercevoir dans mon rétroviseur, surgie de nulle part, une puissante berline qui me poussait au cul. Tout cela sans appels de phares ni coups de klaxon.

    Les conducteurs allemands pratiquent à la perfection le dépassement. En fait, comme nous l’avons tous appris dans le code de la route : je double, je me rabats.

    On n’y voit pas, comme ici-bas, des véhicules isolés avalant les kilomètres sur la voie la plus rapide, se foutant éperdument de freiner plus rapide qu’eux.

    Et puis, sur les autoroutes allemandes, les décapotables sont souvent pilotées par des jeunes femmes sophistiquées, cheveux brillants et sourire ultrabright. Ça sent bon l’ordre et la discipline.

    En Roumanie, c’est bien différent. Les routes sont un spectacle permanent, théâtre d’un joyeux bordel, d’où surgissent mille surprises qui font tour à tour frémir et sourire.

    Frisson de dégoût à la vue des carcasses de chiens errants martyrisés sur le bas-côté, frissons fugaces de peur lorsqu’au détour d’un lacet de montagne, on est frôlé par un des nombreux poids-lourds qui sillonnent le pays.

    Sourire attendri au spectacle d’une mémé se tapant un petit roupillon, les mains sur le ventre, dans le foin de la charrette que conduit son mari, laquelle est menée par un cheval parfois coiffé de pompons rouges.

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    Sourire empreint de nostalgie en traversant des villages où posément installés sur les bancs de pierre qui ornent le perron de leurs maisons fleuries, des petits vieux, eux en vest,on, elles en foulard, papotent dans le jour déclinant. Pourquoi on n'a plus ça, en France ?

    Sourire encore à la vue des robes laiteuses des troupeaux de moutons en transhumance, menés par un fier berger sur le vert tendre des prairies, ou encore au détour d’un virage, la mine placide d’un pépé chapeauté qui promène sa vache au bout d’une corde.

    Sourire admiratif, aussi, au passage de la jupe virevoltante d’une belle et piquante gitane aux allures d’Esméralda.  

    Le premier soir, à l’assaut des routes sinueuses de la montagne noire, j’ai bien cru que jamais nous n’embrasserions Dana. Un type avait bien failli me balancer dans le ravin en voulant me doubler, me klaxonnant abondamment au passage. En l’insultant copieusement, je m’étais écrié « Ils roulent n’importe comment, ici, ça promet ! »

    Dix jours plus tard, j’avais compris mon erreur et louais l’étonnant esprit de solidarité des conducteurs roumains, rendu nécessaire par l’état déplorable des routes. J’avais noté avec surprise que les conducteurs signalaient à ceux qui les suivaient un rétrécissement de chaussée en faisant jouer leur clignotant gauche (oui parce que pour faciliter la chose, on roule à droite, certes, mais on se rabat sur la gauche, vous me suivez toujours ?)

    Ignorant cet usage (et d’ailleurs m’étant moi-même fait surprendre par cette voie qui se finissait brutalement sous mes roues), j’avais déclenché le courroux de celui qui entreprenait de me doubler parce que je ne l’avais pas averti que la deux voies se transformait en une.

    Une autre pratique qui m’a surprise, c’est la façon dont les Roumains pratiquent le dépassement.

    Dès qu’ils ont quelques dizaines de mètres de visibilité, ils déboitent et doublent plusieurs véhicules à la fois, se rabattant seulement lorsqu’un véhicule arrive en face. Parfois d’extrême justesse.

    Le premier qui se lance donne ainsi le signal du départ aux autres qui s’élancent à sa suite jusqu’à ce qu’il se rabatte, leur signalant l’arrivée d’un véhicule en sens inverse.

    Ce comportement risqué mais néanmoins inévitable, étant donné la densité de la circulation et les voies uniques, n’est possible que parce que le conducteur se faisant doubler ralentit et permet à tout moment une réinsertion rapide dans le flux de la circulation.

    Attention impensable sur les routes françaises où les conducteurs se comportent le plus souvent en coqs et où chacun se pose en donneur de leçons, quitte à accélérer pour empêcher plus rapides qu’eux de continuer leur route.

    Après quelques hésitations, Boug’ et moi avons vite adopté le comportement de nos hôtes.

    En Roumanie, on ne conduit pas, on pilote, zigzaguant prudemment entre les nids-de-poules et priant qu’un chien ne traverse pas sous notre nez (ni un ours, mais ça c’est une private joke).

    Et si les accidents sont nombreux, ce n’est pas à cause de l’alcool (tolérance zéro) ou de la vitesse mais de l’état des routes.

    Et longtemps après avoir franchi les frontières roumaines, on pouvait encore nous entendre nous écrier, dans un éclat de rire « On a fait la Roumanie, nous, monsieur ! »

    PS 1 : Qu’est qu’on s’emmerde, sur les route françaises !

    PS 2 : Ce billet n’intéressera sans doute que nous, Boug’, mais ça fait du bien, non ?

  • Jour 3 : visite du camp de la 42ème Compagnie de Munsingen, avec Reinhard

    IMG_3833.JPGCe matin, nous nous réveillons chez Beate qui a insisté pour que nous dormions chez elle. Sur la table du petit déjeuner, elle dispose un festin que je vous livre en version quasi-originale : Bretzelen, laugen wicken, volkorn wicken, lyona, rauch fleich (viande fumée), des tomates et ... du Saint-Albray ! et pour la note sucrée, de la confiture de mûres du jardin ...

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    A 10h, Boug' et moi pénétrons à pied dans l'ancien camp de Munsingen. Une voiture nous rattrape, s'arrête à notre hauteur ; Reinhard nous invite à prendre place. A peine assise, il me tend un cahier relié et plastifié. Je pousse un cri de surprise en découvrant mon nom sur la couverture et à l'intérieur, l'historique du camp de Munsigen et des photos des différents bâtiments ainsi que de notre cite-cadres, rebaptisée "Petit Paris". Reinhard a édité ce cahier en hâte hier, pour moi, juste après notre rencontre sur le camp. Je suis bouleversée par sa gentillesse.

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    La visite commence sur le parking de notre ancien économat. Cet endroit où nous faisions nos courses et payions en francs est devenu un musée où Reinhard et d'autres, peut-être, ont collecté des traces de la vie du camp. Reinhard parle, semblant oublier que je ne comprends pas l'allemand ou si peu, il est visiblement heureux de partager ses souvenirs et explique  - miracle, je comprends ! -qu'il a toujours vécu là et connu les Français depuis tout petit. Dans l'économat, on trouve une maquette du camp de Munsingen et dans des sections réservées aux munitions françaises et allemandes, des rangées d'obus sont alignées.

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    A l'étage, une enfilade de salles, chacune consacrée à une période de la vie du camp (de 1895 à 1990) expose quantité de photos, objets et documents du camp de la 42ème Compagnie et du dépôt de Breithullen.

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    J'apprends même qu'un village, Gruorn, fut exproprié pour agrandir le camp de manoeuvres et qu'aujourd'hui, on peut y faire des randonnées.  Dans une pièce, un mannequin en uniforme est assis à un bureau. Il y a même un bidasse assis dans un des fauteuils de MON cinéma !

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    Sur un panneau au-dessus de lui, je déchiffre les noms de ceux que j'ai connus : les colonels Delarbre et Woirgard. Ce n'est qu'en redescendant, lorsque je demande à Reinhard où se trouvait l'entrée de l'économat, que je refais le trajet, resituant immédiatement l'endroit où se trouvait le tourniquet d'entrée dans lequel mon frère, ce couillon, s'était coincé, un matin.

    Nous remontons dans la voiture de Reinhard qui nous emmène maintenant au « mixte mess », l'endroit où nous allions parfois déjeuner le dimanche mais surtout là où se tenaient nos arbres de Noel et la distribution de cadeaux qui allait de pair, ainsi que les bals militaires auxquels ma mère se rendait en robe de soirée. Et là, lorsque caméra au poing, j'entre dans l'immense salle aux poutres de bois qui fut un formidable terrain de jeux et d'aventures pour moi et les autres gosses de militaires, je fonds en larmes. Reinhard, qui s'est déjà avancé, se retourne, revient vers moi et en me voyant, ses yeux se remplissent de larmes. Il me serre le bras. A cet instant, nous ne sommes plus un vieux monsieur allemand et une petite française, amenée là par une armée d'occupation, mais 2 êtres émus de partager la même nostalgie d'un passé heureux. Je sèche mes larmes et continue la visite, m'amusant de reconnaître la salle aux baies vitrées où nous déjeunions.

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    Nous sillonnons de nouveau l'asphalte des chemins du camp et Reinhard nous amène jusqu'à l'infirmerie où les bidasses apprentis dentistes se sont fait la main sur mes dents - et vu l'état dans lequel elles sont, je ne leur dis pas merci -.  Il confirme que le cinéma a disparu ainsi que les courts de tennis.

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    Reinhard stoppe sa voiture devant un baraquement que je ne connais pas, le BT 34. A l'intérieur, des chambrées de soldats, allemands et français ont été reconstituées à l'identique. Tout y est, les couvertures grises et rugueuses de l'armée, les uniformes et rangers, les boîtes de ration que mon père nous amenait parfois et que nous trouvions bonnes, forcément. Chaque chambrée a même sa table de bois avec pour les uns, des bouteilles de Kronenbourg et pour les autres, des bières allemandes.  

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    Un dernier tour tout en haut du camp, là où les hélicoptères atterrissaient, là où je ne me suis jamais aventurée, auparavant et nous rejoignons l'entrée du camp, passant devant le vaguemestre et la poste. Là, après nous être étreints et avoir échangé adresses postales et mails, nous remontons en voiture tandis que Reinhard allume une cigarette avant de reprendre la route de la ville.
    Lorsque Beate ouvre la porte et que je lui raconte cette heure et demie passée avec Reinhard, elle hoche la tête "Beaucoup de gens à Munsingen sont très tristes que les Français soient partis. Auusi parce que beaucoup travaillaient pour les Français et qu'ensuite, ils se sont retrouvés au chômage ou ont dû partir travailler jusqu'à Ulm".
    Je lui dis mon étonnement devant la réaction toujours bienveillante des gens de la région, nous identifiant comme françaises, que ce soit dans la rue, aux thermes d'Urach ou là, avec ce monsieur qui a grandi sous l'occupation française. Beate raconte à son tour les amitiés durables que son père, alors jeune homme, a noué lui aussi avec des gens des pays que l'armée allemande occupait.
    Et nous concluons ensemble : "Ce sont les pays qui se font la guerre, pas les hommes".   
    PS : Pour les intéressés ou ceux qui passeraient par ici à la faveur d'une recherche sur le camp militaire de Munsingen, n'hésitez pas à m'envoyer un mail si vous souhaitez le lien vers les photos et vidéos supplémentaires que je mettrai en ligne dès mon retour. 
    Et si vous passez par Munsingen et que vous voulez visiter le musée du Camp de la 42ème Compagnie avec Reinhard, contactez-moi et je vous donnerai son adresse mail. Reinhard est un excellent guide et un homme d'une infinie gentillesse qui se fera un plaisir de partager avec vous cette page commune de notre histoire.
  • Jour 2 : retour à la cité-cadres

    100_3794.JPGUn peu avant 9h, nous descendons dans la salle à manger de l'hôtel. Le buffet du petit déjeuner est pantagruélique : pain noir comme j'aime, brioche aux amandes et fleur d'oranger, assortiment de confitures et miel, charcuteries diverses dont le goûteux jambon fumé local et salami, des fromages non identifiés, fruits frais, céréales et meuleuse à grains, fromages blancs nature et aux framboises fraîches. Je presse des oranges et comme nous avons décidé de ne faire que 2 repas quotidiens, nous nous en mettons plein la panse. Repues mais par l'odeur d'œufs frits alléchées, nous nous laissons tenter une dernière fois par des œufs brouillés. 

    Ce matin, nous n'avons pas le temps de faire grand-chose avant de rejoindre Beate à 14h. Nous nous garons devant la piscine - pour ceux qui n'auraient toujours pas compris, celle ou j'ai gagné mon certificat de triton d'or - et j'y pénètre. Un monsieur m'informe qu'elle est réservée aux « pupils » et n'ouvre au public qu'à  17h. Je prends quelques clichés, c'est incroyable, rien n'a changé en 25 ans, même les mosaïques sont les mêmes.  

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    Un peu plus loin, le grand moment tant attendu est arrivé, nous nous engageons dans la Koenigstrasse. Le château du colonel est plus beau que dans mon souvenir, un vrai château de conte de fées. Dans le parc attenant, des chevaux, des chèvres et des poules s'ébattent en liberté.

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    Tout en conduisant, je désigne à Boug' le bois où nous jouions des heures. Nous nous garons sur le parking de la cité-cadres, les bâtiments n'ont pas changé, les sapins sont toujours là, seuls nos balançoires et tape-cul ont disparu, je prends la pose devant la fenêtre de ma chambre. 

    J'entraîne Boug' sur le chemin tapissé de feuilles mortes qui menait à notre école primaire. L'odeur de mousse et de sous-bois humide m'assaille. Les corbeaux croassent au-dessus de nos têtes, les chats filent en silence, si je fermais les yeux, je me retrouverais projetée 25 ans en arrière. Les marches en bois vermoulu qui menait à l'école ont disparu, elle, et le passage est barré par un grillage.

    Derrière mon immeuble, je raconte ma collision à vélo, particulièrement réussie, avec le fils L. Mes genoux gardent les traces de mes jeux d'enfants ici. Je reconnais les immeubles où habitaient mes petits camarades de l'époque, celui de Sacha, de Nathalie, de Laetitia, de Bertrand, avec lesquels je suis toujours en contact. Impossible de pénétrer dans le camp de ce côté, je prends des photos à travers le grillage. Le camp est immense et intact, visiblement très bien entretenu. Apercevant des voitures qui circulent dans ses murs, je décide de tenter une incursion discrète. Je me gare devant l'entrée du camp, hésitant à braver le signe Verboten et y pénètre d'abord à pied, cachant mon appareil photo dans mon blouson. Je reconnais les baraquements en briques rouges dans lesquels les bidasses passaient leur service militaire. Un peu plus loin, un bâtiment très beau surmonté d'une belle horloge m'est familier, il abrite aujourd'hui un musée sur l'histoire du camp militaire de Mûnsingen. Plus loin à droite, une croix avec Jésus mais la chapelle où je m'égosillais chaque dimanche a disparu, visiblement. 

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    Alors que je prends des clichés, un monsieur blond et massif, accompagné de son chien, s'approche et m'apostrophe en allemand. Ca donne à peu près ça : « Du bist franzose ? » « Ya » « Kleine kinder hier ? » « Ya » « Mit papa soldat? » « Ya ». Le monsieur me propose de revenir le lendemain matin à 10h, il me fera visiter le musée et le « mixte mess ». Nous baragouinons chacun dans notre allemand-anglais approximatifs, nous serrons la main et échangeons nos prénoms, il s'appelle Reinhard.

    Je retourne à la voiture et décide, vu l'étendue du camp, de tenter une infiltration véhiculée avec la Boug' en guetteuse et caméraman. Intrusion réussie, seul Reinhard nous repère, je m'arrête de nouveau, lui présente Boug' et RDV est repris pour le lendemain. Nous faisons le tour du camp et du mess des sous-off' où le dimanche était jour de fête puisque nos parents nous y emmenaient régulièrement pour manger couscous ou poulet rôti, l'occasion pour nous tous de cavaler allègrement dans les couloirs du mess et de foutre un sacré bordel, nos parents étant occupés à autre chose. Seul manque le cinéma où j'ai amorcé ma culture cinématographique avec des chefs d'œuvre tels que « Cul et chemise », « Goofy aux sports d'hiver », « Rox et Rouky » et quand même, « Excalibur » qui figure aujourd'hui dans ma DVDthèque.     

    Nous repartons vers Bottingen où j'espère retrouver la trace de M. Mans, un ami de mon père mais les rues du village sont désertes. Je pousse jusqu'à Breithullen, où se trouvait le dépôt de munitions sur lequel travaillait mon père et où j'ai de fabuleux souvenirs de méchouis sur fond de guitare et de nuits étoilées mais je n'en trouve plus trace. En attendant l'heure du RDV avec Beate, nous nous posons dans le Mc Do de Munsingen, espérant capter une connexion wifi mais ici c'est payant et cher (8€ l'heure).

  • Jour 2 : le château du Lichtenstein avec Beate

    100_3855.JPGA 14h, nous nous garons de nouveau Gustav Schwab strabe. Je sonne à la porte et quelques instants plus tard, Beate nous ouvre. Elle n'a pas changé si ce n'est quelques rides autour de ses yeux et je l'aurais reconnue sans peine. Sur la table nous attendent un assortiment de pâtisseries et 2 thermos remplis de thé et café. Boug' se laisse tenter par une Forêt-Noire et une part de tarte à la rhubarbe, et moi par de la Sachertorte et tarte à la rhubarbe.

    Robert nous rejoint et nous échangeons nos souvenirs en français car Beate parle un français quasi-parfait ; elle ne pratique pourtant que très rarement. Elle a laissé une gamine, elle retrouve une femme et nous faisons maintenant connaissance, d'adulte à adulte. J'apprends que Beate n'est pas du tout une münsinger mais qu'elle est originaire de Fribourg, en Forêt-Noire, à quelques kilomètres de la France, ce qui explique sa culture très francophile. Beate s'enquiert de nos projets de visite dans la région. J'ai pensé à Bad Urach et Tubingen, une jolie ville étudiante. Elle propose de nous emmener jusqu'au château du Lichtenstein en empruntant la vallée de la Lauter, un affluent du Danube. Le château du Lichtenstein était un des sites favoris de ma mère, que j'ai plusieurs fois visité avec elle, enfant, et un incontournable pour tous nos visiteurs français.

    Nous partons dans la voiture de Beate. Le temps est nuageux et il fait très froid. Nous quittons Munsingen et la première halte se fait peu après, dans un sous-bois où Beate nous fait découvrir des fleurettes délicates et typiques de la région : des « garçons » et « jeunes filles » et aussi une espèce rare et protégée, une sorte de clochette blanche. Nous reprenons la voiture et poursuivons jusqu'à Offenhausen, à la Lauterquelle, la source de la Lauter, dans un site bucolique à souhait. Beate nous en apprend plus sur cette pierre crayeuse que nous avons aperçue à maintes reprises depuis notre arrivée.

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    Il s'agit d'une pierre calcaire que l'on trouve de Seeburg à Bad Urach, une pierre poreuse, très belle mais qui n'est plus très utilisée pour les constructions. La voiture serpente à travers la végétation hivernale et je contemple les forêts de majestueux sapins de mon enfance, ceux-là même dont les larges branches ployaient sous la neige. Celle-ci était encore présente il y a peu et Beate confirme que les bourgeons n'apparaissent qu'en mai. Il y a des chemins de randonnée partout à flanc de colline et des bancs pour que les promeneurs puissent faire halte. J'aime beaucoup cette proximité qu'ont les Allemands avec la nature.

    Peu après, Beate prend la direction du Schloss Lichtenstein et m'apprend que schloss signifie à la fois dire « serrure » et « château ». Elle gare la voiture sur un parking et le magnifique château du Lichtenstein se découpe dans le ciel. Construit au 14ème siècle, complété au 18ème, fortement endommagé par des tirs des Alliés à la fin de la 2ème guerre mondiale, il se dresse sur un pic rocheux à 250 mètres au-dessus de la vallée.

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    De là-haut on a une vue à couper le souffle sur les montagnes du Jura souabe et jusqu'à Reutlingen.

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    Un guide nous entraîne bientôt sur le pont-levis. Nous suivons la visite sur un document en français. D'abord la salle des armes où l'on trouve une armure d'adolescent. Ensuite la chapelle à la magnifique voûte bleue nuit, dont une niche est illuminée de rouge lorsqu'elle le soleil la frappe de ses rayons puis la chambre royale. Nous entrons ensuite dans une pièce en saillie où se trouve les masques mortuaires de plusieurs personnages illustres, parmi lesquels Napoléon 1er et Goethe.

    La pièce qui m'impressionne le plus est sans nul doute la salle des chasseurs , toute sculptée de bois, avec sa chaire d'où un orateur racontait le retour de chasse. On y trouve aussi une immense flûte à champagne  - à sa taille, soit 1m93 - offert à son époux, le duc Wilhelm, par la princesse Theodolinde Leuchtenberg, petite fille de Joséphine de Beauharnais. Notre dépliant dit qu'il fallait 3 bouteilles de champagne pour remplir cette immense flûte et 3 hommes pour la boire : le premier tenait le verre, le deuxième buvait et le troisième tenait celui qui buvait. Rien ne dit dans quel état finissait le trio ...

    Des inscriptions tantôt chevaleresques « Servir tous les dames mais mourir pour une seule » (en français approximatif dans le texte), tantôt humoristiques « Plus de gens se sont noyés dans la bière et dans le vin que dans le Danube et le Rhin » sont peintes sur les murs.

    Il est 18h30 lorsque nous remercions notre guide. Beate nous dépose chez elle et nous repartons immédiatement dans notre Mégane. En effet, ce soir, c'est détente : j'emmène Boug' se réchauffer dans les thermes de Bad Urach (Urach les Bains).

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    A 19h20, nous nous plongeons avec délice dans le bassin immense à 28° où nous massons nos lombaires sur de puissants jets. Un bassin surmonté de volutes de vapeur nous attire dehors et nous plongeons maintenant avec ravissement dans un bassin extérieur à 34°C où se prélassent d'autres nageurs. Là, en contemplant le ciel couleur d'encre, les montagnes alentour et les moineaux qui pépient joyeusement dans le soir tombant, je me dis que j'ai vraiment, vraiment beaucoup de chance.

    Il est 21h20 quand toutes alanguies, nous regagnons la voiture et tentons, en vain, de trouver un restaurant qui servirait encore à manger autour de la Marktplatz d'Urach, bordée de maisons à colombages.  Quelques minutes après 22h30, nous voici attablées devant un thé rooibos, racontant notre soirée à Beate et comment, descendant au sauna des thermes, Boug' a lâchement rebroussé chemin en  apercevant de jolies paires de fesses d'hommes. Beate rit et nous conte à son tour la mésaventure d'une de ses amies qui s'était le plus naturellement du monde foutue à poil dans un sauna anglais, provoquant une vague d'indignation. Nous avons ensuite échangé des expériences culinaires où il est question d'escargots et de grenouilles et aussi d'une tradition bavaroise qui m'a laissé rêveuse : la pause de 11 heures où l'on déguste un Bretzel accompagné d'une bière, de radis et parfois d'une weiss wurst (saucisse blanche, en fait un boudin blanc) trempée dans de la moutarde sucrée.

    En nous souhaitant bonne nuit, Beate promet : demain, Boug' mangera son premier bretzel !

  • France - Roumanie, jour 1 : Münsingen

    100_3788.JPGNDLR : Ce billet interessera plus particulièrement ma famille et les gosses de militaires avec lesquels j'ai grandi mais aussi, peut-être, d'anciens bidasses qui ont souffert dans les baraquements de la Petite Sibérie, comme on l'appelait alors, et qui tomberaient sur ce billet en faisant des recherches, comme je le constate parfois dans la liste des mots-clés amenant le visiteur jusqu'à 2yeux2oreilles.

    Première journée de mon trip à la Thelma et Louise avec Boug´: 2200 kms entre Paris et Rimnicu Valcea, au pied des Carpates roumaines, o­­ù nous attend Dana, en passant par Münsingen, la ville du Jura souabe dans laquelle j'ai grandi, et Budapest où nous profiterons de l´appartement d´Igor, mon ami hongrois.

    Münsingen ... je n'y étais pas revenue depuis 24 ans et je n'aurais pas pensé que ce serait avec Boug' que je retournerais sur les traces de mon enfance. Au fur et à mesure que nous approchions de la frontière, les noms des villes prenaient une sonorité familière. Baden-Baden, Rastatt, Pforzheim puis Stuttgart, la ville de Porsche, ou incrédules, nous nous sommes pris un déluge de grêle sur la tronche. "Tu m'as dit de prendre des tee-shirts parce qu'il pouvait faire beau... c'est des pulls et une doudoune qu'on va aller acheter, oui !" s'exclame Boug', hilare.

    Je bluffe : "Tu vas voir, il fera beau, chez moi !"

    En quittant Stuttgart, je retrouve la végétation aux couleurs magnifiques qui bordent l'autouroute, sillonnées par de puissantes berlines et autres Porsche. Tout le monde roule très vite et pourtant la circulation est parfaitement fluide. Engaillardie par la vitesse à laquelle je suis régulièrement dépassée, j'ose enfin un timide 150. Putain que c'est bon !

    Peu avant Stuttgart, nous prenons à droite la direction de Metzingen, ville connue pour ses nombreux magasins d'usine, que nous traversons avant de rejoindre Bad Urach. Ahhhh ! Bad Urach ! Les souvenirs, que je m'empresse de raconter à Boug', remontent à ma mémoire : la patinoire à ciel ouvert, sur la piste de laquelle j'évoluais pendant des heures avec mon père et mon frère, profitant du passage de la machine d'entretien pour dévorer un hot-dog que je vomissais immanquablement, sur le chemin du retour, dans un des virages de la montée d'Urach. Et justement, à la sortie de la ville, nous attaquons ces fameux virages qui me remplissaient d'appréhension quand j'étais enfant. A droite, en contrebas, le joli ruisseau l'Erms dévale les pierres et la campagne allemande rayonne de beauté sous la lumière du soleil. Car oui, il fait maintenant un soleil radieux et je jubile en silence.

    Enfin nous apercevons le panneau qui annonce notre première halte : Münsingen. Nous prenons à gauche vers le centre-ville et la Marktplatz ou se trouve une magnifique fontaine de pierre et l'hôtel Hermann, une imposante batisse de pierre à colombages. Cette place, je la connais bien, et le magasin de jouets à l'angle, tout proche, m'est familier aussi.

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    Nous posons nos valises et ressortons aussitôt, pressées de nous dégourdir un peu les jambes après 6 heures passées en voiture. J'ai en poche l'adresse de l'ex-femme du parrain de ma petite soeur, née ici. Boug' met son TomTom en mode piéton et nous remontons la rue principale de la ville. Après une centaine de mètres, sur la gauche, je déchiffre une pancarte "Schwimmhalle". Et là, dans un renfoncement, la piscine de mon enfance, celle oü, au milieu de mamies coiffées de bonnets avec de grosses fleurs en plastique, j'ai appris à nager ! Boug' réfrène un sourire amusé devant les cris de la gamine que je redeviens sous ses yeux.

    20 minutes plus tard, assaillies par une nouvelle chute de neige, nous sonnons à la porte d'une jolie maison de la Gustav Schwab Straße (hé hé je me la pète avec les caractères allemands de mon clavier mais pour l'accentuation francaise c'est une autre histoire, d'ailleurs je ne trouve plus la combinaison numérique pour faire le C cédille alors tant pis, je corrigerai une fois rentrée).

    Une jeune fille m'ouvre la porte et me dévisage d'un air soupconneux quand je demande, en anglais, si Beate est là. Je pense avoir affaire à une des locataires de la maison. "Elle n'est pas là. Qui êtes-vous?" "Je suis francaise, je viens de Paris, je suis une amie de Beate". Elle demande mon nom et quand je le lui donne son visage change immédiatement. "Ah ! Vous êtes la soeur de M. !2 s'écrie-t-elle en nous faisant entrer. Il était temps, on se pelait le cul dehors et Boug' a le nez tout rouge.

    Nous montons à l'étage et la jeune fille se présente : c'est Anita, la fille de Beate que je ne connais pas puisqu'elle est née après mon départ. Sa mère, récemment remariée est à Freiburg et doit rentrer ici demain. Je lui montre des photos de ma famille et de ma petite soeur qui est la dernière à être venue ici, il y a 15 ans déjà, d'après les souvenirs d'Anita. Un peu plus tard, son frère, un beau garcon de 19 ans monte nous rejoindre. Nous  discutons longtemps et Anita appelle sa mère qui est visiblement ravie de me savoir là et me donne rendez-vous le lendemain à 14h. "Je ferai du café et un gâteau" me dit-elle dans un francais impeccable.

    Vers 19h, Anita nous emmène d'un coup de voiture jusqu'à un restaurant typique recommandé par son jeune frère. Tout m'est familier : la rue principale ou des maisons modernes ont remplacé les fermes grisatres devant lesquelles s'élevaient alors des tas de fumier et puis, un peu plus loin, sur la gauche, des barrières de bois qui encadrent une montée et un panneau signalant une impasse. "C'est là ! C'est là que j'habitais, là-haut !". Le château majestueux se dresse toujours dans le parc mais le colonel de l'armée francaise n'en occupe plus les lieux depuis belle lurette. C'est là qu'à Pâques, des nuées de gamins s'élancaient à la recherche d'oeufs en chocolat. Anita tourne encore à gauche et nous dépose devant le Gasthaus Schützen, juste en face de l'entrée de l'ancien camp militaire.

    Devant une bonne pinte de bière, nous tentons de déchiffrer le menu. La serveuse nous aide en mimant des cris d'animaux. Ce sera donc un Schwapentöpfle et un Schwabischscher Zwiebelrostbraten, respectivement du porc et du boeuf, servies avec un bol de tendres spätzle.

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    Dans la salle des familles sont attablées devant leur chope de bière et des petties filles gambadent. Au moment de l'addition, moment de panique . aucune de nos cartes de crédit n'est acceptée et la serveuse m'emmène en voiture jusqu'à la Volksbank la plus proche. En route, j'apprends que Maria est russe et vit à Münsingen depuis 12 ans. J'essaie de lui expliquer d'ou je viens et pourquoi je suis là.

    Un peu plus tard, Boug' et moi avalons dans la nuit noire - et un peu glacée -  et sans croiser qui que ce soit, les 3 kilomètres qui nous ramènent jusqu'aux moelleux édredons de l'hôtel Hermann. Demain, nous irons à Bad Urach.