Ce fut mon dernier petit matin glacial à la gare d'Angoulême. Le TER Poitiers-Angoulême ne me manquera pas mais Angoulême restera comme un feu de bois dans un coin de mon âme.
"On mange bien à Angoulême" déclarait Dominique Besnehard. J’acquiesce pleinement. C’est aussi une petite ville pleine de charme dans laquelle on croise des personnes attachantes.
Au Côté Gourmet où j'ai déjeuné souvent, place de la gare, je n'ai regretté qu'une chose : que les créatives mises en bouche restent de savoureux mystères, déposées devant nous sans un mot de présentation. Plus généralement, il m'a semblé que cette cuisine inventive n'était pas présentée avec toute la fierté qu’elle mériterait.
Moi j'aurais annoncé, à la manière de Petitrenaud, un pavé de saumon juste saisi accompagné de son clafoutis de petits légumes fondants, ou encore un Paris-Angoulême croustillant de pistache sous une boule de glace Blue Lagon. En dehors de ce constat, rien à redire. Dans un cadre sobre offrant quelques tables, on dine à l’étage. Le menu déjeuner à 14€50 propose l’inspiration du jour en entrée-plat ou plat-dessert mais on peut aussi opter pour un menu de 3 plats pour 22€50 ou la carte. J'y ai dégusté une « pièce de veau comme un rôti, légumes d’automne mijotés » et « un crumble de potiron aux cèpes, pistou de noisettes ».
Au Nulle Part Ailleurs, l’irascibilité du patron gâte grandement le plaisir qu’on éprouve à se régaler de plats copieux et savoureux dans un décor ultra-chic (ah les incrustations de rondins de bois devant la cheminée, à l’étage …. J’espère que ce décor n’a pas été trop abîmé par l’incendie qui a eu lieu il y a 2 semaines). En dépit d'un service très amateur, je garde un souvenir ému de mon premier déjeuner angoumoisin à sa terrasse, sous les derniers rayons de soleil de l’automne, d’une généreuse parillada de poissons suivie d’un café gourmand offrant un superbe éventail de desserts.
Au Passe-Muraille, mon grand favori découvert par hasard, je pourrais m'assoupir de plaisir. J’ai narré une de ces soirées mémorables il y a quelques semaines.
A deux pas du Passe-Muraille, rue de la Cloche Verte, on trouve l'Atlas Marocain, à la déco étrangement similaire à celle de l’hôtel du Palais. Là, on dîne d’une excellente cuisine marocaine sur fond de musique lounge. Le premier lundi de janvier où frigorifiée, je me suis réfugiée dans ce restaurant, un des seuls ouverts, Papa était aux fourneaux et Fiston dépannait en salle. Je le sais parce que c’est ainsi qu’il a justifié ainsi « n’être pas très au point ». Au couple voisin qui s’étonnait qu’il demande comment ils trouvaient leur apéritif, il expliqua « C’est mon premier kir ». Moi j’ai trouvé ça trop mignon et il était charmant, s’enquérant régulièrement de ma satisfaction, il m’a même apporté de la semoule pour accompagner le tajine de poulet aux légumes que je suçotais à l’abri des regards des autres clients, face à la fenêtre.
Cerise sur le gâteau, alors que je réglais mon repas, il ouvrit sous mes yeux une boîte dans laquelle je fus invitée à piocher; le genre d’attentions qui fait la différence.
Le dernier jour, le Passe-Muraille étant fermé, ma stagiaire m’entraîna dans son restaurant italien préféré, rue de Genève. Angolo d’Italia est un beau restaurant, comme tous ceux dans lesquels j’ai dîné à Angoulême, où l'on ne trouve pas de pizzas. On nous a installées au sous-sol, dans une belle cave voutée. Le menu en V.O. avec traduction annonce que le patron est romain et propose, outre une carte de pâtes, poissons et viandes, des menus très intéressants à 22 et 30 € (mise en bouche + 3 plats). Ma convive avait commandé une assiette d’antipasti à 9€ débordant de jambons, brochettes de tomates et mozarella, crostini au saumon et gambas. Déplorant une rupture de stock m’empêchant de goûter le carpaccio d’espadon, je choisis une entrée de Saint-Jacques en sauce citronnée puis une assiette de spaghetti à l’encre de seiche, moules, crevettes, langoustines et calamars puis une tarte feuilletée pommes-amaretto. Le service fut très long mais l’Angolo d’Italia est une très bonne adresse.
Parmi les essais qui n’auront pas marqué mes papilles, je compte « Chez Paul », où le service est impersonnel et la cuisine inégale et « Le Terminus » face à la gare, trop guindé pour moi.
Et puis, je pleure de m'être fiée à mes stagiaires qui m'assuraient qu'il n'y avait pas d'hôtels "biens" à Angoulême. Certes, cela m'a permis d'aller me balader du côté de Bassac, chez l'ami Serge, mais quand même, quel dommage de n’avoir passé qu’une nuit dans le décor théâtral de l'hôtel du Palais, favori des stars de cinéma qui fréquentent la ville. Quel magnifique endroit ! Un accueil sincèrement chaleureux, un service aux petits oignons (on m’a confié plusieurs clés pour que je choisisse la chambre que je préférais), des tapis épais et lourdes tentures et puis le coup de coeur pour la chambre Pourpre, élégant mariage de bois et pierre où je m’apprêtais à dormir comme un bébé.
Hélas, je fus tenue éveillé fort tardivement par la conversation téléphonique de la chambre voisine et le matin, bien longtemps avant la sonnerie de réveil de MON téléphone, je fus tirée de mon sommeil par les vibrations de celui de la chambre voisine. Soit j’ai l’oreille qui s’affine avec les années, soit les murs de l’hôtel du Palais sont fins comme du papier. Quittant les lieux, je poussai la porte des autres chambres fort colorées qui font de cet hôtel un endroit enchanteur.