Moins d’un mois plus tard, je pénètre dans un bar intimiste et inconnu. J’ai longtemps hésité sur la tenue à porter. Robe près du corps, jupe ou pantalon moulant ? La première fois, tu m’avais vue en robe. J’avais deviné un goût certain pour les croupes rebondies et les cuisses dénudées, à portée de main. Mes dessous rose et chocolat avaient finalement décidé de mes dessus. Je ne comptais pas les garder longtemps, de toute façon.
J’espérais que tu m’effeuillerais lentement, en ne perdant pas une miette de notre communion, pendant que je tenterai de cacher mon émoi derrière un sourire mal assuré. M’embrasserais-tu longtemps, lentement ? Ta bouche m’effleurerait-elle timidement ou laisserait-elle des traces sur ma peau ? Retarderais-tu le moment de me dénuder, goûtant le contraste entre ma peau chaude et blanche et le satin rose ? Ou alors m’arracherais-tu mes vêtements pour t’enfouir dans mon odeur et sentir ma peau palpiter contre la tienne ?
Tu portais un pull sobre, ajusté sur tes épaules larges. Ces mêmes épaules que j’avais dévorées du regard la première fois. Mon esprit rêveur suivait d’abord du doigt, puis de la bouche la ligne de la clavicule jusqu’à la rondeur de l’épaule. La fente de ton aisselle laisserait remonter jusqu’à moi une odeur de houblon. Je fermerais les yeux pour te respirer quelques instants.
Nous avons bu, un peu. Tu as choisi un rhum et j’ai salivé en imaginant le goût et la fraîcheur de ta bouche. Il me semblait que chaque geste que nous faisions était terriblement provocateur. Nous avons beaucoup ri, aussi. Il y a eu des silences pensifs au cours desquels je te faisais déjà l’amour. J’ai tellement eu envie de t’embrasser alors. Aimantée par ta présence, je me rapprochais de toi.
Comme si tu lisais dans mes pensées, tu as soudain fixé ma bouche, à l’instant précis où je faisais crisser sous mes dents une feuille de menthe glacée. Tu as passé ton pouce sur mes lèvres entrouvertes et dit «qu’est ce que c’est sexy une femme qui sourit !».
J’ai balbutié une ineptie. Ta langue autoritaire et fraîche a aspiré la mienne dans une tornade. Il n’y avait plus personne, soudain, dans ce bar bondé. Tu as demandé « On part ? » mais c’était déjà un ordre.
La suite ? Ailleurs, dans un espace réservé aux adultes qui ont encore des yeux d’enfants et aiment les berlingots.