Jeudi soir, le Conseil Général du Val de Marne m’avait invitée à la soirée d’ouverture de l’UPEDD (Université Populaire de l’Eau et du Développement Durable) qui programme, chaque 2ème mardi du mois, à Ivry, une conférence sur le thème de l’eau. Cette soirée d’ouverture se déroulait au cinéma d’art et d’essai le Luxy, à Ivry précisément. J’affectionne cet endroit auquel je trouve un air de cinéma ancien et qui programme des films du monde entier.
Ce soir-là, on y projetait Water makes money, le documentaire allemand de Leslie Franke et Herdolor Lorenz dénonçant la marchandisation de l’eau par les multinationales privées.
Clairement pointées du doigt, Suez et Veolia dont les pratiques furent dénoncées par Jean-Luc Touly dans son livre « L’eau de Vivendi, les vérités inavouables », ce qui lui valut d’être licencié, il y a 5 ans, par Veolia puis réintégré il y a quelques jours suite à une décision du Conseil d’Etat.
« La France a la particularité d'être le pays où la proportion de délégation de service public est quasiment inversée par rapport au reste du monde: près de 80% de l'approvisionnement en eau y est géré par Suez, Veolia et la Saur», souligne Jérôme Polidor de La mare aux canards, distributeur du film en France.
Le documentaire donne aussi la parole à l’UFC-Que choisir qui a mis en évidence les prix de l’eau très abusifs pratiqués dans les grandes agglomérations urbaines. Dans une étude datant de 2007, il a comparé les prix facturés et réels de l’eau potable et décerné la médaille d’or de la surfacturation au SEDIF (Syndicat de l’Eau d’Ile de France, présidé depuis presque 30 ans par André Santini), lequel toucherait une marge de près de 60%, suivi de Marseille (56,1%), Gennevilliers (55%), Lyon, Toulouse, Montpellier, Reims (plus de 40%). A l’inverse, Chambéry, Clermont-Ferrand, Annecy et Grenoble, gérées en régie municipale, présentaient alors des prix proches du coût calculés par l’association (10 à 15% de marge). Vous pouvez lire cette étude là :
Nombre de villes, aujourd’hui font le choix d’un retour à une régie publique de l’eau potable : la ville de Rouen en début d’année 2010 et Paris au printemps dernier, avec un bémol puisque Veolia conserve la gestion des fontaines parisiennes.
En revanche, Veolia a remporté, il y a quelques mois, le contrat de distribution de l’eau potable en Ile de France (contrat qu’elle détient depuis 1923). En Allemagne, la multinationale française a réussi, par des participations dans les services des eaux de plus de 450 communes, à prendre la première place dans l´approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées (source Watermakesmoney).Pour un état de la remunicipalisation de l’eau, consultez le site France Libertés, créé par Danielle Mitterrand.
S’appuyant sur des séquences chocs où l’on pointe des fuites d’eau gigantesques sur le territoire français (25% en moyenne), « non traitées car facturées à l’usager », le manque d’entretien des équipements « conduisant inévitablement au traitement de l’eau, facturé lui aussi », la forte proportion de chlore et le mauvais goût de cette eau, justement, le documentaire milite clairement pour un retour en régie publique.
Il pointe aussi du doigt les liens étroits entre politiciens et dirigeants des multinationales de l’eau : Dominique de Villepin, ex conseiller international chez Veolia, Eric Besson à la tête de la fondation Vivendi (Veolia), et jusqu’à André Santini qui envoie des courriers officiels sur papier à en tête Veolia …
Si Water makes money est l'objet de nombreuses controverses, une chose est sûre : la guerre de l’eau a déjà commencé. Problèmes et solutions, le débat est ouvert. Et vous, savez-vous au moins à qui vous payez votre eau ?
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Géopolitique et guerre de l'eau
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