6h20, un oiseau me réveille. Je soulève le rideau : une pluie fine tombe.
A 7h30, nous quittons le lodge et commençons à courir sur la piste.
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6h20, un oiseau me réveille. Je soulève le rideau : une pluie fine tombe.
A 7h30, nous quittons le lodge et commençons à courir sur la piste.
Après une pause de 4 mois (qui n’est pas passée inaperçue), j’ai repris la course, et pas qu’un peu. Ces 2 dernières semaines ont été très sportives. Jugez plutôt :
- 4 matches de foot en 2 semaines (dans les bars espagnols, c'est tout de suite plus facile)
- 4 séances de jogging la première semaine et 2 la seconde : à Paris, à Lleida, à Barcelone (les 11 kms de la carrera El Corte Inglès) et à Genève !
Ca y est, c’est parti, plus rien ne m’arrête …
Ce matin, je me suis levée tard. J'ai déjeuné d'un café, de quelques tranches de pain et d'un bout de fromage. B. se lève encore plus tard, lui, mis K.O. par le café bu la veille.
Nous discutons longtemps de religions, conversation très intéressante, comme toutes celles que j'ai eues jusqu'ici avec lui. Je m'incruste dans sa séance de jogging le long de la rivière. Il ne sera pas dit que j'aurai amené ma tenue de joggeuse pour rien, et si j'ai abandonné tout espoir de courir dans son quartier, beaucoup trop escarpé pour moi, je souhaite vraiment profiter du beau temps pour reprendre la course, que j'ai arrêtée il y a 4 mois. B. m'apprend que les étirements avant de courir, que je pratique depuis toujours, sont non seulement inutiles mais de surcroît, mauvais pour les muscles.
Il se gare tout à côté de l'endroit où il m'a récupérée la veille, en route pour Malaga, et nous nous longeons la rivière en nous éloignant des terrasses où se prélassent les Granadinos.
Très vite, après le quartier escarpé du Realejo, petit frère de l'Albaicin, d'où émergent de superbes demeures, on se trouve sur le paseo Fuente de la Bicha. Le chemin devient de terre, une végétation touffue de joncs remplace les élégants palmiers, B. s'élance, puis me distance. Je suis son tee-shirt rouge qui trotte à bonne allure et s'éloigne jusqu'à disparaitre. Le parcours, qui totalise 14 kms, est vraiment très agréable et fréquenté par les promeneurs, familles, joggeurs et cyclistes.
Après le quartier du Realejo, que je parcourerai le lendemain, on longe à droite ceux de Bola de Oro, puis El Serrallo. Ensuite, après un court voisinage avec l'autoroute qui mène à la Sierra Nevada, le sentier s'enfonce à travers champs et les habitations se raréfient. Je demande l'heure à une femme, elle m'indique 18h40. J'ai dû courir une demie-heure, je m'arrête et marche tranquillement.
Après 5 minutes, B. vient à ma rencontre, toujours courant. "On a commencé à quelle heure ?" lui demandé-je. "18h22" dit-il en s'éloignant. Zut, je n'ai donc couru que 20 minutes ? Je reprends la course, une petite dizaine de minutes, je pense, et le retrouve à sa voiture. C'était, pour moi, une petite séance mais la reprise est faite.
Pour fêter ça, peut-être, ou juste pour terminer le weekend en beauté, B. débouche une bouteille de rosé de sa Provence natale, ouvre le bocal d'olives noires préparées par son maçon, tranche chistorra et chorizo, me sert une assiette de lentille aux poivrons qu'il a - très bien - cuisinées. Ensuite, nous mangeons un peu de fromage et finissons par un bol de fraises arrosées de citron - et de sucre - et une anone (la fameuse guanabana, version miniature).
De retour au B&B, nous croisons le maître de maison, un homme très distingué.
"Je suis John" dit-il en nous tendant la main et un papier sur lequel se trouve le code d'accès au WI-FI. Je lui demande où je peux courir.
"Vous pouvez faire la boucle, vous prenez à gauche, vous montez sur la Sky Road, et plus loin, vous aurez une intersection et vous pourrez prendre à droite pour redescendre ici par la Lower Sky Road. Vous courez combien de temps? ". "Une heure, habituellement". "Hé bien, je ne l'ai jamais fait, mais ça pourrait vous prendre une heure".
Quelques instants plus tard, mes mollets souffrent en grimpant jusqu'à la Sky Road. Et arrivée là, ça grimpe encore bien sûr. Le plus beau du paysage est dans mon dos et ma détermination fléchit déjà.
Je cours 20 minutes, me retourne et aperçoit un cycliste qui grimpe les lacets derrière moi. "Purée, il a du courage, celui-là" me dis-je.
Un peu plus loin, des côtes à perte de vue, je craque et marche un peu. Le vélo se rapproche de moi et je découvre, sous le casque et le maillot jaune et noir, une demoiselle criblée de taches de rousseur. Elle aussi pose le pied à terre et marche à mes côtés, poussant son vélo, et je ne regrette pas cette parenthèse.
La jeune fille s'appelle Aoife (ça se prononce Ifa), elle a 12 ans et est en vacances chez sa grand-mère de l'autre coté de la Sky Road. Aoife adore le vélo. d'ailleurs, elle en fait tous les jours et rêve de rejoindre un club, comme son grand frère qui travaille dans un magasin de vélos à Clifden. Nous discutons pendant 10 minutes, c'est une gamine enjouée et volubile, elle a une copine française et beaucoup d'énergie. Au parking offrant un superbe panorama sur la côte déchiquetée, je reprends ma course mais cette fois je ne m'arrêterai plus, sans doute reboostée par cette jolie rencontre pleine de fraîcheur.
Des kilomètres plus loin, au carrefour, je prends à droite, une pancarte indique le Ardmore House B&B à 3 kms. A gauche, les ruines d'un château. La Lower Sky Road est beaucoup moins fréquentée et la course est vraiment très agréable car je cours maintenant sur du quasi-plat. Sans efforts, je savoure la fraîcheur du soir tombant et la mer bleue à perte de vue. Le long de la route, les bâtisses, plus ou moins imposantes, ont toutes vue sur la mer. A ma gauche, les prairies vert tendre dévalent jusqu'à la mer. Plusieurs B&B se succèdent jusqu'au notre, nous avons choisi le meilleur, visiblement.
J'ai commencé à courir à 18h49, me suis offet une pause de 10 minutes avec la douce Aoife, et il est 20h03 lorsque j'atteins la maison blanche. Une heure pile poil, John avait vu juste. Je me sens en super forme.
Ce matin, après le petit déjeuner (j'ai pris un bol de porridge pour plâtrer mon estomac fragilisé), nous flânons une bonne heure dans les rues animées d'Ennis. Nous descendons O'Connell street, puis faisons un tour à la Market Place, où se tenaient anciennement le marché aux animaux, et où aujourd'hui, on peut voir des poulets et un cheval, puis nous remontons Parnell Street jusqu'au Rowan Café & Bar où Boug' m'offre un café, en terrasse, au bord de la rivière Fergus.
Peu avant 14h, nous nous mettons en route pour la région du Burren et plus précisément le village de Doolin sur la côte, juste au-dessus des falaises de Moher. Cette journée sera la plus belle de notre séjour, ciel bleu et soleil omniprésent.
Sur la route, je peste un peu contre les véhicules lents qui ne se rangent pas sur la bande prévue à cet effet. Les bonnes habitudes se perdent aussi en Irlande. En sens inverse, à partir de 15h, les bouchons se forment. C'est le début du week-end de Pâques et les citadins se ruent vers la côte.Nous passons sans nous arrêter sur le site des falaises de Moher, dont l'accès est désormais payant (8€). De toute façon, je n'ai jamais trouvé ce site incontournable. En revanche, le long de la route, les B & B se succèdent, tous plus somptueux les uns que les autres.
A Doolin, les verres de bières sont posées sur les tables, au soleil. Nous allons au bord de la mer, bordée d'énormes pierres plates et fissurées de toutes parts.
Un homme blond, la quarantaine, jean et chemise bleu ciel, s'approche de nous et propsoe de nous prendre en photo. Je lui tend mon appareil, nous plaisantons un peu, poignée de main. Il s'appelle Pat, vient du comté de Roscommon. Avant de s'éloigner, il nous conseille un pub, dans le village, "où l'on mange bien".
Quleques dizaines de minutes plus tard, nous le croisons dans les rues. "Hey girls !" Il nous entraîne dans son pub, "juste à gauche". Nous marchons une bonne demi-heure. Je le charrie "Hey, Pat, t'es sûr qu'il existe ton pub ? A ce rythme là, on va arriver à Galway" Il se marre. Ne manque pas de demander si nous sommes mariées. Je mens, me suis déjà fait avoir une fois, pas deux. "Pas mariées mais on a des copains". Je leur invente même des métiers, au pied levé. Pat, lui, est vendeur de poissons après avoir travaillé dans le bâtiment. Séparé depuis des années, sa femme s'est barrée avec un de ses amis qu'elle a rencontré "aux chevaux". Il faut savoir que le divorce n'a été autorisé en Irlande qu'en 1996 et que dans les faits, il est compliqué, aujourd'hui, de divorcer.
Finalement, nous voilà arrivés à son pub, le Mc Gann's. Le contraste entre la clarté extérieure et l'atmosphère sombre du pub nous aveugle un instant. Pat commande deux verres de Guinness pour nous et une pinte de Smithwick's pour lui. Le seul jour où je n'ai pas bu mon verre de Guinness (hier), j'ai été malade alors aujourd'hui, je reprends les bonnes habitudes.
"T'es trop forte, dit Boug', tu te fais payer ta Guinness tous les jours". Pour info, le pub fait aussi B & B à 23€ la nuit sans petit-déj.
Devant nos verres, je questionne Pat. Qu'est ce qu'il fout là tout seul ? Ce n'est pas très clair mais il raconte qu'hier, au volant de son fish van, il s'est arrêté pour secourir une motarde qu'il a crue en panne. Il a proposé de charger sa moto dans le fish van mais les cages à poissons prenaient trop de place. Il s'est quand même démmerdé pour pécho le numéro de la motarde, qu'il a suivie jusque là mais elle lui a envoyé un sms lui signifiant qu'elle était chez son oncle et qu'elle ne pourrait pas le voir. Il s'est pris un vent, quoi, et ça le fait plutôt marrer. "Je devrais laisser tomber, tu ne crois pas". "Ouais, je crois, Pat".
Seulement le Pat, il a de la suite dans les idées, mari, copain, ou pas et il insiste pour que nous restions à Doolin cette nuit. Il me file son numéro et gratte le mien "au cas où il viendrait à Paris". "Ton copain n'est pas jaloux?" "Non, il me connaît, il a confiance en moi".
Comme je ne suis pas allée à Galway depuis un moment, et que Pat the fishman semble avoir le coude léger (et pas que), je demande des tuyaux. "Tu sais dans quel pub on peut aller à Galway, faire la fête ?" "The Quays is the place".
Ah oui, bien sûr, ça me revient, the Quays, ce pub ultra bruyant et bondé.
"Je vous ramène, les filles" dit Pat. Il insiste pour nous prendre en photo devant son van blanc "Fresh fish and seafood". Ca claque. On grimpe à bord du van dans lequel ça sent méchamment le poisson, en effet. Pat met de la musique country, et il chante du Johny Cash, c'est irréel et Boug' se tape une crise de fou-rire complètement hystérique. Elle écrase ses larmes, ce qui fait beaucoup marrer Pat qui en rajoute et fait le con au volant. Il est vraiment super drôle, ce mec.
Peu avant 16h, nous atteignons Ballyvaughan, une charmante petite ville en bord de mer. Juste avant, je me suis fait rentrer dans le cul par un Irlandais étourdi ou ébloui. Dans le délicieux jardin intérieur des Tea and Garden Rooms An Féar Gorta, nous mangeons un berry cheesecake. A côté de nous, une famille avec mémé et 4 enfants constellés de taches de rousseur partagent un goûter sur une pierre plate. Il fait toujours un soleil éclatant et l'endroit est fort bucolique.
Nous poussons jusqu'à Black Head, le long de la mer scintillante comme une flaque d'huile. Entre nous et elle, des roches et d'énormes pierres rondes, et pas un mouton à l'horizon.Nous atteignons Galway à 18h. Notre hôtel se trouve dans la rue où il ne faut pas dormir à Galway. Surtout pas un week-end. Une rue piétonne, de surcroît, coup de pot, je gare la voiture près de la cathédrale, sur un parking gratuit à partir de 18h30 et le dimanche (pour info, c'est le parking juste à coté de la cathédrale, à 5€ par jour).
L'hôtel est à 800m, nous traînons nos valises sur les pavés. Sur mon téléphone qui a bipé, je découvre un sms "Hi girls I could meet up with ye later if ye for the crack in Galway. I have enough of this place. What do ye think ? Pat the fishman".
Merde, vl'là le Pat qui rapplique à Galway ! J'interroge Boug' mais nous sommes d'accord. Pas question de nous coltiner le Pat qui a visiblement d'autres intentions que de partager un verre de Guinness. Je ne réponds pas au sms.
Au Barnacles hostel, le réceptionniste, très sympa, me tend une carte : "Vous avez le lit n°1 et votre copine, le n°2". "Ah, nous sommes plusieurs ?" "Ah oui, c'est un dortoir de 8 lits". La gueule de Boug' quand je lui annonce ! J'ai attendu d'avoir presque 40 piges pour découvrir les dortoirs des auberges de jeunesse ! J'insiste "Mais, mon ami, a réservéune chambre double, pas un dortoir". Rien à faire. Merci S. ! Nous montons nos valises au dernier étage, à travers un dédale de couloirs et portes. Des lits superposés. Je regarde par la fenêtre. Chouette, on est juste au-dessus du pub "The Quays", on ne va donc pas fermer l'oeil avant une heure très avancée de la nuit. Boug' fait sérieusement la tronche et propose de se barrer. Le problème, c'est qu'un week-end de Pâques, à Galway, on risque fort de ne rien trouver.
La porte s'ouvre sur une jeune fille brune qui s'avère être française. Très sympa, nous discutons. Elle est étudiante à Dublin et voyage avec son copain, qui sort justement de la douche. Mmm ! Pas dégueu du tout, le Nantais ! Je lui mangerais bien les oreilles, moi, au Petit Lu !
Nous ressortons et Boug' m'accompagne sur la jetée qui va jusqu'à Salthill, où je m'offre 45 minutes de course très très agréables, dans le soleil couchant. Où courir à Galway? pourrait faire l'objet d'un billet à lui tout seul. La réponse tient en quelques mots : sur la jetée en direction de Salthill.
A 20h53, nouveau sms "Hi ladies, you both would enjoy Taffs before the Quay's. I am in Sonny's. Pat"
Nous sortons de l'hôtel, prenons la Quay street, à la recherche d'un restaurant. "Demi-tour, Boug', dis-je en avisant le pub Sonny's". Pat the fishman a visiblement élu domicile dans notre rue. Nous marchons dans les rues guettant une chemise bleu ciel, que nous croyons apercevoir ici ou là.
Nous entrons au Mc Donagh's, un restaurant de poissons que j'aime bien, et où il y a quelques années, j'avais réussi l'exploit d'envoyer une pince de crabe sur la chaussure d'un mec, faisant pleurer de rire mon copain S. J'étais déjà une experte en lancer de fruits de mer. Le Mc Donagh's est toujours un restaurant fort typique, avec ses filets de pêche accrochés au plafond. Pour 19€95, nous mangeons une soupe de poissons et un fish and chips (enfin, sans les chips pour moi) avec un verre de vin blanc.
Boug' fume une clope devant le Quay's où déjà, des Irlandais(es) sont passablement éméchés.
En remontant dans notre chambre, nous croisons le couple de petits Français qui promettent de dire à Pat que nous sommes parties à Sligo s'ils le croisent. Et là, à l'heure où je vous écris (0h50), le pub d'en-dessous diffuse "Sunday bloody sunday". Je ne sais pas si mes boules Quies seront suffisantes pour m'isoler du vacarme...