Je vous regarde fixement. Vous ne me voyez pas, vos yeux sont baissés. Je vous souris, de temps en temps. Je sais ce que vous pensez.
Vous pensez que nous sommes différentes, et même opposées.
Vos cheveux sont argentés et la vie a griffé votre visage de sillons épais. Sur les photos de votre jeunesse, à côté de votre grand amour, dans un décolleté trop provocateur, j’ai découvert une femme qui n’est pas vous, une poupée qui fait oui avec la tête et non avec le cœur, comme dans la chanson. Effacée, dévouée, vous vous êtes laissée désarticuler sous les coups de celui qui disait vous adorer.
Toi, petit elfe facétieux, tu danses sur les pavés mouillés comme tes joues, les soirs de solitude. Je te connais si peu mais je t’aime tellement, si tu savais. Si tu savais comme chacun de tes mots m’arrache le cœur, comme je me retiens d’écrire pour ne pas me dévoiler. Je te parlerai, un soir, lorsque nous serons seules, et nous pleurerons de rire, et le vin coulera.
Nous mettrons des talons hauts et de jolies robes qui s’envolent et nous nous enivrerons d’amour et de musique. Tu es mon exutoire caché.
Tu portes son prénom, c’est drôle, et pourtant tu ne lui ressembles en rien. Je t’aime mais ne te comprends pas, c’est pas grave et c’est réciproque. Tu as dit un jour une phrase qui nous a fait mal à toutes les deux, j’aurais pu nier, te rassurer, mais je ne veux plus mentir.
Tu me rapelles cette phrase dans un très beau livre qu’un garçon m’a offert : " Le seul instant de sa vie où elle fut reine fut le jour de sa mort."
Toi, la dernière pierre que j’ai découverte. Tu étais là, posée sur un lit de mousse, et je ne t’avais pas remarquée. C’est parce que tu as une telle générosité que tu mets les autres en vedette. On a partagé un plateau et des confidences, et soudain ma voix a tremblé. Je sais ce que ça veut dire.