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  • Un jeune homme de 90 ans ...

    Un vieux monsieur monte à bord du bus bondé. Lorsque celui-ci redémarre, il est projeté au centre du véhicule et trottine, jambes écartées. Sa posture, le sourire amusé sur ses lèvres et le bonnet en laine gris et rouge enfoncé sur son crâne lui confère quelque chose de comique. Un homme assis sur les strapontins latéraux tente de l’agripper au passage, mais trop tard, et il se dirige vers le fond du bus. Je suis déjà debout et viens à sa rencontre. Je l’attrape par le bras et tente, brinquebalant au rythme des secousses, un sac à un bras et mon p’tit vieux à l’autre, de le diriger vers mon siège désormais libre. Nous sommes deux, maintenant, à tanguer au milieu de tous et à en rire. Il plonge son regard bleu dans le mien et s’écrie « Je suis pris en charge par le plus beau chapeau du bus ! ».

    J’éclate de rire et le hisse difficilement sur le siège. Il continue de me parler tout en clignant des yeux, on dirait vraiment un enfant, il a un regard plein de malice. Une sorte d’Albert Jacquard. Il me fait même rougir. « C’est vrai, vous êtes toute vêtue de couleurs printanières », continue-t-il. « C’est pour conjurer le mauvais temps ? »

    « Exactement ! Le soleil, c’est dans la tête », je lui réponds, avec un clin d’ oeil. Et c’est vrai qu’à cet instant, dans ce bus à la lumière blafarde, il fait 35 degrés, on se croirait au bord d’une plage à siroter des cocktails. Même les gens autour de nous ont changé, ils nous écoutent, leurs yeux sourient. La jeune femme brune à ma gauche a ôté ses écouteurs et se marre franchement.  

    Il pointe un doigt vers le ciel : « Vous n’avez pas oublié, de toute façon, que le soleil brille toujours, au-dessus des nuages ? » « Je ne l’oublie jamais ! » Il continue de s’émerveiller sur mon chapeau de feutre gris, je plaisante sur son bonnet de lutin. Après quelques instants, je tourne la tête, un peu embarrassée et puis, à l’arrêt suivant, un autre homme s’arrête devant moi avant de descendre et me dit quelque chose de très gentil. Un échange qui n’arrive jamais dans la foule parisienne, sauf pour ceux qui ouvrent leurs yeux et leurs oreilles.

    Exactement le genre de choses dont je t’ai parlé, Ain, en buvant un verre avec toi à Paris Carnet, avant que tout le monde n’arrive.

    Je croise le regard de la jeune femme brune et lui lance « Décidément, c’est ma soirée, faut pas que je rentre chez moi, je vais appeler les copains et sortir ! ». Elle acquiesce. Le vieux monsieur est maintenant plongé dans un journal, plongé c’est le mot, il a le nez collé dessus et les yeux écarquillés. Mon arrêt approche, je me penche vers lui, juste assez pou sentir une vague odeur d’urine, et lui souhaite une bonne soirée. Il soulève son bonnet.

    Je ne suis pas ressortie ce soir-là. J’avais eu mon content de chaleur humaine. J'ai pensé avec un sourire que peut-être, il aurait aimé rencontrer ma mémé aux chaussettes aubergine. Elle aurait abandonné sa canne pour s'appuyer sur son bras et leurs jambes cagneuses auraient arpenté de concert les trottoirs parisiens.

    Ne croyez pas les gens, moroses, qui vous disent que les grandes villes sont inhumaines et que la solidarité n’existe plus. Arrêtez juste de fixer le bout de vos chaussures et vous vous rendrez compte que les miracles n’en sont pas. C’est vous qui les faîtes.

  • Un week-end culturel


    podcast

     

    Après une sortie difficile de la capitale, la Mégane dorée dont on m’a confié les clés file sur l’autoroute. J’ai emmené quelques CD, « Astor Piazolla Remixed », "Voyage en Tziagnie" et une compil « Porno Chic ».

    Sur la n°2, "Intentions" de Kevin Yost, que vous pouvez écouter ci-dessus (attention, mélodie hautement planante), le passager s'agite. "C'est exactement la musique que j'adorrre !" s'écrie, en roulant les "r", mon partenaire de danse préféré depuis le concert de Gotan Project auquel nous avions assisté ensemble, sur le lac d'Enghien les Bains.

    Quelques heures plus tard, lorsque nous pénétrons, transis de froid, dans la maison colorée chauffée au poêle, point de cris d’enfants. Ils dorment déjà. Du bon vin, un délicieux poulet fermier au cidre, décidément il cuisine  comme un chef. Je la refais. J’ai apprécié le vin, j’ai trouvé le poulet délicieusement parfumé, je pense que mon ami cuisine très bien.  Ca ne va pas être évident de tirer les leçons du test « Quel juge êtes-vous ? » …

    Samedi matin, une petite fille descend l’escalier en colimaçon. Je fais semblant de dormir sous mon sac de couchage et elle se dandine devant moi. J’ouvre un œil, elle m’embrasse. Peu de temps après, son petit blondinet de frère, hilare, se rue vers le salon transformé en dortoir. Je ne me lasse décidément pas de l’entendre m’appeler « Choufi ».

    Samedi soir, un spectacle de danse contemporaine d’Alain Patel, à l’Opéra de Lille : « Pitié ! » ou « La passion selon saint Matthieu » de J.S. Bach, réorchestré. J’ai été émue par les chanteurs et la musique, impressionnée par le travail des corps et leur expression. Je n’ai pas « adoré » mais j’ai trouvé ça intéressant.

    Le lendemain, retour sur Paris, juste à temps pour écouter un ami du Rainbow Symphony Orchestrajouer à l’espace des Blancs-Manteaux. J’ai retrouvé avec beaucoup de plaisir des suites de « Carmen », seul opéra que je possède dans ma collection de disques, ainsi que Gershwin et « Un Américain à Paris », qu’il composa après sa rencontre avec Ravel. J’écoutai souvent cette pièce dans le car qui m’emmenait le dimanche soir, à l’aube de l’adolescence, vers mon pensionnat à Baden-Baden.

    Après le concert, nous avons bu un vrai chocolat chaud dans un café voisin. Puis une autre halte à l’Imprévu Café, rue Quincampoix, pour un vin chaud entre filles, cette fois.

  • Un resto (ça faisait longtemps !)

    Au hasard de mes missions, je découvre des villes et des quartiers. Et des restaurants, bien sûr, pour mon plus grand plaisir d’épicurienne.

    Cette semaine, je suis restée à Paris, du côté de Port-Royal. Hôpital en face, hôpital à gauche, et pour compléter le tableau, moi je suis chez les médecins. J’avais déconné avec les copains et copines « Je vais chez les docteurs, y’aura peut-être George (Clooney) ». Tu parles. Que des vieux. Sympas, certes, mais vieux.

    N’empêche que je prends mes déjeuners dans une brasserie dont j’ai envie de vous parler. Il s’agit de l’Harmony Café, qui fait l’angle du boulevard Port Royal et de la rue du faubourg Saint-Jacques.

    De l’extérieur, ça ressemble à une brasserie parisienne d’origine auvergnate lambda. L’ardoise vante avec fierté ses viandes de l’Aubrac, ses frites fraîches maison, sa charcuterie aveyronnaise et ses tartines de pain Poilâne. Quand on y entre, on est tout de suite accueilli avec chaleur par l’un des serveurs.

    Mon collègue s’est lové contre le radiateur et a choisi une formule entrée + plat (du jour) à 12€50. Il  a poussé des soupirs de bien-être en tartinant la terrine maison (m’en a même pas proposé, l’enfoiré !) jusqu’à ce qu’on m’apporte une entrecôte tendre comme du beurre accompagnée de son bol de frites maison à tomber par terre, dans une jolie vaisselle blanche en forme de gouttes. De saison, quoi ... (Pap’s, je suis contrite, elles étaient super bonnes, leurs frites et je t’ai fait une infidélité, sur ce coup-là)

    Côté service, rien à redire. Parfait du début à la fin. La promesse d'un "accueil cordial et convivial" est tenue. 

    Lorsque mon collègue s'est absenté pour aller s'intoxiquer en terrasse, j'ai plongé dans un des livres gracieusement mis à la disposition de la clientèle et je serais bien restée là, à lire "Les auvergnats de Paris" de Marc Tardieu (sur ma liste "à lire"). Au moment de payer, la patronne nous propose des cartes de fidélité, c'est bien la première fois que je vois ça dans un restaurant ! 15 repas achetés, 1 offert ! On peut aussi réserver la salle du restaurant pour des évènements le samedi après-midi, ou encore commander un aligot saucisse (pour 8 personnes minimum).

    De retour chez les toubibs, lorsqu'on nous demande où nous avons déjeuné, l'un d'eux s'étonne "Ah bon, c'est bien ? Nous y sommes allés plusieurs fois, il y a un moment, c'était vraiment pas terrible, on y est jamais retournés".

    Ce midi, nous y sommes retournés, nous, et là encore, un sans faute. Son émincé de volaille était moelleux, mon couscous très correct et les portions parfaites, ni trop ni trop peu. Lorsque nous avons complimenté la patronne, lui disant que les médecins n'avaient pas eu le même ressenti, elle a reconnu qu'à ses débuts, elle avait eu des problèmes de personnel. Comme quoi, dans ce métier, une mauvaise première fois est souvent la dernière ...  Du coup, elle nous a glissé "Je vais vous faire goûter quelque chose" et est revenue avec une bouteille de Perrier. "C'est mon papa qui la fait, c'est de la prune aveyronnaise", a-t-elle chuchoté.

    Inutile de vous dire que l'après-midi, on a pété le feu ...

    L'Harmony Café, du lundi au samedi, au 117 boulevard de Port-Royal (angle rue du fbg Saint-Jacques) 01.43.29.01.02

    Et puis, à quelques rues et un arrondissement de là, y'a aussi mon restaurant éthiopien préféré : Entoto !

  • Un pingouin, un provençal, une princesse et un Antoine qui s’appelait pas Antoine …

    Il était à peine 18 heures hier soir lorsque sur la place de l’Hôtel de Ville tout illuminé, j’ai retrouvé Aïn, « le premier blogueur que j’ai rencontré  pour de vrai ». Lorsque je découvris qu’il était de passage à Pari, je lui proposai, sans trop y croire car il est timide, de m’accompagner à Paris Carnet. Contre toute attente, il accepta sans hésiter. Il était caché sous un chapeau, lui aussi, le même que Marc Veyrat, d'ailleurs …

    Et voilà qu’après avoir discuté de ses – nombreux – projets dans le bus qui nous déposait là ou Ménilmontant et Belleville s’épousent, nous poussons la porte de l’Assassin.

    « Vous êtes les premiers », dit Hadrien. Nous tombons les chapeaux et nous asseyons, Aïn n’a pas changé, ses tempes sont juste saupoudrées d’argent, et ça lui donne encore plus de charme. Peu de temps après, la silhouette de rugbyman de Boby apparaît dans l’encadrement de la porte. Le Sud en force, ce soir !

    Bientôt, les yeux bleus de Bénédicte s’installent à côté de moi. Puis Boug’ qui sort l’appareil photo à peine assise et me canarde, mine de rien. Faut faire gaffe à cette nana, moi je vous le dis, Boug’ elle tient son appareil photo comme d’autres tiennent leur clope, dans des positions improbables et donc supposément inoffensives, et avant que vous ayez le temps de dire ouf, vos amygdales, votre décolleté voire pire se retrouvent en gros plan, heureusement anonyme, sur un de ses judicieux montages.  

    C’est à cet instant, msieu-dames, qu’il m’arrive quelque chose de drôle. Je m’absente un instant (les dames biens disent « pour me repoudrer le nez », donc on va dire ça …) et en revenant vers notre table, j’avise un jeune homme - ma foi pas dégueulasse - attablé au comptoir. Je le regarde, marque un temps d’arrêt, il me fixe aussi, avec le même air interrogateur. J’avance vers lui « On se connaît, non ? T’es blogueur ? » Il bafouille, essayant en vain de se cacher derrière son journal  « Heu, pas vraiment, enfin, oui, mais bon, je suis incognito, en fait … » Je me lance, fouillant dans mes souvenirs « Tu t’appelles … Antoine ? » « Heu, non … » Et là, illumination ! Je ne l’ai pas rencontré sur les blogs. C’est l’homme avec lequel j’ai vécu pendant 6 ans !

    (nan, j’déconne !!!)

    En fait, ce garçon blond à la mèche un peu rebelle, je l’ai rencontré à une soirée du café de l’amour, il me semble d’ailleurs que c’était la fameuse soirée avec Françoise Simpère. Nous avions poursuivi la discussion au Ménilmontant, avec lui, donc, ma copine Chacha et d’autres joyeux drilles qui n’avaient pas envie de se coucher tôt. Je lui avais demandé son numéro de téléphone et ne l’avait jamais appelé (je fais ça régulièrement quand je manque d’inspiration, pour ma grille de loto du vendredi).

    Il sont deux comme ça à s’être planqués au bar pour observer ces groupes de blogueurs qu’ils ne connaissent pas. F. me dit qu’il a été invité par une blogueuse. Quand il me donne le nom de son blog, je souris. Il y a quelques mois, elle était entrée ici, hésitante, timide, sur mon invitation et je l’avais reconnue sans la connaître. Je les invite à se joindre à notre table. L’autre jeune homme, c’est Monsieur Pingouin. Et puis, Nichevo arrive, tout frigorifié sur sa moto. Un peu plus tard, la grande silhouette tout en longueur d’Oh !91 glisse jusqu’à nous. Embrassades, présentations, rires, comme d’habitude et puis une nouvelle, encore, décidément, c’est chouette ce soir, y’a plein de surprises, c’est PrincessOnLine ! Dans le brouhaha, on n’a pas eu le temps de vraiment faire connaissance mais on s’est promis une soirée en comité restreint. Tiens, Fauvette n’est pas là, ce soir.  Un peu plus tard, d’autres yeux bleus rieurs, avec lesquels j’ai passé une soirée fort sympathique dans le Marais, à la fin de l’hiver dernier. Il n’est pas blogueur et comme son père, il m’appelle « Fizo ». Manque plus que la petite sœur et j’aurai vu toute la fratrie en moins d’une semaine.

    Il est 22h30 quand je grimpe dans le bus 96 qui dévale la rue Jean-Pierre Timbaud. Bien au chaud sous mon chapeau, je voyage à peu de frais : « L’homme bleu », « Bakara Lounge », « La tontine d’or ». Le quartier regorge de restaurants sénégalais où on peut déguster poulets yassas ou mafés, celui-là par exemple, faudra que j’y emmène ma copine gourmande. Sur le trottoir, des grappes de gens, on se croirait un samedi soir. Je note avec un certain plaisir que le froid n’a pas dissuadé tout Paris de mettre le nez dehors.

    Après l’effervescence d’Oberkampf, le bus emprunte la rue de Turenne, déserte. J’aime voyager en bus, la nuit, le nez collé à la vitre. Paris est tellement belle, toute scintillante, mystérieuse, je découvre ici un bar chaleureux, là un monument méconnu ou encore une statue nichée à un angle de rues. Je m’interroge « Qu’est ce que c’est ? » et me parle à moi-même « Tiens, faudra que je revienne par ici ! ». J’ai par exemple appris, depuis hier, que la rue de Turenne s’appelait la rue Saint-Louis, retrouvé la sculpture aperçue furtivement et le style de l’église illuminée. Je suis incapable de distinguer un style architectural d’un autre, tout au plus puis-je reconnaître les églises romanes des gothiques (merci grand-père). A « Hôtel de ville », je changeai de bus - heureusement sans attente  - passai devant le maréchal Ney qui se dresse, prêt à charger, à l’endroit même où il fut exécuté.

    « 23h22, 4°C », annonce le panneau lumineux au-dessus du périphérique. Moins de 20 minutes plus tard, je dors comme un bébé.