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Souvenirs - Page 2

  • Un dimanche matin

    Tu me réveilles en te lovant derrière moi. A travers l'épais rideau de velours, je devine le soleil. Une belle journée. Je me tourne vers toi, avec un sourire. Tu as compris. "On va courir? ".

    Dix minutes plus tard, après un verre d'eau, on marche jusqu'au stade. Plusieurs coureurs sont déjà là. On étire nos muscles engourdis et puis on part. Bizarrement, on a la même foulée. Tu ne me parles pas parce que tu sais que je n'arrive pas à parler et courir en même temps. Ca m'essouffle. Les gens qui nous croisent te regardent, parce que tu es beau. Moi c'est clair, je ne suis pas à mon avantage, décoiffée, pas maquillée et surtout rouge comme une écrevisse. Ils doivent croire que je vais faire un malaise. La première fois, toi-même tu t'es inquiété. "Ca va ?" tu m'as demandé.  

    45 minutes plus tard, on finit en marchant et en soufflant. Toi, tu fais des moulinets avec tes bras. Tu es en sueur, le dos trempé, moi non, mais presque violette. On rit. On s'étire pendant de longues minutes. En repartant on est légers. Après une bonne douche, tu grilles des toasts et du bacon. T'as un super timing pour tout cuire en même temps, les oeufs, le pain, le bacon. Moi j'oublie régulièrement le bacon dans le four et tu râles parce que c'est du biscuit. Je m'occupe du thé. On mange avec appétit en regardant "Grands gourmands". Ce soir, on se fera un ciné, sûrement.

    Avance rapide.

    Je me réveille et allume mon portable. 10h, ça va, une bonne heure pour se réveiller un dimanche. J'allume la télé, je regarde dehors, un beau soleil. Une belle journée d'hiver. Je vais aller nager, tiens. Je file dans la cuisine, plus de pain, par bonheur, mon coloc' a encore des toasts. Je sors le beurre du frigo, j'en mets 2 dans le four, position grill. Coupe 4 tranches de fromage. Je surveille les toasts, faut pas que ça crame sinon j'aurai rien à manger. Je réchauffe du café et pose le tout sur un plateau en inox "Lenôtre" récupéré au boulot. Me remets sous la couette après avoir stabilisé le plateau sur mon lit. Ca m'étonne encore de ne jamais l'avoir renversé dans mon lit. Je bouquine en attendant que "Echappées belles" commence. Une vieille dame inconnue parle à l'écran, elle est belle, digne, écrivain apparemment, ancienne prof. Elle parle de la Grèce, de la démocratie, de son jardin, du bonheur, des nouvelles qu'elle écrit encore. Je n'arrive plus à me concentrer sur "Le maître et Marguerite", je laisse tomber le bouquin et écoute la vieille dame. Jacqueline de Romilly, elle s'appelle, la classe !

    "Echappées belles" m'emmène au Maroc, aujourd'hui. A Ouarzazate, précisément, ou la population vit du cinéma et du tourisme. Oasis, dunes, sourires, danses, femmes qui tissent, artisans fiers de ce qu'ils font, entrepreneurs soucieux de faire du tourisme intelligent, un touriste qui dit, ému "Ils nous prennent pour des rois, mais ce sont eux, les rois". Ca me rappelle un brouillon de billet sur le tourisme, faudra que je le publie un de ces jours.

    Sitôt l'émission terminée, je passe sous la douche vite fait, enfile un col roulé et saute sur mon vélo, direction la piscine. "Exceptionnellement fermée jusqu'à 14h". ! "Fais chier" je marmonne entre mes dents, j'étais trop motivée pour faire du sport. Je ne reviendrai pas à 14h, j'ai envie de faire du sport, maintenant. Bon, je vais en profiter pour aller au marché, tiens, et acheter du poisson. Tant pis, j'y vais comme ça, genre saut du lit, pourvu que je n'y croise pas l'homme de ma vie. Vous avez remarqué que c'est souvent quand on se sent invisible qu'on se fait draguer ? Je gare mon vélo sur le trottoir d'en face et j'envoie un sms à mon ex-collègue Lionel "Si t'as envie d'un café, je suis au marché". J'y crois pas trop vu qu'en général il n'est pas encore réveillé à cette heure-là. Je décide d'attendre les promos de fin de marché en buvant un café. Les petites nanas qui tiennent le stand de café sont très sympas. Il y a là deux potes, la quarantaine, qui discutent d'un air absorbé, une mère de famille qui a posé son gosse sur le comptoir, un couple d'amoureux qui boivent leur café les yeux dans les yeux, encore tout émerveillés de la nuit qu'ils viennent de passer, sans doute. Je feuillette des brochures de voyage, Samarcande (c'est ou? ah oui, Ouzbekistan, waouh ça a l'air trop beau), Lisbonne (tiens, Jean-Pascal, qu'est ce qu'il devient, pas de chance, je parle à son répondeur), Budapest, Prague, Dublin (c'est marrant, ils font un circuit de visite de tous les incontournables que je n'ai jamais visités là-bas, à part l'usine Guinness ...). Les maraîchers commencent à remballer leurs marchandises. Je vais chez le poissonnier, celui qui a de beaux yeux bleus, je demande à sa collègue comment cuire les harengs frais. Il me taquine comme chaque semaine "quand est-ce qu'on mange ensemble ?". Quand tu ne seras plus marié, je lui réponds avec un clin d'oeil. Je remonte sur mon vélo, arrive chez moi, mon coloc est réveillé et tout excité. "T'es prête, Fiso, à écouter le son qu'on a enregistré hier soir?". Toujours prête, Fiso. On danse pendant que je lui raconte mon après-midi au hamam avec Esperanza et que je me plains de la piscine fermée. P'tain, faut que je fasse du sport, pas possible que j'attaque la semaine comme ça. "Bon, c'est décidé, je vais courir, à plus".

    Baskets, sweat à capuche, les clés du biper et de mon U autour du cou, lecteur MP3 dans la poche, je remonte sur le vélo. Je vais sûrement pas courir longtemps, vu que ça fait plusieurs mois que j'ai arrêté à cause d'un début de douleur au genou gauche et que je suis presque à jeun, mais c'est pas grave, j'ai juste envie de respirer le froid mordant, de sentir le soleil et l'odeur de la mousse. Nova a décidé de passer du reggae, pas top pour le jogging, je me mets d'abord Mika, puis ça me saoûle alors j'écoute les morceaux de FM que j'ai enregistrés. Y'a Sade qui essaie de me foutre le cafard avec "King of sorrow". Pas cette fois, ma belle, j'ai déjà donné l'autre jour. Daft Punk qui me booste sur "Around the world", je zappe Moriarty et "Jimmy", superbe mais trop lent là, tout de suite, je m'envole sur Collie Buddz et son "Blind to You Hater'z" qui déchire. Je croise des couples, je les envie de courir ensemble, même sans parler, juste entendre le souffle de l'autre à côté, rassurante béquille quand on faiblit. Je tourne le visage vers le soleil. Je suis triste de courir seule et fière d'avoir continué, seule, et d'y trouver le même plaisir, même sans toasts et bacon après. J'aimerais bien prendre le petit déj avec quelqu'un. Juste pour pas manger seule. Lui, là, tiens, avec son bonnet enfoncé sur les yeux, j'aime bien son style, il a des airs de Rocky, massif, boxeur même si ça se trouve.

    Quand j'arrête, j'ai fait 6 tours de parc. 1 heure de course. Je suis trop fière, j'aurais jamais cru tenir aussi longtemps. Je m'étire, lègère, en regardant le ciel bleu. Ca va être une bonne semaine, je le sens.

    free music
  • Picalilli

    Du plus loin que je me souvienne, le samedi midi, ma mère n’a jamais eu besoin de s’interroger sur le plat du jour. Si pour certains, « le lundi c’est ravioli », pour moi, jusqu’à ce que je vole de mes propres ailes, ce fut « le samedi, c’est steak frites ». Les frites, la chasse gardée de mon père, du choix des patates au produit fini, la marque de fabrique de ce gars du Ch’ Nord, en dehors de son physique de viking. Peu-être inconsciemment, un lien générationnel avec ses ancêtres flamands, des forains qui tenaient justement des baraques à frites. Aujourd’hui encore, quand j’ai la chance de déjeuner avec eux un samedi, et que mon père demande innocemment « Qu’est ce qu’on mange ? », ses moustaches frisent de plaisir en m’entendant répondre « Ben ! Steak frites bien sûr ! ». Pas question de manger autre chose quand je suis là.

    Il faut dire que les frites de mon père, c’est un repas de fête, pour moi. Des frites dorées, moelleuses et grossières, taillées au couteau et assez épaisses pour sentir tout le goût de la patate, cuites à la Végétaline et abondamment saupoudrées de sel. A chaque fois qu’il pose négligemment le plat en pyrex au centre de la table, tout en guettant ma réaction du coin de l'oeil, je redeviens la fille de mon père. La petite fille blonde qui, devant des frites "étrangères" refusait (et refuse encore souvent) poliment mais fermement toute infidélité par un « Merci, mais je mange que les frites de mon père ». Aujourd' hui encore, mon visage s’éclaire à chaque fois d’un sourire enfantin. J’ai compté. J’ai dû commencer à manger les frites de Pap's vers l’âge de 6 ans et chaque semaine jusqu’à 22 ans. Sans compter les vacances d'été où faute de friteuse, notre régime était chamboulé, ça fait que j’ai connu ce moment de grâce au moins 700 fois (16 années x 45 semaines). Et je ne m’en suis jamais lassée.  

    Il est cependant un ingrédient particulier qui fait du steak frites de mon père un plat à nul autre pareil. Un bocal jaune orangé qui, s’il venait à manquer sur la table –ce qui fut rare - lui gâchait presque le goût de ses frites. C'est le Picalilli. 

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    Si vous n’êtes pas chti'mi, belge, hollandais ou anglais, vous écarquillez sûrement les yeux en vous demandant ce qu'est le Picalilli. Laissez-vous guider par le descriptif de la maison mère, Heinz :

    « Picalilli Extra met en avant vos sens : la couleur pour les yeux, l'onctuosité et le croquant des légumes pour le toucher, la saveur pour le palais ... et même le petit bruit lors de l'ouverture du couvercle.»

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    Pour ma part, j'ignorais, jusqu'à samedi dernier, que ce condiment eût un quelconque lien avec la région d'origine de mon père. D'après mes recherches, il est surtout consommé ailleurs avec des viandes froides ou tartiné sur les tranches de pain qui composent un sandwich. Je pensais que le Picalilli était une fantaisie de mon père car je n'ai jamais vu personne d'autre que lui en manger avec ses frites. Je n'ai même pas le souvenir de l'avoir vu à la table de mes grands-parents paternels, ni de ses frères et soeurs. Mais samedi dernier, lorsque mon Pap's posa son plat de frites et le fameux bocal jaune sous le nez de ma copine S., moitié chti elle aussi, celle-ci s'écria "Oh du Picalilli, mon père en mange aussi avec ses frites!". Je réalisai alors que Pap's, en quittant son Nord natal, avait emporté dans ses bagages, à travers tous les pays dans lesquels il avait vécu, un petit bocal jaune comme le soleil qu'il a dans le coeur. 

    [crédit photos : Pap's qui a bien voulu immortaliser son bocal]

  • Ca nous rajeunit pas ...

    medium_Bimbo.jpgLa musique accompagne tous les moments de notre vie, des meilleurs aux pires. Certaines mélodies me mettent un cafard monstrueux et d'autres me font instantanément sauter en l'air comme une gamine.

    Aux dires de ma mère, j'ai été très tôt une "show girl" qui dansait tous les soirs en écoutant le hit-parade dans la cuisine familiale. La plus lointaine chanson dont je me souvienne, c'est précisément celle qui figure là, à gauche :  "El Bimbo". J'ai été envahie d'une profonde tristesse à chaque fois que j'ai entendue cette chanson, ensuite. Ca m'évoque les bals militaires de mon enfance, mon père à la guitare, les longues robes de ma mère, un univers festif et rassurant.

    Petite, j'étais fan de Dave et aussi C. Jérôme, hé oui, j'aimais les blonds à l'époque !

    Plus tard, en Allemagne, je mettai le nez dans les disques de mon père et me pris de passion pour Cloclo, pourtant déjà disparu. Je connais encore, par coeur, une bonne partie du répertoire. Ca bluffe mon frère à tous les coups. "Je sais", "Les cloches sonnaient", "17 ans" étaient mes préférées. Mes Nöel enneigés, je les fêtais avec Bob Marley et Boney M en fond sonore.

    Avec l'entrée en 6ème, c'est la vie en internat à Baden-Baden et mon premier walkman. Les retrouvailles dans les toilettes dès l'extinction des feux où avec mes copines et les "grandes", on dansait sur "Femmes" de Jean-Luc Lahaye ou "Words" de Fr.David.

    1984, arrivée à Paris. A Noël, ma mère m'offre une cassette de Cock Robin. Je découvre aussi Duran Duran, Wham, Jimmy Sommerville qui supplie "Don't leave me this way". Moi, je suis amoureuse de George Michael. Mon plus grand regret à ce jour reste de n'avoir pas encore réalisé mon rêve de jeune fille, danser un slow langoureux sur "Careless Whisper".

    J'ai 13 ans et les vacances à la Baule, ou je rencontre Laure qui est bien plus éveillée que moi, restent un merveilleux souvenir. Ensemble, on écoute Axel Bauer sur "Cargo de nuit" en rêvant au premier baiser. Pour ma mère, la chanson qui me représente le mieux reste "I want to break free" de Queen.

    J'ai 14 ans et j'aime toujours les blonds. Mes ami(e)s au camping sont hollandais(es). Sur "Life is life" et "Susanna", je saute avec eux, bras dessus bras dessous sur la piste de danse d'un camping quelconque. Avec ma mère, on chante "Femme libérée" de Cookie Dingler et "Ils s'aiment" de Daniel Lavoie. Mon virage vers les musiques noires s'amorce. J'embarque mon petit frère au cinéma pour voir "Purple Rain". Un grand moment que la découverte de Prince.

    En 1988, sur la route des vacances vers le Sud, on passe à Orange, fief du FN, en chantant à tue-tête "Asimbonanga" de Johnny Clegg et "I love Paris" d'Alpha Blondy; c'est mon petit frère qui m'a initiée aux rythmes africains. Combien d'heures mes parents nous ont patiemment supportés, en train de nous égosiller en zoulou à l'arrière de la voiture !

    17 ans, premier grand amour qui me séduit en me faisant écouter de la funk sensuelle. J'ai nommé Babyface, Bobby Brown, Surface, Ready for the World et "notre" chanson "In my room", Al B Sure, Karyn White. Premier chagrin d'amour aussi sur lequel je pleure amèrement en me repassant en boucle "Games" de Shalamar. Premières sorties en boîte, le Bobino et le Rex, ou je fais des complexes en dansant sur "I've got the power" et "Dub be good to me". Epoque funk toujours (et pour toujours), mais aussi rap avec Public Enemy et son "911", Gangstarr, Ice Cube. Et puis tout s'accélère. Je suis une adulte, je travaille. Moins rebelle, j'écoute aussi du jazz. Dans ma collection, il y a du Miles Davis mais aussi la BO de Zorba le Grec, Marvin Gaye, Bob toujours, Prince aussi et Bobby Mc Ferrin. Septembre 94, j'emmène Esperanza en vacances au Canada et on roule, toutes fenêtres ouvertes, en chantant avec Coolio sur "Gangsta Paradise".


    podcast

    1996, c'est l' arrivée à Dublin et l'immersion, pour quelques années, dans la pop anglaise. Sur Grafton street les chanteurs irlandais hurlent "You're my wonderwall" d'Oasis. Vacances à la Barbade avec C., ma copine hôtesse, c'est l'époque de No Doubt et "Don't speak".

    Puis la rencontre avec le grand amour qui me chante "Sophia" de Ismael Lo. Moi je lui fais découvrir le raï et Marvin. Plusieurs années après, nouvelle peine d'amour et des mois sans pouvoir écouter "The scientist" de Coldplay.

    Et ma nouvelle vie de célibataire, c'est quoi ? Allez, au choix ... "Supernature" de Cerrone.

    Et vous, quelle est la ou les chansons qui vous ont le plus ému ?

  • New York, New York

    Mon premier voyage à New York remonte à septembre 1991. A l’époque, American Airlines offrait à chaque nouvel employé un billet « Welcome aboard » dont je profitai pour aller découvrir cette ville mythique.  

     

    Je passai cette semaine à Manhattan dans une chambre louée chez une dame très riche aux alentours de la 80ème rue Est. Le premier matin, je fus réveillée par les sirènes de véhicules d’urgence. Le nez dehors, j’eus l’impression d’être dans une série américaine. Tout me paraissait à la fois magique et familier. Les taxis jaunes roulant à toute allure dans les rues cabossées, les feux suspendus, les yuppies et business women en tailleur et baskets, les vendeurs de hot-dogs aux coins des rues, les phoneboxes, les longues limousines noires aux abords de la 5ème avenue, Central Park et ses joggers, Broadway, la 42ème rue … Le rythme trépidant de la ville m’exaltait. Je sortais le matin à 8h pour ne rentrer que le soir, fourbue après une journée passée à marcher. Les rares passants auxquels je demandais mon chemin étaient tous très serviables. Je me souviens de leur stupéfaction lorsque je leur demandais comment aller à pied à tel endroit « Mais c’est à 10 blocs ! » Je ne voulais pas perdre une miette de ce film dans lequel j’étais l’héroïne principale : Fiso à New York ! Chaque jour, je « petit-déjeunais » de bagels et pancakes tout en observant la faune new-yorkaise. Une de mes premières visites fut consacrée au Metropolitan museum où je connus ma première émotion devant une toile. C’était « Living interiors » de David Hockney ; l’affiche de ce tableau lumineux a trôné longtemps dans mon salon. Ma 2ème grande émotion fut la découverte du pont de Brooklyn. C’est devenu un rituel désormais, pas un voyage à Manhattan sans traverser le pont, pour le plaisir. J’aime la vue qu’on y a sur le vieux port de New York et sur toute la ville, surtout le soir tombant, lorsque la ville se pare de mille feux. Et puis, la ballade en ferry jusqu’à la statue de la Liberté. Je passai le reste de la semaine à flâner au gré des rues en chantonnant « Englishman in New York » de Sting. Fan de rap et funk, je passai beaucoup de temps à Tower Records sur Broadway et rentrai à Paris avec une trentaine de CD dont le premier de Mary J. Blige, alors inconnue en France. Qu’est ce que j’ai frimé auprès des copains avec ma collec’ de CD hip-hop ! Au cours de ce premier voyage, je contactai l’ami d’un ami parisien qui devait par la suite, devenir mon point de chute. Keddins, d’origine haïtienne, était ingénieur du son pour une boîte de prod’ indépendante. La 2ème fois, je passai donc mon séjour chez Keddins. Toujours invité à des soirées par ci par là, il me fit découvrir la nuit new-yorkaise que je trouvai par ailleurs assez décadente. Il m’entraîna ainsi au Limelignt, une église transformée en boîte, où je faisais figure de nonne à côté de filles délurées et à à peine couvertes de tops transparents. Un autre soir, il m’emmena dans une soirée ragga ; à l’époque j’écoutai beaucoup Shabba Ranks et ses ladies mais là, je passai la soirée les fesses collées au mur. Il faut dire que l’ambiance était bouillante, les « bro » très entrepreneurs et les « sistaz » pas farouches pour un sou. Elles chaloupaient, la main entre les jambes, et les couples qui « dansaient » me donnaient plutôt l’impression de mimer l’acte sexuel. Keddins me taquina en me disant que j’étais prude. Ca ne me fit pas décoller de mon mur. Il me fit découvrir d’autres endroits comme le Yaffa Café et les nombreux restaurants indiens d’East Village, la nourriture macrobiotique d’Angelica’s Kitchen, le Nell’s club et me présenta à quelques-uns de ses amis. L’année suivante, je partis avec un de mes meilleurs amis, Jeff. On s’est bien marré et on a fait plein de choses sympas. Survol de Manhattan en hélicoptère avant lequel mon Jeff, pas fier, est allé pisser 3 fois. Découverte de la cuisine éthiopienne au restaurant Abyssinia sur Grand Street. Panorama inoubliable du toit des regrettées Twin Towers. Soirée au Nell’s, une boîte hip-hop de Greenwich Village, sur la 14ème rue.  Jeff parlait alors un anglais moyen et tout à coup, je le vois en grande discussion avec un couple. Je me dis « Waow ! Il a fait des progrès fulgurants ». Une demi-heure plus tard, il revient vers moi en me disant « Hey, c’est cool, j’ai rencontré un couple de haïtiens vachement sympas, ils parlent français ».

     

    Un soir, on a pris des places pour un spectacle mémorable et indescriptible du « Blue Man Group » sur Astor Place. En voici une idée :

    « Les trois célèbres hommes bleus occupent depuis quelques années ce théâtre off Broadway au coeur d' East Village. Leur décapant spectacle, désormais un classique, fait salle comble à chaque représentation. Rock, mime, vidéo, peinture... un happening multiple et envoûtant qui vous ballade tambours battant entre rire et émotion ... et sans même avoir à comprendre l'anglais... Un must! “

    L’année suivante, je me payai le luxe d’un week-end shopping avec des collègues. Puis autre visite avec ma petite sœur. Budget limité oblige, on a dormi dans un hôtel un peu miteux.

    La dernière fois que je suis allée à Manhattan, c’était avec mon ex en 2000. Il n’a pas eu, comme moi, le coup de foudre pour NY. Il paraît que New York, on aime ou on déteste, pas de demi-mesure. On a fait le tour de la ville, Times Square, Washington Square, visite du passionnant et émouvant musée d’Ellis Island, dîner dans un restaurant du Pier avec vue imprenable sur Brooklyn Bridge, salsa endiablée au S.O.B’s sur Varick Street. On dormait chez Keddins, toujours lui, qui habitait en coloc dans Tribeca avec un vieux saxophoniste de jazz qui connut son heure de gloire. Chaque matin, on prenait, chez Bubby’s un petit-déjeuner pantagruélique qui nous calait jusqu’au soir.

    New York me manque et j’ai vraiment hâte d’y retourner.
  • Mon enfance en Allemagne

    L'Allemagne, ça vous évoque quoi ? Plutôt des choses négatives comme la plupart des gens que j'ai rencontrés ?

    Hitler, la fête de la bière, l'ex mur de Berlin, Angela Merkel ?

    L'Allemagne, c'est pour moi le souvenir heureux d'une enfance au milieu des bois.

    J'ai grandi en Forêt-Noire, dans une cité-cadres en bordure du camp militaire de Munsingen, à 200 kms environ de la frontière française. J'avais 7 ans quand mon père y fut muté.

    Quand je pense à l'Allemagne, je n'ai que des souvenirs heureux. 

    Un épais manteau de neige immaculée qui craque sous mes pas, ma luge en bois qui file à travers les arbres jusqu'à l'école.  Des heures à jouer dans la neige, avec pour tout bruit le croassement lugubre des corbeaux. Le camp militaire, le château du colonel, l'économat, le foyer, le vaguemestre, le mess des sous-off', les silouhettes vêtues de treilles et de rangers. La fête de la Saint-Nicolas où l'un de nous se faisait immanquablement attraper par le Père Fouettard sous nos cris affolés. Le Noël des enfants au mess et son rituel invariable : la projection d'un dessin animé du style "Goofy aux sports d'hiver" au cinéma militaire, un goûter avec chocolat chaud et brioches, la distribution des jouets. Pâques et le privilège pour tous les enfants d'aller chercher les oeufs dans le parc du colonel. Et toutes les bonnes excuses que trouvent les militaires pour faire la fiesta, naissance, baptême, promotion, mutation, un mouton qui tourne sur une broche à l'occasion d'un méchoui, les tanks qu'on a enfin le droit de visiter. 

    En dehors de notre petit bout de France, le "père Hans" qui travaillait avec mon père et chez lequel nous allions parfois manger du boudin maison, la ville de Munsingen où nous allions faire nos courses, la piscine découverte où j'allais me baigner l'été, les "Volsmarch" en famille le dimanche avec trophée à l'arrivée (précieux souvenirs que mes parents ont gardés), les heures passées à la patinoire d'Urach, à ciel ouvert, à faire des figures sur la glace et à manger des hot dogs, la grotte de l'Ours et ses personnages animés, les nombreux châteaux forts à visiter, la messe de minuit dans les églises allemandes, les courses pour la rentrée scolaire à Tubingen, le parc d'attractions "Europa Park", le lac de Constance et celui du Titisee. Mon premier grand chagrin le jour de ma communion, quand mon chat Bunny se fit dévorer par les chiens du garde-chasse. La naissance de ma petite soeur au Krankenhaus. Plus tard, mon entrée en 6ème, pensionnaire du lycée Charles de Gaulle à Baden-Baden, les mercredis chez les Bertrand à Rastatt, le retour à la maison le week-end en bus militaire, mon professeur de français M. Martin.  Des souvenirs gourmands aussi : les bretzels, le pain d'épices, les cochonailles, le saucisson de pâté à tartiner, les spatzle, les poches en alu de "Capri-Sohne", les calendriers de l'Avent dont chaque fenêtre libérait un chocolat jusqu'à Noël, les tartes meringuées au citron de ma mère. 

    Oui, vraiment, j'ai une tendresse particulière pour ce pays qui m'évoque des souvenirs heureux.