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maroc - Page 3

  • La casbah des Oudayas

    La porte de ma chambre s'ouvre : "Tu es réveillée ? Il est 10h".
    Yo n'a pas dormi plus de 2 heures, plié en deux par des crampes d'estomac. Il n'a pas faim du tout mais veut sortir appeler ses autres amis pour les retrouver. Nous prenons un "petit taxi" pour le centre ville.

    Dans la boulangerie-traiteur Le Pacha, je voulais un petit déjeuner marocain, je me retrouve avec un toast oeuf-fromage. Un jeune stationne devant la terrasse, profitant du réseau wifi. J'envoie un mail à Boug' et répond aux commentaires sur mon blog.   
    Nous entrons dans une pharmacie acheter des médicaments pour Yo' et du paracétamol car mon stock est vide.
    Yo m'entraîne dans la médina. Les élégantes se pressent autour de mottes colorées de savons, qui ne sont pas sans me rappeler celles de Lush. Se seraient-ils inspirés des souks arabes ?

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    Yo réprime un haut le coeur devant les étals des bouchers exhibant pieds, têtes et tripes de mouton. Plus loin, un enfant se penche sur des tortues. Je palpe un très beau sac de voyage en cuir et établit déjà la liste de cadeaux que je ramènerai.

    Le souk Tahti est très calme et c'est un vrai plaisir d'y déambuler car on n'y est absolument pas sollicité. Après la rue des Consuls et le souk des tapis, on arrive au pied de la casbah des Oudayas qui, du haut de son promontoire, surplombe l'oued Bou Regreb et l'Atlantique.Nous entrons dans la casbah par la porte Bab Oudaia. Ses ruelles blanchies à la chaux et ses maisons peintes d'un bleu très vif font penser à la Grèce.
    Sur la plateforme du sémaphore, on découvre un très beau panorama : à droite, la ville nouvelle et au loin, le pont Hassan II, le mausolée des rois et la tour Hassan, vestige d'une ambitieuse mosquée jamais terminée, en face, de l'autre côté de l'oued, la ville de Salé, et à gauche, le cimetière et le phare.

    Une petite vidéo maison pour goûter l'ambiance ? C'est .

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    Les jeunes font du surf et en contrebas, un énorme rat furète dans les détritus. C'est le deuxième que je vois aujourd'hui et ça me fait froid dans le dos.
    Nous restons un long moment à goûter l'air vivifiant de l'Atlantique avant d'aller nous installer sur les banquettes du café maure, dans les jardins andalous, lieu de villégiature de nombreux chats et chatons. Là, je grignote quelques pâtisseries; Yo, lui, carbure toujours au Coca.
    Yo, affaibli, commence à avoir froid et nous rentrons. Il dort une heure pendant que je rassemble mes souvenirs sur mon précieux ordi.

  • Arrivée à Rabat

    16h, notre train entre en gare de Rabat-Ville. Yo est ému. La gare est belle, toute blanche. Notre hôtel se trouve à quelques rues de là. Premier constat : le centre-ville de Rabat est bien paisible, en comparaison avec la cacophonie casablancaise. La chambre est simple mais correcte. Tout s'annonce pour le mieux jusqu'au moment où je dois donner mon passeport à l'hôtelier et que je ne le trouve pas dans mon sac à main. Nous retournons nos deux valises, tous les sacs mais j'ai déjà compris : je ne l'ai plus.

    Pas de passeport = pas d'hôtel au Maroc. Première urgence, trouver un endroit où dormir. Heureusement, Yo a tous ses copains marocains à Rabat et il en appelle un, qui nous donne immédiatement rendez-vous au mini-parc de Youssoufia. Nous prenons un "petit taxi", qui ici sont bleus, pour ce quartier populaire de Rabat. Y. est un jeune hommes maigre et sympathique. L'arrivée jusqu'à chez lui est sportive : il pleut et nous dévalons, jambes écartées, entraînés par nos valises à roulettes,  les venelles escarpées et glissantes de ce qui ressemble à une médina, jambes écartées, pour éviter le ruisselet qui coule au milieu.

    rabat, maroc
    Le salon de Y. est pareil à tous les salons marocains : des banquettes tendues de tissu rouge entourent la pièce d'un U et au centre trône une table basse de bois sombre.
    Nous posons nos valises et discutons un peu. Y. se remet difficilement d'une soirée arrosée la veille, il a la gueule de bois et je lui donne du paracétamol. Nous partons au commissariat central pour que je dépose plainte. Yo redoute de longues démarches administratives. On nous fait assoir quelques minutes et je me fais charrier : "T'es sans papiers au Maroc", dit Yo. C'est vrai, Fiso en mode clando, je ne l'avais encore jamais faite, celle-là ...

    Le jeune homme qui nous reçoit, de surcroît très serviable, a du mal à comprendre pourquoi je suis là. Il pense que je veux mon numéro de passeport et me fait assoir à côté de lui pour remplir le formulaire.
    "Le général de Gaulle, c'était un militaire ? Vous êtes mariée ? Ah, célibataire .... dit-il avec un sourire entendu.
    Moins de 30 minutes plus tard, nous sommes dehors. Je dois revenir le lendemain, après être allée au consulat. Le premier contact avec l'administration marocaine a été plutôt agréable et ma contrariété commence à retomber.

    Y. nous propose de dîner à la Véranda mais l'endroit, au-dessus duquel des mains semblent jaillir du mur blanc, est fermé. "Ca vous dit des huîtres ?"
    - Heu, pas trop, je préfèrerais du poisson.
    Nous voici au Yucatan, un de ses bars préférés. En fait d'huîtres, ce sont de grosses moules en sauce tomate qu'on pose devant nous, sur le comptoir.
    "Ce ne sont pas des huîtres Y, ce sont des moules !"
    "Comme des huîtres, comme des moules" répond-il avec un grand sourire.

    Le Yucatan est un bar bien approvisionné en alcools de toutes sortes, et l'on y passe de la bonne musique jazz et blues. Après un long moment, nous montons nous assoir à l'étage où nous sommes rejoints peu après par un jeune homme brun coiffé d'une casquette. C'est B., un autre des copains de Yo, qu'il a connu lors de sa participation à des chantiers sociaux marocains. B. voyage souvent en Europe et en France. Il est vif et souriant et nous fait rire :
    "En France, j'ai juste un problème avec les policiers. Dès que j'arrive à l'aéroport, ils m'arrêtent pour un contrôle : "Bonjour monsieur" et ils me montrent leur carte mais moi, je suis marocain, je ne reconnais pas leur carte. Je sors de l'aéroport, je vais à la gare pour prendre le train, ils m'arêtent pour un contrôle. J'arrive à Paris, dans la rue, ils m'arrêtent pour un contrôle. Tout le temps des contrôles !"

    Vers 23h, nous montons dans la voiture de B, direction le bar-club "Le 5th avenue", dans le quartier d'Agdal. Un groupe y reprend des tubes, comme The Wall de Dire Straits. Il y a très peu de femmes dans le club, et je soupçonne celles qui y sont d'être des prostituées, mais l'ambiance est bonne. Je danse avec les garçons et Y. réclame aux musiciens un standard marocain. Yo et ses yeux bleus font fureur et un vieux, bien éméché, l'invite même à danser. A la faveur d'une pause, le chanteur, visage fin et cheveux longs, vient s'assoir à notre table, il a énormément de charme. Le guitariste a la migraine et je lui file du paracétamol. A défaut d'avoir un passeport, j'ai au moins ça ...

    Vers 2 heures du matin, nous quittons le club. Sur la petite place, Y. s'arrête devant le stand de vendeurs d'escargots. Tiens, jusement, je n'ai jamais goûté ici ce plat de la rue dont les Marocains raffolent. Le vieil homme dépose devant nous des bol remplis de gastéropodes. Yo me conseille de prendre une photo de lui en train d'en manger car l'instant est rare. La tradition veut qu"on avale également un bol du bouillon de cuisson - aux herbes - des escargots. Je vous le dis, rien de tel que le bouillon d'escargots pour se faire une purge ...

    De retour chez Y., nous buvons un dernier thé et notre hôte pose devant nous un seau en plastique blanc et des cuillères pour que nous goûtions la sfoufe, un mélange de sésame et amande moulue, canelle, anis, muscade, beurre et miel. B. a mal au crâne et finit mon tube de paracétamol. Yo et Y. montent fumer une dernière clope sur la terrasse et je me réfugie sous la couverture en fausse fourrure.

    PS : Cette paire d'yeux charbonneux vaut bien celle-là, non ?

    rabat, maroc

  • Sur la corniche de Casblanca

    Ce matin, j'ouvre les yeux à 8h45. Yo a encore mal dormi. Je ne sais pas comment il va tenir ce ryhtme.
    Nous faisons nos valises, les confions au réceptionniste et quittons l'hôtel. Dehors, la terre, lavée par des averses soutenues, est rouge et boueuse.

    A l'entrée de la Sqala, A. saute dans mes bras. J'ai bien cru ne pas la voir avant de quitter Casa. Elle me présente à un de ses collègues, comme étant "la fille qui a fait des commentaires sur les photos" et nous installe à l'abri car le jardin, trempé, est inaccessible.
    Le ftor fera office de brunch car il est gargantuesque : assortiment de crêpes marocaines, coupelles remplies d'amlou, huile d'argane, beurre et confiture, oeufs brouillés au khlie en tajine, fromage jben et olives noires, salade de fruits frais, verre de lait aux fruits secs, jus d'orange pressé. Les averses se succèdent et nous retardons le départ, craignant même de devoir écourter notre promenade sur la corniche, prévue en attendant l'heure de prendre le train.

    Il est presque midi lorsqu'après quelques photos souvenirs, nous quittons la forteresse de la Sqala.

    "A la prochaine" ai-je promis à N. et A. "Inch'Allah" a été leur réponse...

    "Y'a quand même un truc chiant au Maroc, je dis à Yo, c'est cette façon de te rappeler sans cesse que tu sais pas si tu seras encore là demain."

    On en rit ensemble et Yo me raconte qu'un de ses amis marocains déteste cette réponse systématique "Inch'Allah". Pourquoi ? Parce que quand il était petit et qu'il réclamait un truc à ses parents, ceux-ci répondaient invariablement "Inch'Allah", ce qu'il traduisit vite par "Cause toujours".

    casablanca,maroc

    Le long du boulevard, côté port, un chantier gigantesque prépare l'implantation de bureaux et les photos promettent des immeubles ultra-modernes de verre er d'acier, dignes des plus belles constructions de Dubai.
    Nous atteignons la mosquée Hassan II, que j'ai visitée l'année dernière, peu après l'appel à la prière. Son élégante silhouette couleur sable, incrustée de vert et turquoise, se découpe sur le bleu lumineux du ciel. Au pied du parapet où les promeneurs sont nombreux, les vagues se fracassent avec violence et envoient dans les airs des gerbes mousseuses chargées de débris noirs. Les enfants s'en amusent et poussent des cris effarés.

    Plus loin un jeune pêcheur nous gratifie d'un sourire éclatant et nous aborde; il s'appelle Younes et vient de Bordeaux, comme l'indique son accent chantant. Arrivé la veille, il est en vacances et suivra à peu près le même parcours que nous. "Bienvenue chez vous, lance-t-il en nous quittant, la planète est à tout le monde".
    Les averses, nombreuses ce matin, semble vouloir nous épargner et le ciel se fait de plus en plus bleu. Bientôt, le soleil cogne de nouveau. Nous marchons toujours et après l'usine d'épuration d'El Hank, nous longeons les chantiers à ciel ouvert. "C'est bien, les ouvriers portent leurs casques de protection " remarque Yo, avant de faire une grimace plus loin en découvrant des pointes de fer non vrillées et d'autres ouvriers, tête nue et à califourchon en équilibre instable.

    Nous marchons très longtemps et n'en voyant pas le bout, nous hélons un couple. "C'est loin le Mac Do ?" "C'est loin", répond le type avec un grand sourire. Nous prenons un taxi qui nous dépose devant le Mac Do'. "Bon appétit" lance le chauffeur. Ouais ... enfin, nous, on va juste pisser au Mac Do', pas question d'y bouffer !
    Je fais remarquer à Yo qu'une clinique soignant l'obésité fait exactement face au Mac Do.

    Peu avant 15h, nous pénétrons dans la gare de Casa-Port. Vingt minutes plus tard et pour 35 drh (soit 3€50), notre train longe l'océan en direction de Rabat. Le long de la voie ferrée, j'aperçois parfois des tentes de fortune, en tout point semblables à celles qui habillent désormais les abords du périphérique parisien.

    Casablanca, cette fois c'est fini, le reste du voyage jusqu'à Tanger sera pour moi découverte. Yo, quand à lui, est tout excité à l'idée de retrouver Rabat où il a travaillé dans une association bénévole il y a 6 ans.

  • Les splendeurs d'antan de Casablanca

    Je pensais que la balade-découverte du patrimoine architectural de Casa, suggérée dans notre guide, m'amènerait aux mêmes endroits que l'année dernière mais il n'en est rien. Tant mieux.

    La promenade démarre à la Cathédrale du Saint-Esprit, une bâtisse blanche imposante, certes, mais pas élégante. La surprise se trouve à l'intérieur de l'édifice car celui-ci est totalement vide, seulement habitée par des pigeons. La lumière du jour anime joliment les ouvertures colorées, comme serties de pierres précieuses.

    casablanca, maroc

    De là, nous longeons le parc de la Ligue Arabe pour rejoindre la place Mohamed V. Garée sous les arbres, une dépanneuse transporte les carcasses éventrées de voitures. Son conducteur regagne le véhicule en nous jetant une mimique complice : "Whisky" dit-il. La place Mohamed V est flanquée de deux superbes bâtiments déjà immortalisés l'année dernière : la wilaya, ancienne préfecture, et le palais de justice. Entre les deux, un joli bâtiment qu'un garde embusqué nous interdit formellement de photographier.
    Nous traversons la place pour atteindre la grande poste puis la banque al-Maghrib, très belle.

    De là, nous empruntons la rue Indriss Lahrizi où nous admirons la très belle façade du salon de thé La Princière, avec ses délicats balcons en fer forgé et sa couronne de pierre. Nous ratons, à droite, la rue Mohamed Belloul et pour cause : le tronçon qui part de la rue s'appelle d'abord Brahim ben Ahmed. Là, l'hôtel Guynemer, modeste mais coloré, "aux lambris Art déco", dixit le guide car moi je n'y connais rien en architecture, à tester lors d'un prochain séjour. A l'angle de la rue Tahar Sebti - résistant - , une autre très belle construction.

    casablanca, maroc

    Tout au bout de cette rue, avant de tourner à gauche dans l'ex-rue Colbert, rebaptisée Chaouia - de nombreuses rues ont perdu leur nom français et ont été rebaptisées -, nous nous amusons du contraste entre deux pans d'un même immeuble, l'un restauré et l'autre non. Si les bâtiments de Casablanca étaient entretenus, la ville serait bien plus somptueuse.

    casablanca, maroc

    Curieux de découvrir ce qui se cache derrière la façade du très élégant hôtel Transatlantique, construit en 1922, nous y entrons et nous plions à la règle qui veut que "pour visiter, il faut consommer". Nous commandons deux thés à la menthe et admirons le riche mobilier de l'hôtel, les affiches anciennes, poteries, céramiques, le jardin intérieur ainsi que, derrière les lourdes portes en bois, les salons où banquettes épaisses et poufs moelleux invitent au farniente.
    casablanca, maroc

    Plus loin, l'hôtel Volubilis, cerné de laideur, affiche sa façade dorée et raffinée. A gauche de l'entrée, une plaque rappelle l'auteur de cet ouvrage : Marius Boyer, 1919.

    Suivant les indications de notre guide, nous cheminons maintenant sur la rue Ibn Batouta jusqu'au boulevard Mohamed V. A l'angle, la carcasse vide de l'hôtel Lincoln menace de s'écrouler. Nous voici maintenant devant le marché central. La faim commence à se faire sentir et bien inspirés, nous évitons les assauts des serveurs des rôtisseries et nous attablons au snack Amine, où j'accompagne mon assiette de friture de poissons variés (6€70) d'une succulente (et je pèse mes mots) salade de concombre crquant et parfumé, mais et pamplemousse, parsemée de quelques haricots rouges, persil et rondelles de citron vert, ce petit délice à la saveur sucrée ne coutant que 2€.
    Notre parcours arrive sur sa fin. A l'angle du boulevard, la poste du marché central et ses jolis candélabres et plus loin, le Matin/Maroc Soir.
    Plus loin, les voies du tramway ont rendu une partie de l'avenue piétonne. Car oui, le tramway arrive à Casablanca et ses travaux sclérosent encore plus un trafic déjà saturé.

    Dans une rue à gauche, le cinéma le Rialto, "bâtiment purement Art Déco" a gardé de son panache même si je cherche encore les "quelques détails éblouissants" mentionnés par notre guide. Notre promenade s'achève dans la rue piétonne Prince Moulay Abdellah qui compte encore quelques belles façades.

    casablanca, maroc
       

  • Shopping et fraternité avec Ibrahim le Berbère

    Ce matin, je m’installe en plein soleil pour mon dernier petit déjeuner. Une femme, élégante dans sa tenue à carreaux noirs et blancs, est assise quelques tables plus loin avec ses deux petits enfants. « Laissez passer la dame » dit-elle aux deux petits qui jouent au bord de la piscine. « Je profite du soleil car je rentre à Paris  ce soir » lui dis-je. « Vous avez raison » dit-elle avec un charmant accent du sud-ouest de la France. Elle est originaire de Fès, vit à Toulouse et est en vacances ici. « J’ai une cousine à Marrakech, mais nous préférons être à l’hôtel » dit-elle. « Pas facile d’être un touriste dans son propre pays », dis-je.

    Je confie ma valise et mon ordinateur au jeune homme de l’accueil et lui lance « Je n’ai pas aimé le spa hier. C’est pour les touristes ». Il est surpris. Je lui demande s’il se fait gommer par des femmes quand il va au hammam et s’il n’y passe que 45 minutes. « C’est parce que nous pensons que les  touristes ne supportent pas la chaleur comme nous » objecte-t-il. J’évoque aussi le prix excessif d’une séance de hammam de 45 minutes. « Vous avez payé pour 2 personnes. Cela coûte cher de chauffer un hammam pour une seule personne. C’est pour cela que la femme insistait pour que vous le fassiez ensemble ». Il semble sincèrement désolé et dit qu’il va transmettre mon mécontentement. « C’est la première fois que nous avons une réclamation à leur sujet » assure-t-il. « C’est parce que les touristes ne connaissent pas les hammams traditionnels alors ils sont contents. Mais moi je connais et je sais que dans les hammams, les hommes ne sont jamais gommés par des femmes, ni l’inverse et que cela prend plus que 20 minutes pour que les pores de la peau se dilatent ». Je m’apaise car je commence à comprendre, d’une part, qu’ils m’ont crue en couple avec J., le touriste teuton, bien que je le leur aie présenté comme un ami, et d’autre part qu’ils ont pensé qu’un hammam privatif nous plairait.

    Je quitte l’hôtel et prend la direction de la Koutoubia. J’envoie un sms à Ibrahim « Je suis en route. Si tu es dispo, on peut boire un thé dans l’après-midi ». J’ai promis de le contacter mais n’ai pas envie de passer la journée avec lui. Laissant à ma gauche la place Jemaa el Fnaa, je chemine sur l’avenue Houmane El Fatouaki. Je tourne à gauche et passe devant un café quand j’entends crier mon prénom. Ibrahim me rattrape. « Tu ne m’as pas contacté ? » « Si, je t’ai envoyé un sms il y a 30 minutes ». Il scrute son téléphone, je lui montre le mien. « C’est quoi ton programme ? » « Je dois acheter quelques cadeaux, un plat à tajine pour ma petite sœur, et puis je rentrerai récupérer ma valise à l’hôtel. Je prends l’avion à 18h15 ». « Nous n’avons pas beaucoup de temps » dit Ibrahim.

    Nous convenons de faire les emplettes en fin de journée. Ibrahim m’emmène  devant l’entrée de la Kasbah de Marrakech. En cheminant, je lui raconte la soirée de la veille et ma colère après le spa et le jeune homme dans la rue qui ne demande pas d’argent mais en demande quand même. Ibrahim ne semble pas comprendre la raison de mon agacement. « Toi tu n’aimes pas ce qui est traditionnel, dit-il. Tu n’aimes pas la charité ? » Je ne comprends pas ce qu’il sous-entend mais n’insiste pas. Ibrahim voudrait que nous prenions des photos et je sollicite un Français à lunettes rondes et rouges, assis sur un banc dans les jardins entourant la mosquée, que je soupçonne d’être à la recherche de jeunes garçons. « Tu me les enverras ? » demande Ibrahim.

    Il propose un thé à la terrasse du café Al Maghrib. Ibrahim s’étonne que mes amis musulmans en France ne me parlent pas de religion. « Ils m’en parlent si je leur pose des questions ». Après quelques minutes, Ibrahim se lève « Je vais devoir te laisser pour aller à la prière, dit-il. Tu veux bien m’attendre ? »

    Ibrahim vide son verre de thé et s’éloigne, son tapis de prière roulé sous le bras. Comme lui, des dizaines de personnes envahissent les jardins et convergent vers la Koutoubia. Lorsqu’il réapparaît, j’ai un peu la nausée. J’ai bu beaucoup de thé, les baghrirs du petit déjeuner sont digérées depuis longtemps et le soleil cogne fort, je me sens un peu faible. « Il faudrait que je mange » dis-je à Ibrahim. Il m’emmène dans le restaurant berbère où, plus tôt, j’ai pris en photo les tajines alignés sur des braises. La terrasse ne compte que des hommes. Nous nous installons sous la télé. « Je n’aurais jamais osé venir là seule », dis-je à Ibrahim. « Pourquoi ? Il n’y a pas de problème, tu t’installes où tu veux » assure Ibrahim. Le patron, un moustachu aux yeux de braise, pose devant moi un plat à tajine brûlant et noirci, rempli de pommes de terre, tomates, carottes, petits pois et oignons, sous lesquels se cachent des morceaux d’agneau que je finis aux doigts. Il échange quelques mots avec Ibrahim, je suppose qu’il veut savoir d’où je viens. « Il veut faire une photo avec toi avant que nous partions » dit Ibrahim qui n’a pas faim et me regarde manger.

    A la télé, on annonce une température entre 2 et 8° à Paris, contre 28 ici. Le réveil demain matin, à Paris, promet d’être maussade …

    Derrière nous, un homme se retourne et dit quelques mots à Ibrahim. « Fais attention à ton sac, dit Ibrahim » « Il n’y a pas de problèmes de sécurité, ici », di-je. « Tu vois, les Berbères sont gentils » ajoute Ibrahim. « Vous vous reconnaissez facilement ? » demandé-je. « Bien sûr. Les cireurs de chaussures, là, dans la rue, ce sont des Arabes, par exemple ».

    Nos voisins se lèvent, nous saluent et quittent l’endroit. « Je vais t’expliquer quelque chose, dit Ibrahim en baissant la voix. Tu vois, le monsieur derrière nous, qui t’a dit de faire attention à ton sac à main. Et bien, lorsqu’il s’est levé, il a poussé le plat de tajine qu’il n’a pas fini pour que l’homme assis face à lui puisse le manger ».

    «  Manges le pain » dit Ibrahim en désignant la corbeille que je n’ai pas touchée. « Non, ça va, il y a des pommes de terre dans le tajine, c’est assez ». Il insiste. Au moment de nous lever, il appelle un des jeunes cireurs de chaussures postés devant les grilles du restaurant et lui tend le pain rond que j’ai à peine entamé. Le jeune se saisit du pain en nous décochant un grand sourire qu’Ibrahim lui rend en l’accompagnant de quelques mots. Il n’y a visiblement aucune gêne, ni d’un côté ni de l’autre. En France, les regards sont souvent fuyants et la gêne palpable entre celui qui tend la main et celui qui donne une pièce.

    En me levant, je suis songeuse. Ce déjeuner avec Ibrahim m’a appris beaucoup sur les rapports entre les Marocains. Je commence à comprendre ce que voulait dire Ibrahim ce matin en évoquant mon rapport à la charité.

    Alors que nous nous éloignons, le patron du restaurant surgit de l’arrière du restaurant, agitant les bras. Je me plie avec plaisir à une séance photo avec lui devant son barbecue de plats à tajine.  

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    Ibrahim m’invite maintenant à visiter le marché artisanal puis il m’entraîne dans le vieux marché juif. Ca pue le poulailler et pour cause, des dizaines de volatiles vivants sont enfermés derrière des grillages. On y vend aussi des poissons et des fruits et légumes. Ibrahim montre une plante d’un vert-grisâtre. « Ca c’est interdit chez vous, je crois ? C’est de l’absinthe» Je ressors le mot appris d’Omar, le stagiaire du premier jour. « Ah, ça s’appelle flio en arabe, c’est ça ? » « Ah non, ça c’est chiba. Flio, c’est une variété de menthe, c’est autre chose ». Ben merde alors.  

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    Ibrahim me fait visiter une boutique artisanale sur la place des Ferblandiers puis il m’emmène dans une pâtisserie où j’achète un kilo de cornes de gazelle et autres douceurs, que j’offrirai en France.

    L’heure du départ se rapproche. Ibrahim m’entraîne dans les passages étroits de la médina, sillonnée par des mobylettes. Je suis surprise de n’y croiser aucun touriste. Il négocie pour moi 3 pots de savon noir à l’huile d’argan et 2 gants de gommage pour 32 drh ( !). Et dire que j’ai payé un pot de savon noir 24 drh à Casa, ce qui était déjà très peu cher. Maintenant, Ibrahim m’emmène acheter un plat à tajine « Pas là, ce n’est pas de la bonne qualité » dit-il. Il s’arrête devant un étal proche de la Kasbah. Je montre les plats vernis décorés d’arabesques « Mauvaise cuisson, dit-il. Prends plutôt celui-là ». Il essaie différents couvercles, s’assurant d’une fermeture étanche, et j’emporte un plat emballé dans du papier journal pour 30 drh. « Si je n’avais pas été avec toi, il t’aurait vendu un couvercle ébréché. Fais attention, à la première utilisation, il faut que tu chauffes progressivement l’argile ».

    Dans la rue Riad Zitoun El Kedim, Ibrahim cache le plat à tajine sous son bras. « Regarde discrètement à gauche et dis-moi si le vendeur nous regarde. Je cache le plat parce que c’est un ami et qu’il serait vexé que je t’aie emmenée acheter ailleurs que chez lui ».

    Nous prenons un dernier thé sur un trottoir, à l’ombre de camionnettes garées. Il a fait très chaud toute la journée. Ibrahim me donne son adresse pour que je lui expédie les photos prises car il tient visiblement à les avoir sous format papier. « Qu’est ce que je peux offrir à un jeune homme marocain ? Et à une femme ? » Tu veux offrir un cadeau à la noire du hammam de Casablanca, c’est ça ? demande Ibrahim. J’acquiesce. « Ce n’est pas comme vous, nous n’offrons pas des fleurs ou des parfums. Les vêtements, c’est bien » dit-il.  

    Ibrahim hèle un taxi et m’accompagne jusqu’à l’hôtel. Sur le trajet, je savoure une dernière fois le spectacle de la circulation marrakchi.

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    A l’accueil, il y a un africain en costard-cravate. Le flambeur typique. « J’étais avec mon couturier Thierry Mugler et bla bla bla… » Je suis occupée à essayer de caser mes derniers achats dans ma valise, aidée du portier et l’ignore. Le cousin africain essaie tant bien que mal d’entamer une conversation avec moi mais j’élude ses questions alors il sort l’artillerie lourde. « Madame, vous avez une morphologie d’africaine. Une très belle africaine, c’est incroyable ! ». « Incroyable mais vrai » dis-je en levant les yeux au ciel et en lançant un clin d’œil complice au jeune garçon de l’accueil. Le patron semble surpris du discours sans équivoque que me tient l’homme. C’est fait que le frère ne fait pas dans la dentelle, il y va franco et insiste : «  Madame, quel dommage que vous partiez, je vous aurais conviée à partager un repas avec moi». 

    Je salue tout le monde, les remercie de leur accueil. « Un bisou » dit Mohammed en saisissant ma main pour y déposer un baiser courtois, réitéré par le patron. Je plante le cousin africain et monte dans un taxi avec Ibrahim qui m’accompagne jusqu’à l’aéroport. Sur la route de l'aéroport, les promeneurs sont nombreux dans le jardin exotique de La Menara.

    Devant l’accès aux salles d’embarquement, j’embrasse Ibrahim. Je ne lui dis pas qu’il a illuminé mon séjour à Marrakech et que j’ai honte de m’être méfiée de lui. Je ne lui dis pas que j’ai appris plus en sa compagnie qu’en visitant des monuments, seule.