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  • Jump around

    Hier soir, après un dîner délicieux dans leur nouveau nid, à deux pas de la porte de la Chapelle, j'ai accompagné ma copine C. et son homme (très bien, son nouvel homme, j'en veux un comme ça) à une soirée Revival 90's qui se faisait au ... Bobino.

    Le Bobino, pfff ... ça devait faire 15 ans que je n'y avais pas mis les pieds !  A l'époque, fin 80's -début 90's, j'y étais tous les vendredis soirs pour des soirées hip hop, avec ma copine Nathalie qui vit maintenant au Bénin. Une boule à facettes a remplacé l'avion qui surplombait la piste et à ma grande déception, pas de vétérans du hip hop, mais des petits bourgeois qui étaient encore dans leurs couches quand je me déhanchais sur "I've got the power". 

    Alors, hier soir, quand après avoir posé mes affaires au vestiaire, je suis entrée dans l'immense salle, j'ai pensé à Nathalie, aujourd'hui maman, et à notre jeunesse. Je suis montée au premier étage et me suis penchée sur la foule qui bougeait sans conviction sur des chansons dont elle ne connaissait pas les paroles. Je me suis revue, là, en bas et je me suis souvenue des promesses non tenues, des garçons croisés et presque oubliés, Lucien, Doudou, Joël, Tex, des petits matins à attendre, dans le froid, que les grilles du métro ouvrent. Et hier soir, comme il y a 15 ans, mais avec Séb et Claire, cette fois, j'ai bondi sur OPP, "Insane in the brain" de Cypress et ça :

     
  • On va aux champignons ?

    c2d89cac4241f52dea9550d1e8bd3e1b.jpgCe matin, remplissant mes poumons d’autant d’oxygène que je pouvais en trouver sur le boulevard des Maréchaux, avant d’attaquer la côte de la poterne des Peupliers, je fus titillée par une odeur familière. Une odeur de feuilles mortes mouillées et de sous-bois moussu.

    Je me souviens.

    Sur une route de Charente, quelque part aux alentours de la Chapelle des Pots, par une belle journée d’automne. Mon grand-père gare sa voiture sur le bas-côté de la route, le long du fossé.

    On sort les paniers en osier du coffre et on s’enfonce dans le sous-bois. Il y a ma mère et  mon frère. « On va aux champignons ? », c’était son expression, une question ressemblant à un ordre. Les jours de pluie, la question variait de peu : « On va aux escargots ? »

    Bon gré, mal gré, encouragés par ma mère « Allez, ça lui fait plaisir … », mon frère et moi montions dans la voiture, n’osant lui refuser le plaisir de nous montrer la beauté de la nature. J’étais rarement enthousiaste, je me sentais cruche, ne sachant pas distinguer les bons champignons des mauvais. Je crois aussi que ma réticence venait du fait que les bois, sombres et touffus, peuplés de bêtes imaginaires ou réelles, me foutaient la trouille. J’imaginais quelque dangereux psychopathe, tapi derrière un arbre, prêt à bondir, ou une main en décomposition dépassant d’un tapis de feuilles. Le moindre craquement d’une branche me faisait tressaillir et je ne m’éloignais jamais de la rassurante présence humaine, guidée par le sifflotement serein de mon grand-père.  

    Pourtant j’aimais la délicatesse des champignons, si fragiles sous le pied du promeneur. Je caressais du bout du doigt le velouté de leur chapeau et effleurais le joli plissé des lamelles. J’admirais la blancheur de vesses de loup perlées, dont je m’amusais à presser la chair molle pour en laisser échapper une petite fumée, et de coprins chevelus qui m’évoquaient une joyeuse bande de hippies.

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    Quand au détour d’un arbre, l’œil connaisseur de mon grand-père découvrait une colonie de quelque espèce savoureuse, cèpes ou girolles, il nous rameutait. Gare à celui qui arracherait le champignon et ses racines, en condamnant la repousse ! Il se ferait sérieusement sermonner, malheureux !   

    Le soir, après la corvée de nettoyage, mon grand-père accommodait notre cueillette en une savoureuse poêlée parsemée d’ail et de persil ou une omelette baveuse, que nous mangions en regardant les infos, ne pipant mot.

    La dernière fois que mon grand-père m’a emmenée dans un sous-bois, il y a plus de 10 ans, il était malade et je ne le savais pas. Il ne lui restait que quelque mois à vivre. Dans le sous-bois baigné d’un soleil printanier, nous avons cueilli des jonquilles qu’il voulait que je ramène à sa fille, restée à Paris. A un moment, alors que j’étais à quelques pas de lui, il s’est mis à m’appeler, d’une voix que je ne lui connaissais pas, angoissée, presque chevrotante. Je me suis demandée ce qu’il avait à paniquer ainsi ; j’avais dû disparaître de sa vue pendant un court instant, dissimulée par un arbre, sans doute.

    Sur le chemin du retour, dans le soir tombant, nul joyeux sifflotement ne vint troubler le silence. Je m'en fis la réflexion. Ce fut notre dernière après-midi ensemble dans les bois.