Il m'a prise dès le réveil. Encore endormie, roulant tantôt sur le dos, le visage tourné vers lui, paisible, tantôt sur le ventre, le nez dans les oreillers chargés de mon odeur, je sentais son énergie apaisante irradier la chambre obscure. Ensuite, comme chaque dimanche, je me suis réveillée doucement en m’évadant vers des contrées lointaines qu’il visite souvent, tout en buvant un thé aux oranges et en mordant dans des tartines croustillantes. M’étirant comme un chat au réveil, j’ai savouré sa présence discrète, promesse d’une journée réussie.
Je me suis habillée léger en ce matin de février. Ma peau au sortir de l’hiver avait faim de ses caresses, je voulais lui offrir ma blancheur virginale pour qu’il y imprime son empreinte. A chaque retrouvailles, il m’embrasse d’abord doucement, m’effleure avec délicatesse. Il sait que sous le feu de sa passion, mes yeux s’allument de mille reflets dorés. Ce n’est que quand il sent sa propre odeur sur moi, quand ma peau chauffée à son contact et gorgée de plaisir exhale une odeur de cuir chaud vanillé qu’il commence à me mordre. Avec le temps, j’ai appris à le quitter juste à temps, avant que le plaisir ne laisse place à la douleur.
Plus tard, sur mon vélo, j'ai filé dans les rues, traversant les carrefours à toute allure et évitant de justesse les piétons imprudents. Sur la jolie place d'un square, près d'un manège d'enfants, il était là. Ses lèvres étaient fraîches comme un baiser à la neige.
Nous nous sommes retrouvés à la terrasse d’un café. Il était face à moi et je me retenais de fermer les yeux pour savourer la chaleur qui montait à mes joues. Son regard balayait avec gourmandise chaque parcelle de mon épiderme laiteux. Il s'immiscait dans le creux de mes seins dont j’ai regretté le décolleté trop sage, caressait les boucles sur ma nuque et rosissait mes joues charnues qui parfois appellent les morsures. Ce contact léger et constant, si troublant, me donna envie de glisser au fond de mon siège, de renverser la tête en arrière et d’offrir mon cou à sa bouche impérieuse. Mais je me connais. Je n’arrive pas à m’arrêter quand il commence à me posséder. Mon trouble eût été trop visible et le spectacle indécent aux yeux de nos voisins de table.
Vers 16h, il m’avait plongée dans un état de torpeur et de bien-être tel que j’ai eu envie de lui, encore. J’avais beau essayer de me hâter pour le retrouver, je me déplaçais lentement, toute alanguie par la torpeur dans laquelle il m’avait plongée. Il ne me restait plus que quelques heures pour profiter de lui. Je cherchais un endroit où nous serions enfin seuls, tranquilles. Sur le toit terrasse d’un centre commercial déserté, à l’abri des regards, je me suis allongée devant lui. J’ai enfin pu fermer les yeux et me laisser aller sous ses caresses. Il était moins intense, déjà, peut-être triste de notre séparation imminente.
Quand il a disparu, j’ai eu froid. Un froid glacial. J’ai rangé mon livre, croisé les bras sur mon manteau et le menton rentré, les épaules contractées, j’ai marché dans les rues qui s’assombrissaient.
J'ai alors repensé à une jolie phrase lue ailleurs.
« Mais j’ai su à cet instant que l’hiver était mort et que bientôt nous fêterons son enterrement.
Et j’avais le sourire aux lèvres. »