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Gens (d'ici et d'ailleurs) - Page 2

  • On soulève de la fonte à Montrouge

    Il est une petite ville, dans le sud de Paris, surplombée d’un édifice en brique rouge : un véritable beffroi, qui abrite une joyeuse guirlande de 27 cloches. Les coquines tintent régulièrement dans le ciel montrougien et j’ai déjà eu la surprise de les entendre bercer les habitants au son du p’tit quinquin, bien loin de son Nord natal.

    Un soir, j’avais fait la connaissance, au hasard d’un apéro improvisé chez le marchand de vins en face de la piscine, de Jean-Louis Voiland, l’un des carillonneurs municipaux et président de l’AMICAM (Les Amis du Carillon de Montrouge). Proche de la retraite, il m’avait invitée à venir visiter le carillon. Et le temps a passé. Parfois, en levant la tête vers le faîte du beffroi, je repensais à cette belle occasion ratée.

    Pour fêter l’arrivée de 3 nouvelles demoiselles à la jupe de bronze, la ville de Montrouge ouvrait au public, il y a 10 jours, l’escalier donnant accès à la terrasse  des cloches.  Le soleil avait décidé de nous honorer de sa présence, le ciel était bleu et mon agenda vide ; à moi le beffroi !

    Vers 14h45, je me présente à l’entrée avenue Victor Hugo et patiente en déchiffrant le panneau informatif.

    J’apprends ainsi que le beffroi de Montrouge, construit dans les années 30 à l’initiative du maire Emile Cresp, comptait déjà une cloche et que l’installation d’un carillon de 27 cloches, sur le modèle de ceux du nord de la France (nous y voilà !) date du passage à l’an 2000. Le carillon de Montrouge retentit pour la première fois à minuit précise, dans la nuit du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000, alors que je m’apprêtais moi-même à fêter, décalage horaire oblige, le passage à l’an 2000 dans la capitale irlandaise où je vivais alors.

    Chaque cloche porte le blason de la ville et le nom de ses maires depuis 1790, date de création de la commune de Montrouge. Les sociétés Cornille-Havard, fournisseur récent de 9 nouvelles cloches pour la cathédrale Notre-Dame de Paris, et MAMIAS sont respectivement chargées de leur fonte et de leur installation.

    Munie du questionnaire à remplir, j’entame l’ascension. L’escalier majestueux du palais des congrès laisse rapidement la place à un escalier de pierre qui, rétréci et en colimaçon, devient de bois. 198 marches jusqu’à la terrasse des cloches, voilà une des réponses au questionnaire distribué aux visiteurs !

    A chaque étage, un panneau  informatif nous en apprend plus sur l’édifice et ses starlettes : la note jouée par chaque cloche, leurs mensurations et les particularités de certaines : la plus grosse mesure 73,1 centimètres de diamètre, pèse 239 kilos et joue le do. Un tableau démontre même qu’ « il existe une logique entre le poids de la cloche, son diamètre et la note jouée ».

    L’ensemble de 30 cloches représente plus de 2 tonnes de bronze, composé à 78% de cuivre et à 22% d’étain.

    Non loin du faîte du beffroi, 2 hommes discutent avec les visiteurs. Au premier coup d’œil, je reconnais Jean-Louis, visiblement sorti de sa retraite pour l’évènement. Avec son collègue carillonneur, Régis Singer, ils sont en pleine explication et je ne les dérange pas (encore). Je les écoute expliquer que les airs joués par les cloches sont commandés par le minuscule clavier électronique posé là. A droite, une horloge électronique égrène les secondes et comme il est 14h59, je ne patiente que quelques secondes pour entendre sonner les 15 heures.

    Carillonneurs de Montrouge.jpg

    Après les dernières marches, j’accède enfin à l’air libre (et frais). De la terrasse des cloches, on a une superbe vue sur Montrouge et sur le sud de Paris, au-delà du cimetière où repose, parmi d’autres célébrités, Coluche, l’enfant de la ville. Quasiment au pied du beffroi, on aperçoit la cité où il a grandi, l’hôtel de ville, le parvis et l’entrée toute neuve au métro. Plus loin, près de la N20, il y a la place où Robert Doisneau a longtemps vécu.

    Là-haut, je suis interviewée puis photographiée par Marc qui écrit pour le journal de la ville.

    Lorsque je redescends, Jean-Louis est seul. Je lui rappelle le cadre de notre rencontre, il y a plus de 5 ans et il me reconnaît. « Je n’oublie jamais un visage » dit-il, ajoutant un compliment.

    Jean-Louis est un retraité très actif. Il anime désormais la région dans laquelle il savoure sa retraite et, toujours président de l’AMICAM, revient régulièrement à Montrouge. Nous bavardons quelques minutes.

    Sur le parvis du beffroi, je m’installe dans un des 200 transats mis à disposition par la mairie et offre mon visage à la caresse du soleil jusqu’à ce que l’air retentisse d’un tonitruant « Tata Sophie ! » et qu’une petite fille aux cheveux mousseux me saute au cou.

     

  • Matthieu Ricard, livre de chevet des conducteurs de bus

    C’était un soir où, ayant quitté l’appartement douillet de mon amie P_o_L, j’attendais sur la place de Clichy un bus me ramenant dans le sud de Paris. Notre sereine soirée s’était terminée sur un échange d’anecdotes amenant à un constat bien négatif : la recrudescence des incivilités dans la rue, les transports et les accès d’agressivité difficilement contenue que cela générait en nous.  

    Il était un peu plus de 23 heures et à l’arrivée de mon bus, une violente altercation – pour parler comme à la télé - a eu lieu entre un passager (éméché / défoncé ?) et le chauffeur. Insultes pour l’un, menaces de commissariat pour l’autre, j’ai bien cru que ça allait en venir aux mains.

    Autant vous dire qu’au moment de monter dans le bus, l’atmosphère était électrique et son conducteur, qui n’a pas répondu à mon bonsoir, très énervé.  Comme à mon habitude, je m’installe à la première place, en diagonale du chauffeur que j’observe du coin de l’œil.

    Rue Blanche, encombrée par les sorties de théâtre, il soupire bruyamment derrière une voiture qui roule au ralenti mais attend les passagers qui sortent du théâtre et le hèlent. Au Palais-Royal, une femme monte sans titre de transport ; il ne l’intercepte pas mais je l’entends bougonner.

    Boulevard Raspail, une Autolib lui fait une queue de poisson et il assène un coup de poing sur son volant. Quelques mètres plus loin, un taxi pile devant lui, sans clignotant. « Il n’a vraiment pas de pot, me dis-je en mon for intérieur ». Je repense aussi à cette vieille théorie que j’ai vérifiée maintes et maintes fois, selon laquelle un sourire attire un sourire (et la mauvaise humeur, les emmerdes). L’état de tension dans lequel il se trouve visiblement me désole. J’hésite à aller me poster à côté de lui, comme je le fais parfois aux heures creuses, pour échanger quelques mots. J’ai le souvenir de quelques trajets fort agréables, comme ça, à discuter avec un conducteur sympa en traversant des quartiers prestigieux et chargés d’histoire. Mais mon chauffeur ne semble pas enclin aux échanges, ce soir.

    Le taxi, c’était la goutte de trop pour mon malheureux conducteur. Il fait un écart, s’arrête à la hauteur du chauffeur, ouvre sa porte avant et lance : « Vous allez arrêter quand, les taxis, de nous emmerder ? ». Le type n’attend pas son reste et démarre en trombe.

    A Denfert-Rochereau, mon conducteur, qui sait faire la part des choses, renseigne fort aimablement un voyageur paumé. A 3 stations de chez moi, me disant que si je suis renvoyée à ma place, la gêne sera de courte durée, je m’accoude à côté de lui avec un grand sourire : «  Vous n’allez pas nous faire un ulcère, quand même ? »

    Ouf, mon sourire a appelé le sien : «  Ah madame, ce métier ne vous réconcilie pas avec vos semblables, vous savez  .. .»

    Et mon chauffeur de bus, qui en a visiblement gros sur la patate, vide son sac. : « Vous avez vu le type à la place Clichy ? Et la femme à Opéra qui est montée en passant son sac sur le valideur ? Je la connais, je la retrouve sur d’autres lignes : seule ou avec ses gosses, c’est toujours le même manège, elle fait mine de valider  et elle ne paie jamais. Le problème, c’est que je n’aime pas afficher les gens. Et l’Autolib ? Et le taxi ? »

    Je compatis : « J’ai les mêmes dans le métro. L’autre jour, j’ai failli balancer un coup de pied dans les tibias d’un costard-cravate qui m’a fait un croche-pattes sans même se retourner. Heureusement que je ne suis pas un homme, je crois que je distribuerais des pains toute la journée».

    Je pointe l’inutilité de toute cette énergie dépensée négativement et lui suggère d’essayer la communication non-violente. « J’essaie vous savez, j’ai même acheté du Matthieu Ricard, mais c’est difficile ». On rit ensemble car moi j’ai le Dalaï-Lama et une biographie de Gandhi sur ma table de chevet. Je me sens moins seule, d’un coup.

    Il me parle de la nouvelle génération de chauffeurs et je le trouve touchant « : « Ça fait 13 ans que je fais ce métier et la nouvelle génération de chauffeurs me fait de la peine, franchement. Nous, les anciens, quand on se retrouve au terminal de bus, on se serre la main, on boit un café, on discute un peu. Eux, ils ne saluent personne, quand ils quittent leur bus, c’est pour se mettre sur leur smartphone, on dirait des autistes. Ce pays a vraiment un problème. »

    Ça fait un peu drôle de parler comme 2 vieux alors qu’on a la quarantaine, et lui peut-être même moins. Quand je descends du bus, il me donne rendez-vous sur un prochain trajet, qui sait ? et promet d’essayer de se concentrer sur les jolies choses de la vie. Je suis contente de lui avoir redonné le sourire et peut-être, d’avoir contribué à embellir ses 3 dernières heures de travail.

     

  • Ma bande

    Il parait que depuis mon escapade à Naples avec mon amie Choups et pour cette raison, j’ai une nouvelle lectrice, que je ne connais pas « en vrai » : sa maman. Cette dame, que je salue ici, aurait récemment souligné le fait que je n’écrive plus beaucoup. C’est vrai. La VAE a occupé la plus grande partie de mon année 2015 et travaillant dans l’informatique, je rechigne de plus en plus à y consacrer mon temps libre.

    Pourtant, j’ai de nouvelles muses. Masculines, comme souvent. Il s’agit d’un groupe de 6 hommes avec lesquels je partage chacun de mes déjeuners. Laissez-moi vous présenter ces hommes qui ont pris une place importante dans mon paysage professionnel et sont devenus, au fil des mois, mes rayons de soleil quotidiens.  

    Sur ces 6 hommes, il y en a 4 pour lesquels, comme dirait l’un d’eux, « j’ai beaucoup d’affection ».

    F. est le premier à m'avoir adressé la parole. Yeux bleus, la cinquantaine, il a tout du commercial : contact facile, tchatche aisée, sans doute héritée de ses origines italiennes. Pour avoir passé quelques soirées avec lui, c’est un incroyable fêtard qui tient bien l’alcool et danse jusqu’à l’aube. Il discute beaucoup mais ne se livre pas. Un soir qu’il avait bu plus que de raison, le séducteur frivole m’a confié être un homme blessé, avant de repartir sur la piste, un verre à la main.

    D., lui, c’est la force tranquille. J’ai noué contact avec ce père de famille, de quelques années mon cadet, devant la machine à café, au hasard d’une allusion à l’île de la Réunion, dont il est originaire. Dégarni, d’apparence quelconque et lisse, on aurait tort de le croire sans caractère. Ses supérieurs redoutent ses habiles interventions verbales autant que ses collègues les savourent. Moi j’ai vite découvert, derrière le physique un peu "papy", un homme d’une grande intégrité. Quand je l’entends répondre à son téléphone par un : « Oui, mon ange ? », j’envie sa femme, qui porte mon prénom. D. réussit là où, de mon point de vue, beaucoup d’hommes échouent : il est capable d'une grande proximité, et même d'une certaine intimité avec une femme sans tomber dans le piège de la séduction et de l’ambigüité, comme mon vieil ami J-M . Un homme respectable, dans tout ce que son mot comporte de noble. Le genre d'homme dans les bras duquel j'aimerais pouvoir me lover.

    J., c’est mon flirt secret, celui avec lequel j’échange depuis 1 an et demi déjà regards aguicheurs et messages polissons, via notre système interne de messagerie instantanée. Mon entreprise de séduction a débuté sur un malentendu : au terme d’une enquête discrète, j’avais été informée que ce garçon réservé, au physique athlétique et félin, était un célibataire endurci. Et quand nous avons mutuellement laissé tomber les masques, j’ai appris qu’il était en couple. Depuis, nous avons fait connaissance et continuons à nous taquiner en toute discrétion, même si, en ce qui me concerne, l’attirance laisse peu à peu la place à une grande tendresse.

    ERR, les hommes de ma vie

    Et puis, il y a P., notre aîné à tous. A mi-chemin entre la cinquantaine et la soixantaine, P. a énormément de charme et un air d'adolescent. Petit, svelte, cheveux blancs et ras, yeux noisette, il porte souvent un blouson d'aviateur et une écharpe blanche. Il a la dégaine d’un pilote d’avion, l’autorité d’un commandant et un petit air de ressemblance avec Hannibal, le cerveau de la série « Agence tous risques », sans le cigare et les bonnes joues. D'apparence rigide, méticuleux, organisé, P. mène sa vie à la baguette. Il nous raconte avec autodérision les vacances avec sa femme : le plan de coffre que la maisonnée est sommée de respecter au millimètre, les repas à heures fixes. Chaque jour, à midi pétantes, il déboule de son pas militaire et bat le rappel des troupes. Les retardataires se font gentiment engueuler et comme j'aime beaucoup P., je suis toujours la première dehors, ce qu'il ne manque pas de faire remarquer aux autres (j'en connais qui n'en croiraient pas leurs yeux). P. est un homme attaché à ses habitudes qui supporte mal le changement : il aime la même femme depuis 30 ans, réserve chaque année la même chambre du même hôtel et après chacun de nos déjeuners, je l’accompagne acheter ses cigarettes dans le même tabac rue de la Pépinière, alors qu’il y en a un à 2 pas du bureau.

    Passionné d’histoire, P. collectionne les objets anciens qu’il peut s’offrir (stylos-plume, objets de l’époque de la seconde guerre mondiale) et rêve devant ceux qui lui sont inaccessibles (voitures anciennes). C’est un homme d’une grande culture et cependant humble.

    Les sujets de conversation de nos déjeuners en bande oscillent souvent entre cul et culture. Car P. est aussi un grivois raffiné dont les yeux pétillent en écoutant nos frasques de noctambules. Notre nuit au club de striptease pour fêter le départ en retraite de notre ami strasbourgeois ? "Mais c'est de la torture !" s'est-il écrié le lendemain.

    L’autre jour, nous avons déjeuné en tête à tête. Je lui ai raconté les émissions passionnantes vues la veille, l’une sur le Paris des années folles et l’autre, « Illustre et inconnu », sur Jacques Jaujard, l’homme qui sauva le Louvre du pillage nazi et dont j’ignorais jusqu’à l’existence jusque-là. Alors que je racontais l’histoire de cet homme, les complicités dont il avait bénéficié pour organiser l’incroyable périple d’œuvres d’art monumentales, dont la Joconde, à travers la France et le cynisme de Goering faisant son marché au musée du Jeu de Paume, P. se désolait d’avoir raté cette émission sur une époque qui le passionne.

    « Cherche S.F. sur Google, me demanda-t-il. C’est mon grand-père. »

    Derrière le lien internet, je découvris l’inventaire de l’E.R.R. (l'Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg, alias "l’équipe d'intervention du Reichsleiter Rosenberg") et la liste des 56 tableaux de maîtres confisqués à son ancêtre, parmi lesquels des Boudin, Pissarro, Degas, Renoir, accompagnés de la photo du reçu de leur propriétaire allemand.

    « Tu vois, ces initiales, H.G., en rouge ? H.G. pour Hermann Goering … »

    P. me raconta alors l’histoire de son ancêtre, les batailles juridiques passées et en cours pour récupérer les œuvres volées. Ce fut un déjeuner grave et passionné, avec un homme passionnant.

  • Dîner libanais chez des karanas

    Au retour du Lemur's Park, ma valise, promise le matin même par Air Madagascar, n'est toujours pas là. Nous sommes bloquées à la maison jusqu'à 18h40, heure à laquelle on me la livre enfin, et sans qu'il n'y manque quoi que ce soit.
    A 20h, nous retrouvons R., un karana mauricien, à la station d'essence Jovenna. Il nous guide jusqu'à la maison d'une de ses amies, qui nous reçoit ce soir pour un dîner concocté par Patrick, un autre karana, ami de R.

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  • Avant Madagascar ...

    Ce matin, je me réveille à 6h30 et après le petit déj, je regarde le championnat du monde de boxe avec C. Mnny Pacquiao aurait dû gagner.

    Vers 10h, on part pour le marché aux orchidées de Saint Gilles les Hauts. De délicates corolles, des sabots de Vénus, un ravissement pour les yeux.

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    Ensuite, on va faire un tour sur le marché de producteurs, et on admire les brèdes, les énormes avocats, on achète des samoussas citrouille, chouchou et songe pour l'apéro.

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    On discute aussi avec le patron - corse - de la ferme du Bel-Air, qui a une vraie tête de réunionnais et fait son propre foie gras et autres produits à base de palmipèdes.

    Sur la route, à son habitude, C. jure avec cet accent du sud qu'il n'a jamais perdu "Et putain, le clignotant, c'est en option, cong?".