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Gens (d'ici et d'ailleurs) - Page 4

  • Vin, parfums et bulles royales

    Il y a 2 semaines, mes touristes urugayens m'ont posé un lapin à Pigalle mais samedi dernier, à 15h, une blonde élégante m'attendait, dans un joli manteau ivoire, au coin de la rue Saint Florentin et de la place de la Concorde. Quand j'avais recu un mail me proposant de jouer la guide pour une stanbouliote, je n'avais pas hésité; la Turquie est un de mes plus beaux souvenirs de voyage et Istanbul, un coup de foudre absolu.

    Dès le premier email, Esra avait adopté le francais et exprimé le souhait que nous conversions dans cette langue, plutôt qu'en anglais. Après quelques pas, j'apprends qu'elle est ingénieure et travaille pour des maisons de parfums, pour lesquelles elle sélectionner et achète les matières premières.

    Comme mon itinéraire emprunte la rue de Castiglione, je lui propose un saut chez Jovoy, boutique de parfums rares dans laquelle j'entre à chaque fois comme si je pénétrais un lieu saint. Esra vaporise des touches qu'elle me tend et décortique les senteurs, détectant matières naturelles et synthétiques. Je me fais un rail d'Ambre muscadin, de LM Parfums, nous sentons le luxueux Musk Aoud de Roja et l'étonnante violette fumée de Les Nombres d'Or. Cest vraiment une boutique pour les orientaux, dit Esra qui m'apprend que seules 700 personnes dans le monde sont reconnues comme "parfumeur" et que le salaire d'un "nez" est de 20.000 € environ.

    Nous traversons rapidement la plae Vendôme, dont la colonne, coiffée d'une toile, est invisible. Esra connait bien le quartier, elle vient en moyenne une fois par an à Paris. Je renonce donc à lui en dévoiler histoire et anecdotes, et me laisse entraîner dans une discussion des plus sympathiques. Esra est amatrice de vins autant que de parfums, ce qui en soi est tout à fait cohérent. En fait, si vous voulez mon avis, Esra voulait juste parler français.

    A Opéra, elle propose de boire un café en attendant "ses amis" au Café de la Paix. Alors que nous attendons qu'une table se libère, une jeune femme et un adolescent aux dents serties de métal nous rejoignent. C'est Esin et son fils, qui est au lycée français d'Istanbul, mais dont je ne parviendrai pas à tirer le moindre son.

    " On boit un kir royal ?" propose Esra.

    - Je croyais que tu voulais boire un café ?" dis-je avec un clin d'oeil.

    - Non, un kir royal, c'est parisien !

    Un kir royal à 16h30, et à jeun depuis la veille, je vais être pompette, mais allons-y. Nous discutons comme de vieilles copines. Mes compagnes du jour sont aussi gourmandes que moi; elles ont le projet d'organiser des voyages gastronomiques pour turcs argentés,et veulent tout connaitre de mes goûts.  Je note mes bonnes adresses parisiennes sur le téléphone portable d'Esin.  

    Esra sort un paquet argenté de son sac : "Tiens, c'est pour toi, je ne connaissais pas tes goûts ..."

    C'est la première fois qu'un de mes touristes m'offre un cadeau ! Je suis sincèrement touchée et déballe un savon délicieusement parfumé, posé sur un linge raffiné dans un panier en osier. 

    Après une bonne heure, et chaud aux étiquettes en ce qui me concerne, je les emmène jusqu'à la rue Sainte-Anne où je pointe mes adresses préférées car elles aussi sont friandes de cuisine japonaise. Nous prenons la rue Thérèse puis nous réfugions dans le jardin du Palais-Royal où je leur raconte l'histoire du petit canon du sieur Rousseau.

    " Je n'avais jamais remarqué à quel point ce jardin était calme, dit Esrin. C'est drôle parce qu'en Turquie, dès qu'il y a une pelouse, les gens y installent des barbecues et ça sent la grillade."

    Peu après 18h, je quitte le groupe, avec des promesses de retrouvailles à Istanbul, et monte dans le bus. C'est que j'ai un rendez-vous de la plus haute importance. Postée derrière la vitre de mon salon, une paire de couettes saute de joie en m'apercevant. Elle a 5 ans aujourd'hui et m'attend pour souffler ses bougies.

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  • Un petit tour dans le sud

    Cette journée a été moins fatigante que je ne le pensais. Ce matin, j'ai pris le train de 6h19 à la gare de Lyon, et je viens tout juste de rentrer chez moi (il est 21h30).
    Une belle amplitude horaire de 16 heures ...
    Je profite d'un arrêt en gare d'Avignon pour envoyer une bise à mon pote Obs. Dans la voiture de location qui nous emmène jusqu'à mon client, je vois une pancarte "Calas 1,5 km". J'ai cherché .. Calas, Calas, le nom de ce village m'était familier alors que je n'ai jamais mis les pieds à Aix en Provence. Et soudain, lumière ! C'est là que vit la mère d'un de mes plus chers amis blogueurs.
    La journée se passe bien, les clients sont très sympas et on sort déjeuner sous un soleil de plomb (ça me change !). Au bureau, je continue mon rythme alimentaire d'un repas toutes les 24 heures mais à la brasserie, je m'enquille une entrecôte XXL. C'est que j'ai le sens de la convivialité, moi.J'ai même hésité à imiter mon client et commander une 16, mais j'ai pensé qu'il valait mieux ne pas abattre toutes mes cartes dès le premier jour.
    Ce soir, vers 17 heures, une charmante taxiwoman m'a chargée. On a parlé de nos interactions avec les automobilistes chauffards, moi en tant que cycliste, elle en tant que piétonne. On se ressemble : je mets des coups de lattes dans les portières, elle balance des coups de sabot. En chemin, elle m'a filé de bonnes adresses sur Aix, car je vais y passer pas mal de temps sur les 6 prochains mois.
    A la gare, j'ai appelé le blogueur pour lui raconter que j'étais passée près de chez sa maman.
    "Tu vas y retourner ?" a-t-il demandé.
    "Oui, pas plus tard que jeudi prochain".
    Il prend un train 1 heure après moi, du coup je vais d^^iner avec mon pote parisien dans le centre d'Aix. Trop fort.

    A Paris, mon taxi est crétois et super sympa, lui aussi. Il m'encourage à acheter une maison sur son île. Et me fait rêver de soleil et de calamars grillés ...

  • Séducteur-né

    Pourquoi étais-je terriblement troublée en ta présence, c'est la question que j'ai retourné plusieurs jours dans ma tête. Certes tu avais sa taille et te tenais comme lui, mais il y avait autre chose, une sorte de flash douloureux, qui me perturbait régulièrement. Et puis un jour, alors que ton regard, aussi noir et intense que le sien, me dévorait, visiblement subjugué, je me suis réchauffée à cette caresse si délicieuse. Et la morsure est arrivée très vite, et je me suis souvenue. Votre point commun a jailli comme une évidence.
    Mais tu n'es pas lui; tu as bien un cerveau à la place du cerveau, et l'expérience m'a rendue lucide, sinon sage. L'attirance désormais expliquée a rapidement laissé la place à une énorme tendresse.

    Il y a quelques jours, j'ai lu la poignante "Lettre d'une inconnue" de Stefan Zweig, et je vous ai reconnus :
    " Tu m'as pénétrée de ce regard chaud, tendre et enveloppant qui était comme une caresse, tu m'as souri. (...) Ce n'est que plus tard, peu de temps après à vrai dire, que j'ai réalisé que tu posais ce regard sur chaque femme, cette étreinte qui les attirait à toi, ce regard qui enveloppe en même temps qu'il dénude, ce regard du séducteur-né.
    Tu posais ce regard sur chaque femme qui te frôlait, sur chaque demoiselle de boutique qui te vendait quelque chose, sur chaque femme de chambre qui t'ouvrait la porte. J'ai réalisé que tu n'avais pas conscience de ce regard, qu'il ne procédait ni d'une volonté, ni d'une inclination : c'est ta tendresse envers les femmes qui adoucit et réchauffe tout à fait inconsciemment ton regard lorsqu'il se pose sur elles. Mais moi, (...) je ne le soupçonnais pas : c'est comme si j'avais plongé dans un brasier. J'ai cru que cette caresse n'était destinée qu'à moi, à moi seule, et, à cet instant, la femme qui sommeillait en moi, alors adolescente, s'est réveillée et cette femme est tombée sous ton emprise à tout jamais."

  • Le cheminot retraité

    C’était hier matin. En route pour la piscine du Kremlin-Bicêtre, je pose mon vélib’ devant la Vache Noire (un centre commercial, pour ceux qui ne connaissent pas) et me dirige vers l’arrêt du bus 123, où on annonce 5 minutes d’attente. Je m’abandonne avec plaisir au soleil qui tente une timide percée. A ma gauche, un monsieur bedonnant, visiblement nerveux, scrute le lointain, main en visière.

    « Vous attendez le 123 ? demande-t-il, au bout de quelques minutes. »

    J’acquiesce.

    «  Il passe régulièrement ? 

    - Il est annoncé dans 4 minutes, dis-je, en me penchant pour vérifier l’affichage électronique. 

    Ah, je n’avais pas vu ! Je ne suis pas d’ici. »

    Il commence à me raconter ses malheurs. Débarqué du RER B à cause d’un incident voyageur puis descendu d’un bus rempli de voyageurs très tendus, à l’atmosphère bagarreuse, il est venu à pied de Bagneux et a raté son train à Austerlitz.

    « Sacrée trotte, depuis Bagneux ! lui dis-je.

    Oui, surtout que j’ai une patte folle, dit-il en désignant sa jambe. Je crois que j’ai un train vers 13h, je voudrais bien ne pas le rater !

    Vous voulez que je regarde à quelle heure est le prochain train ? dis-je en dégainant mon téléphone.

    Le prochain train pour Limoges est à 11h42, ça devrait être jouable. Je m’étonne qu’il ait choisi le bus comme moyen de locomotion pour rejoindre Austerlitz.

    «  C’est que je suis ancien cheminot, dit-il, et qu’avec le RER j’ai mes repères. »

    Il me raconte qu’il vient à Paris pour se détendre, ce qui me fait rire. Sa compagne habite Bagneux.

    Nous montons ensemble dans le bus. Il montre à un chauffeur blasé le bon de retard que lui ont fait les agents, pour ne pas payer le ticket de bus, et s’installe à côté de moi.

    «  C’est bien, vous les jeunes vous savez vous servir de ces choses-là, dit-il en désignant mon téléphone.

    -  Les jeunes, les jeunes … dis-je en souriant.

    Moi j’ai 80 ans, je suis un vieux par rapport à vous.

    - Ça c’est sûr, mais pour les jeunes, moi je suis une vieille !

    Il me raconte ses 8 petits-enfants, et le peu de temps qu’il lui reste pour prendre du bon temps, entre visites à la famille et rendez-vous médicaux.

    «  Faut pas croire, on est débordés en retraite !

    Ah ben merde, moi qui espérais enfin buller, ça m’inquiète, ce que vous me dîtes !

    Une dame africaine décide de prendre part à nos échanges animés, tant et si bien que je manque rater l’arrêt.

    Hé  mais c’est là que je descends, moi ! dis-je en bondissant, avant de tendre la main au vieux monsieur.

  • Retour dans le sud

    Nous voilà coincés dans les embouteillages, en ce début de soirée de Loy Krathong. Les gens commencent à se ruer vers les points d’eau. Boo essaie de passer à droite, puis à gauche, et se tourne vers moi « Too much traffic ». Bon de toute façon, je suis attendue par Rob et Richard, et vu le temps que j’ai mis à arriver jusque-là, je ferais mieux de repartir vers le sud de la ville. Boo me dépose à l’embarcadère où je suis arrivée. Je prends son numéro de téléphone, ça peut servir, et une photo souvenir, ce qui le fait beaucoup rire. Et je lui laisse 100 Bt au lieu des 50 négociés au départ, parce qu’il fait un métier difficile et que ces 2€, pour moi, c’est que dalle. 

    Je monte dans le bateau et paie 8 Bt. Nous traversons le fleuve et je vois le bateau se vider. Je demande à quelqu’un, en pointant l’embarcadère où je dois débarquer, si je dois descendre ici ou rester dans le bateau. En fait, les 8 Bt., c’était pour traverser le fleuve, maintenant nous avançons à la queue leu leu sur des planches pour embarquer dans un autre bateau. Me voilà rassurée ; vu la foule, je suis bien dans un bateau-taxi. Je paie 20 Bt. jusqu’à ma destination (rappelez-vous, j’ai payé 500 à l’aller …)

    Le fleuve de nuit, c’est magique. Les temples sont illuminés et les bateaux sur l’eau brillent de mille feux. A côté de moi, un homme m’adresse la parole. Il est turc, médecin de son métier et s’appelle Yusuf. Son anglais est très sommaire mais nous communiquons sans peine. Il vient de Cappadoce et poursuivra son voyage jusqu’à Hong Kong et Shangai.

    Arrivés à destination, c’est la cohue. Une foule énorme, les bras chargés d’offrandes flottantes, se masse déjà au bord du fleuve. On se croirait sur les Champs Elysées un 14 juillet. Des hommes sont plongés dans l’eau au milieu des nappes de détritus. Nous piétinons jusqu’à la station de métro où j’ai toutes les peines du monde à fausser compagnie à Yusuf qui tente de négocier un dîner. Hey, ce soir, j'ai rendez-vous avec 2 charmants britanniques !