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J'aime - Page 18

  • Naturally 7 prennent le trom'

    Un autre moment de chaleur, un rayon de soleil dans la grisaille parisienne, découvert grâce à mon coloc’ et rappelé à mes bons soins par Alex (merci à lui).

    Un moment irréel où les regards incrédules se croisent enfin, où les sourires s’esquissent, d’abord timides et gênés, où le corps se retient (ou pas) d’exprimer sa joie.

    Un instant qui vous vrille le bas du dos et fait espérer que le métro ne s’arrête plus.

    Si j’avais été dans ce wagon, je crois bien que j'aurais foutu le dawa !

  • Utopie d'une société de l'éducation et du vivre ensemble (2)

    Comme promis, voici la suite de ce que j’ai retenu de ma soirée à la conférence organisée par l'Université Populaire de l'Eau et du Développement Durable, le 30 octobre dernier, et animée par Albert Jacquard, éminent biologiste et humaniste. L'édito présentait ainsi la soirée " Dans une veine différente mais avec la même préoccupation humaniste, Albert Jacquard présentera l'utopie d'une société de l'éducation et du vivre ensemble."

    Cette réflexion fait tout naturellement écho à un commentaire que j’ai posté sur un blog ami, en réponse à un papa qui s’interroge sur sa relation avec ses enfants.  Je partage totalement les idées de M. Jacquard, sauf que pour moi, une telle éducation ne peut se faire dans la société française.  

    Sur l’idée de sélection naturelle

    « Il faut lutter contre une idée du XIXème extrêmement pernicieuse et à la base de beaucoup de nos réflexes, que la sélection naturelle est là pour éliminer le raté et garder le meilleur, c'est faux. L'évolution nous montre que les grands bonds en avant ont été la victoire des ratés. C’est comme ça qu’un poisson est sorti de l’eau, qu’un primate est tombé des branches. »

    Il prend l’exemple des hommes des cavernes. Les plus musclés partaient à la chasse tandis que les freluquets restaient avec femmes et enfants et dessinaient des sangliers sur les murs des grottes. Et d’après vous, demande-t-il, pendant que les hommes chassaient, qui faisaient les enfants ?

    Sur l’éducation

    M. Jacquard a répondu à une question que je m’étais posé à la lecture d’un billet sur Equilibre Précaire : « Est-il souhaitable de préparer les enfants à la précarité ? »

    Je pense que non. M. Jacquard non plus et ses arguments sont bien plus concis que les miens. Pourquoi ? Parce que le monde d’aujourd’hui, si perfectible, ne sera pas le leur. Plutôt que de leur apprendre la résignation, il faut leur apprendre à changer ce monde injuste.

    «Pour éviter la révolution, faîtes-la ».

    « Il faut construire une société où il n'y ait ni perdant ni gagnant, une société de l'échange. Je crois que ce changement-là ne peut être fait qu'à l'école, une école non pas de la réussite au sens de la carrière mais au sens de l'homme.

    « II est temps de mettre la société au service de l'école et non l'école au service de la société ». Cela résout bien ce qu'il faut faire, avoir sur les enfants un regard qui leur permette de se construire, sentir qu'à chaque fois qu'on les méprise, on les détruit et par conséquent chaque fois qu'on les enferme dans une vision de réussite ou de non réussite. Ce que je voudrais faire également, c'est supprimer la date de naissance sur tous les papiers scolaires, un éducateur ne doit pas connaître l'âge mais l'état intellectuel et s'y adapter. Je prendrais aussi une mesure qui ne serait pas apprécié des syndicats des enseignants, je ferais mettre en congé sans solde pendant trois mois tous les professeurs qui auraient employé les mots "don", "surdoué", "pas doué", en Conseil de classe.

    Et vous, parent ou pas, que pensez-vous de ces propos ? Quelle est votre expérience personnelle ?

  • Précaire jusqu'au bout

    Nicolas, le pudique, dans un billet qui me touche beaucoup en ce jour ou, bien que je n'aille fleurir aucune tombe, je pense à ceux qui pleurent leurs disparus et aux disparus que personne ne pleure.

     "Les gens, c'est comme les choses, ils ont de la valeur que si on les aime" disait Momo dans "La vie devant soi" de Romain Gary.

  • Oh! Que c'est beau !

    Je ne peux résister à l'envie de partager avec vous cette lettre magnifique, d'un homme que je considère comme un ami et que je suis fière de connaître :

    Si j'avais été professeur, je n'aurais probablement pas lu la lettre de Guy Môquet à mes élèves ce matin, mais celle de Huynh Khong An :

    « Sois courageuse, ma chérie. C’est sans aucun doute la dernière fois que je t’écris. Aujourd’hui, j’aurai vécu. Nous sommes enfermés provisoirement dans une baraque non habitée, une vingtaine de camarades, prêts à mourir avec courage et avec dignité. Tu n’auras pas honte de moi. Il te faudra beaucoup de courage pour vivre, plus qu’il n’en faut à moi pour mourir. Mais il te faut absolument vivre. Car il y a notre chéri, notre petit, que tu embrasseras bien fort quand tu le reverras. Il te faudra maintenant vivre de mon souvenir, de nos heureux souvenirs, des cinq années de bonheur que nous avons vécues ensemble. Adieu, ma chérie. »

     

    Tu ne connaissais pas Huynh Khong An, peu de gens le connaissent, et pourtant, il était avec Guy Môquet, ce 22 octobre 1941, à presque 29 ans, comme patriote vietnamien et membre du parti communiste français, l'un des 21 martyrs à être assassinés à Chateaubriand.

    Né à Saigon, dans ce Vietnam que les colonialistes s’obstinaient alors à appeler Indochine, il était venu en France, à Lyon, pour y poursuivre des études. Qu’il réussit brillamment, au point de devenir professeur stagiaire de français. Non sans s’investir à fond dans la vie politique française. Secrétaire des étudiants communistes de la région lyonnaise, il milita beaucoup, en particulier aux côtés de sa compagne Germaine Barjon. En 1939, après l’interdiction du PCF, il participa à la vie clandestine de son Parti.

    Nommé au lycée de Versailles, c’est là qu’il fut arrêté en mars ou juin 1941, puis envoyé à Châteaubriant. La suite, tu la connais maintenant.

    Pourquoi aurais-je probablement lu cette lettre, d'un illustre inconnu, à la place de celle de Guy Môquet ? Sans doute par esprit de résistance, parce qu'on ne peut pas commémorer la résistance sans faire preuve d'esprit de résistance.

    Parce que la présence d’un immigré, d’un colonisé, aux côtés des martyrs français, est aussi un clin d’œil de l’histoire. Et si elle prenait valeur de symbole ?

    Il faut aussi se souvenir que la liste des personnes à fusiller ne fut pas établie par les autorités d'occupation, mais par le régime de Vichy, et plus particulièrement par un certain Pierre Pucheu, ministre de l'Intérieur de Pétain. Un homme qui avait été auparavant patron des forges françaises, et qui avait déclaré cinq ans auparavant, au moment des grèves de 1936 qui conduirent aux congés payés et aux accords de Matignon : "Si les salariés veulent gagner plus, ils n'ont qu'à travailler 50 heures par semaine." Ca laisse songeur...

    Dans un article de l'Huma lu vendredi, il y avait ce commentaire de l'historien Alain Ruscio :
     
    "Le régime de Vichy qui a livré les otages ou les nazis qui les ont fusillés ont très certainement considéré avec mépris cet étranger venu se mêler aux terroristes. Lui ont-ils demandé de prouver, par son ADN, le droit de mourir pour la France ?

    Il y a, à Paris, au Père-Lachaise, un monument érigé aux martyrs de Châteaubriant. Sous le nom de Huynh Khong An, une simple mention, d’ailleurs anachronique : Annamite.

    Je ne suis pas partisan du boycott de la lecture de la lettre de Guy Môquet. Mais lisons également, comme en écho, comme en réponse à la xénophobie qui (re)pointe son mufle, celle de Huynh Khong An, un étranger et notre frère pourtant."

    Oh!91

     

  • Souleymane Diamanka

    Hier soir, j’étais invitée au concert d’un slameur bordelais, Souleymane Diamanka. Moins connu que Grand Corps Malade ou Abd Al Malik, il a pourtant travaillé avec les Nubians auxquelles il a offert 2 titres. Je n’accroche pas particulièrement avec le slam, je lui préfère l’énergie du rap, mais la curiosité m’a poussée à y aller, seule, puisque je n’ai trouvé personne pour profiter avec moi de l’invitation. Sur scène, Souleymane – quel joli prénom – tout en muscles dans un marcel et jean noirs, devant un public qui l’écoute religieusement, plonge ses yeux dans ceux d’une jeune femme au premier rang (pas moi, malheureusement) et déverse les rimes chaudes de « Une muse amoureuse ». Il a une belle voix grave, beaucoup de charisme, de l’humour et cette humilité qu’on retrouve souvent chez les Sénégalais. Je lui donne moins de 30 ans, il en a 33.

    « Je m’appelle Souleymane Diamanka dit Duajaabi Jeneba, Fils de Boubacar Diamanka dit Kanta Lombi, Petit-fils de Maakaly Diamanka dit Mamadou Tenen(g), Arrière-petit-fils de Demba Diamanka dit Len(g)el Nyaama, Et cætera et cætera... »

    « En déroulant ainsi sa généalogie, Souleymane Diamanka s’inscrit dans la riche tradition orale des Peuls, ce peuple de bergers qui a fait de la parole un art et couve le verbe comme son plus précieux trésor, ce peuple migrateur, habitant de nul part et originaire de partout (d’aucuns les appellent les gitans du Sahel) que la fortune et les vents ont disséminé dans toute l’Afrique de l’Ouest et au-delà, jusqu’en Occident. A la maison, par contre, on ne s’exprime qu’en peul, pour que le riche patrimoine transmis par voie orale de génération en génération ne s’éteigne pas sur cette nouvelle terre d’accueil. Son père y veille personnellement. Il a enregistré d’innombrables cassettes d’entretiens à destination des plus jeunes (cette voix qu’on entend sur “l’Hiver peul”, c’est la sienne). »

    « Dans ces enregistrements, il y a quatre grands thèmes : ce qu'il pense de l'Occident et comment il espère qu'on s'en sorte ici, l'histoire de la famille et la généalogie, les contes et les proverbes peuls, et les conseils qu'ils donnent à ses enfants. » dit Souleymane.

    "Oublie ce que tu es, deviens ce que je suis, et ensuite rajoute ce que tu es par-dessus ce que je suis. Là, j'aurai réussi mon éducation, tu seras plus que moi."» 

    « En classe de CE2, Souleymane croise la route d’un instituteur qui plutôt que de faire apprendre par cœur à ses élèves des textes qui bien souvent les ennuient au plus haut point, leur propose d’écrire leurs propres poèmes, avec pour seule ligne directrice cette phrase un brin mystérieuse qui va l’accompagner jusqu’à aujourd’hui : « La poésie c’est mettre des noeuds dans les phrases et obliger le lecteur ou l’auditeur à défaire ces nœuds. »

    Un sourire amusé et une pensée pour D., en entendant les mots de Souleymane sur « Muse amoureuse » :

    J’ai la nuit pour parcourir ta peau et je te promets

    De compter le nombre exact de tes grains de beauté.

    En invité, Grand Corps Malade pour un duo posé sur « Au bout du 6ème silence ».

    Des moments très émouvants, comme ce dialogue entre Souleymane et la voix de son père enregistrée sur des cassettes, en peul, pour « L’hiver peul ». Tu préviens, avant de te lancer, mais à nous aussi, « ça nous fait quelque chose », Souleymane. Emotion encore à l’écoute de « Le chagrin des anges » qui me fait penser à W., diablotin au sourire triste qui pour mon plus grand plaisir est sorti du silence :

    Les anges se sont perdus entre silence et colère

    Après avoir gagné les parties d’échecs scolaires

    Chacun tourne le dos à son avenir

    Comme s’il avait une mauvaise réputation à tenir.

    On nous montre la violence des jeunes dans des rues infestées
    Mais je sais que la haine c’est un chagrin qui s’est infecté…
    Nul n’est poète en son pays et pourtant
    J’ai vu ceux qui suent et ceux qui saignent
    Devenir ceux qui sèment les mots qui soignent…
    (Le Chagrin Des Anges)

    Sur ce morceau, la voix du clavier, qui s’élève dans une complainte à la Stevie Wonder pour donner plus de puissance aux mots de Souleymane, me donne la chair de poule.

    Puis un moment de joyeuse déconnade lors d’un duel aiguisé où Souleymane et John Banzaï, son jumeau aux cheveux blonds (roux ?) s’affrontent dans leur langue respective – le polonais pour John, le peul pour Souleymane - avant d’adopter la langue de l’autre, au grand amusement du public.

    A la sortie, en voyant Souleymane sauter dans les bras de ses potes et pousser des cris de joie comme un gamin qui vient de marquer un but, je ne résiste pas à l'envie de lui dire merci (j'en profite pour poser la main sur son épaule, j'avoue). Il me répond de sa belle voix grave : "Merci à vous". 

    J’aime sentir chez un être humain la fierté de son héritage, de sa langue et de son histoire. Nous sommes tous des mosaïques de couleurs et des patchworks de cultures. Alors quand je vois dans les yeux d’un autre humain la honte d’être ce qu’il est, parce qu'on ignore sa richesse et bafoue sa dignité, je suis triste. Un homme comme Souleymane qui honore la langue française tout en étant ancré dans la mémoire africaine, c’est un souffle d’espoir et de paix pour tous les anges de notre pays.